En novembre 2016, j’ai eu la chance d’avoir une longue conversation personnelle en tête à tête avec Emmanuel Macron. Au début de notre conversation, je lui fis part de ma motivation principale dans ce rendez-vous, ne croyant pas du tout à ce moment-là avoir en face de moi notre futur Président de la République. « Monsieur le ministre, lui demandai-je, je suis venu voir si vous serez le futur leader du Centre en France ? ».
J’ai encore très précisément en mémoire sa réponse. « Je ne me positionne vraiment pas comme cela. D’abord parce que je viens de la Gauche et ensuite parce que je veux vraiment rassembler des personnes venant et de la droite et de la gauche ».
Je compris ce jour-là qu’Emmanuel Macron et qu’En Marche n’était et ne seraient pas centristes. Il est encore trop tôt pour savoir quelles sont fondamentalement ses convictions : libéral ? social-libéral ? …. Après les débats dans l’Hémicycle et dans la rue citoyenne d’abord sur la loi travail et ensuite sur la loi de Finances 2018, à Noël, on saura... (lire ma chronique http://jeandionis.com/blog/
Mais la réponse qu’il me fit le jour de notre tête à tête me permet déjà de le caractériser politiquement, en attendant Noël, comme le produit d’un syncrétisme social-libéral qui reste à construire… et d’une bonne dose de bonapartisme (ou pour les plus sceptiques, de boulangisme) en matière de gouvernance, évidente lorsque l’on voit la manière dont il encadre l’expression d’En Marche (que ce soit le parti ou son groupe parlementaire).
Quelles sont donc les convergences et les divergences, essentielles ou idéologiques, entre Emmanuel Macron et le Centre ? C’est une question-clé du nouveau paysage politique français, où le projet du Président de la république est clairement de faire émerger un parti central puissant, En marche avec des alliés centristes, le Modem d’abord, mais aussi à gauche les radicaux et à droite les constructifs.
Mais de quel centre parlez-vous, m’objecterez-vous, avec raison ? Car le Centre, en France, est pluriel : chrétien-démocrates, libéraux, radicaux…
Je vous propose d’établir ce premier inventaire des convergences et des divergences entre le macronisme émergeant et le Centre, à partir du corpus idéologique de la démocratie chrétienne, d’abord parce que c’est un courant politique majeur au niveau Européen, ensuite parce que ce courant centriste dispose d’un fonds doctrinal solide, notamment inspiré par la doctrine sociale de l’Eglise catholique, enfin….parce que venant de cette famille, c’est celle que je connais le mieux !
Les convergences entre Macron et le Centre sont d’abord à chercher du côté du libéralisme et de la construction Européenne. Le Centre a toujours considéré depuis 1945 que l’union des nations Européennes était le grand chantier politique prioritaire à l’échelle d’un siècle, et ceci quelques soient les vicissitudes de la construction européenne à court-terme. S’il y a bien une dette que les centristes ont envers Macron, c’est bien celle contractée pour avoir eu le courage de relever le drapeau des partisans de ce projet, alors que plus grand monde n’osait le faire !
Et les divergences ? soyons directs. Les centristes, nous sommes des Girondins, décentralisateurs, confiants dans la société civile, les associations et les corps intermédiaires (syndicats, etc….). Jour après jour, Emmanuel Macron se découvre Jacobin, Centralisateur, privilégiant le dialogue direct entre le Président et les citoyens. Or ce vieux clivage Français entre Paris et les territoires se réinvente avec une actualité brulante dans les tensions grandissantes entre les riches métropoles parisienne et régionales d’un côté, et la France périphérique en souffrance de l’autre (lire ma chronique précédente « Electro-choc : la France périphérique de Christophe Guilly http://jeandionis.com/blog/
Enfin, il y a la question sociale. La France reste un pays profondément inégalitaire, notamment en ce qui concerne les patrimoines des familles ( 50% des ménages français ont un patrimoine quasi-nul). Les centristes font de la redistribution de la richesse nationale par les politiques fiscales, de revenus, d’égalité des chances une priorité politique. Le programme d’Emmanuel Macron est très discret quant à cette ambition et certains des premiers gestes posés vont exactement dans le sens inverse (réduction des Allocations pour le logement…..)
Que peut-on dire de ce premier inventaire ?
D’abord que le Centre ne se dissout pas dans le Macronisme, encore moins dans En Marche. Les divergences sur les questions sociales et territoriales s’annoncent importantes. Elles justifient, en tous cas, une expression politique autonome et forte des Centristes….
Les convergences justifient-elles de leur côté une alliance stratégique durable entre En Marche et les Centristes ? François Bayrou a estimé que oui et a joué un rôle décisif dans l’élection d’Emmanuel Macron. Quant à moi, je m’en tiens à mon diagnostic initial : A Noël, on saura…..après l’épreuve du feu pour la loi Travail et la loi de Finances 2018.
Par contre, ce qui est sûr, c’est que pour nous les centristes, l’heure de la refondation et de l’Unité est arrivée. Nous, nous sommes divisés en 2007 à l’issue de la Présidentielle gagnée par Nicolas Sarkozy entre ceux qui ont refusé l’alliance avec les Républicains (le Modem) et qui pensaient qu’une alliance stratégique pouvait se construire avec le PS et ceux qui l’ont accepté (Nouveau centre ) dont j’étais. Avec l’élection d’Emmanuel Macron, cette période de l’histoire politique du centre en France est close. Le terrain pour « les assisses de la refondation du centre » est dégagé.
Saurons-nous nous saisir de cette opportunité ?
François Bayrou, fin connaisseur de ces réalités, nous a avertis sur la difficulté de la tâche avec sa phrase terrible de lucidité : « Rassembler les centristes,c'
Et pourtant, l’élection d’Emmanuel Macron a déblayé le terrain. A nous, centristes, de savoir si nous voulons exister et peser.