Le site officiel
Actualités

› Voir toutes les actualités

Toute l'actualité de Jean Dionis

19/01/04 - Réponse aux nombreux courriels de réaction sur la LEN

Publication : 19/01/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Madame, Monsieur, Chers Internautes,

Le nombre de réactions suscitées par ce texte nécessite un éclaircissement qui, veuillez m'en excuser, sera un peu long compte tenu des propos qui sont tenus par différents acteurs de l'Internet.
Je voudrais tout d'abord vous rappeler les sept avancées fondamentales que notre assemblée vient de décider :
1. autonomie juridique de l’internet par rapport à l’audiovisuel et à ses règles,
2. mise en place d’un régime équilibré de responsabilité pour les prestataires techniques (hébergeurs, FAI),
3. protection complète et sans précédent du consommateur en ligne puisque le vendeur devient directement responsable de toute défaillance que celle-ci soit de son fait ou de celle de ses sous-traitants (banques, livreurs),
4. accélération de la diffusion du haut débit grâce aux nouvelles possibilités d’intervention des collectivités locales,
5. création des conditions juridiques de la poursuite de la baisse des prix des services de télécommunications notamment de l’ADSL,
6. tarification à la seconde de la téléphonie mobile garante de la transparence,
7. application à la téléphonie mobile de la gratuité des numéros verts.

Je reviens sur les obligations de surveillance de la diffusion de contenus illicites


Que dit la directive ?
- en ce qui concerne les hébergeurs (article 14 de la directive du 8 juin 2000) : Les Etats membres veillent à ce que le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à condition que :
- le prestataire n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite,
- le prestataire dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible
Il est précisé (point 3) que ces dispositions « n’affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative (…) d’exiger du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation et n’affecte pas non plus la possibilité pour les Etats membres d’instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l’accès impossible ».

- en ce qui concerne les FAI (article 12 de la directive) : Les Etats membres veillent à ce que le prestataire ne soit pas responsable des informations transmises à condition qu’il ne soit pas à l’origine de la transmission, qu’il ne sélectionne pas le destinataire de la transmission et qu’il ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l’objet de la transmission.
Il est précisé (point 3) que ces dispositions n’affectent pas « la possibilité, pour une juridiction ou une autorité nationale (…) d’exiger du prestataire qu’il mette en terme à une violation ou qu’il prévienne une violation ».

- dans tous les cas (article 15, il est interdit aux Etats membres d’imposer aux prestataires (FAI et hébergeurs) une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent ni une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

La portée de cet article a été précisée par le premier rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive.
Ce rapport indique que « l’article 15 interdit aux États membres d'imposer aux intermédiaires de services Internet, en rapport avec les activités visées aux articles 12 à 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. (…) Toutefois, l'article 15 n'empêche pas les autorités publiques des États membres d'imposer une obligation de surveillance dans un cas spécifique clairement défini. »


Donc la directive :
- permet d’imposer des obligations de filtrage (pour rendre impossible l’accès à des contenus illicites) pour les hébergeurs et à condition qu’il s’agisse d’une demande ponctuelle d’une juridiction ou d’une autorité administrative, pour les FAI.

- permet, telle qu’interprétée par la Commission, d’imposer une obligation spécifique de surveillance de certains contenus.

Que dit le projet de loi ?

• La rédaction initiale du projet de loi présenté par le Gouvernement :
- prévoyait (article 43-12 dans l’article 2) que « l'autorité judiciaire peut prescrire en référé, à tout prestataire technique mentionné aux articles 43-7 (FAI) et 43-8 (hébergeurs), toutes mesures propres à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication publique en ligne, telles que celles visant à cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, à cesser d'en permettre l'accès. »,
- ne prévoyait pas d’obligation spécifique de surveillance de certains contenus.

• En première lecture, l’Assemblée nationale a :
- maintenu en l’état l’article 43-12 sur les pouvoirs de l’autorité judiciaire notamment en matière de filtrage,
- établi une obligation spécifique de surveillance pesant exclusivement sur les hébergeurs en leur imposant une obligation de moyens (ils doivent mettre « en œuvre les moyens conformes à l'état de l'art ») pour prévenir la diffusion de contenus constitutifs :
- d’apologie de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, actes de collaboration avec l’ennemi (bref, négationnisme)
- d’incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (bref, incitation à la haine raciale et crimes assimilés)
- de représentation de mineurs à caractère pornographique (pédophilie)
Les FAI ne sont donc pas concernés en tant que FAI mais peuvent l’être lorsqu’ils sont également hébergeurs ce qui peut par exemple lorsqu’ils offrent des services d’hébergement de pages personnelles.

• En première lecture, le Sénat a :
- maintenu sans modification l’article 43-12,
- supprimé l’obligation spécifique de surveillance sur la base d’une analyse erronée de la directive.
• En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a :
- maintenu sans modification l’article 43-12,
- rétabli, dans les mêmes termes qu’en première lecture, l’obligation spécifique de surveillance.

Pourquoi ces évolutions sur la question de l’obligation spécifique de surveillance ?
La première lecture par l’Assemblée a eu lieu en février 2003.
A l’époque, une incertitude pouvait exister quant au sens de la directive sur la possibilité ou non d’une obligation spécifique de surveillance. C’est pourquoi au cours de cette première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée.
Le Sénat a examiné le texte en première lecture en juin 2003 et, à cette date, la portée de la directive n’avait toujours pas été précisée ce qui explique la suppression de cette obligation spécifique avec l’avis favorable du Gouvernement.
En novembre 2003, la portée de la directive a été précisée par la Commission (cf ci-dessus) ce qui a levé les inquiétudes sur la possibilité d’établir une obligation spécifique de surveillance. C’est pourquoi le Gouvernement s’est rallié à cette proposition, Mme Fontaine retirant en séance un amendement visant à supprimer ce dispositif et défendant cette proposition lors de la séance des questions au Gouvernement du mercredi 14 janvier.
Voilà où en est le Parlement aujourd'hui, sachant qu'il reste à faire une 2ème lecture au Sénat et probablement une Commission mixte paritaire de deux assemblées.

Je souhaite également revenir sur le point soulevé par des associations défendant la liberté d'expression. Leur inquiétude est infondée.
Il y a manifestement un malentendu qui repose sur la confusion entre deux notions distinctes :
- la correspondance privée, le cas échéant par voie électronique, et
- le courrier électronique.

En droit français, les correspondances privées bénéficient d’une grande protection juridique puisque l’atteinte au secret des correspondances est un délit passible d’un an de prison et de 75 000 euros d’amende.
Il est explicitement prévu que cette protection des correspondances privées s’appliquent aux correspondances émises par la voie des télécommunications et donc y compris, évidemment, aux e-mails. Le premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications dispose en effet que « le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est garanti par la loi ».
Aucune de ces dispositions n’est modifiée.
Aucune modification n’est apportée par le projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique à la protection apportée aux correspondances privées échangées par voie électronique.
Jusqu’à ce jour, il n’y avait pas en droit français, de définition du courrier électronique.
En première lecture, à l’Assemblée nationale, un amendement a inséré dans le projet une définition du courrier électronique comme « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau ouvert au public qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».
Cette définition, qui est exactement au mot près celle de la directive du 12 juillet 2002, n’avait provoqué aucune émotion.
Il s’agit, on le voit bien, d’une définition qui couvre un champ bien plus large que celui des e-mails. Elle inclut, par exemple, des messages échangés par des réseaux de téléphonie mobile (MMS qui sont des messages sous forme de son ou d’image, messages vocaux par exemple).
C’est précisément à cette définition, au mot près, que nous sommes revenus en adoptant effectivement un amendement de correction de M. Patrick Ollier. Cet amendement ne change donc rien par rapport au droit existant.
La rédaction initiale, proposée par la Commission, était de définir le courrier électronique comme « tout message de correspondance privée, sous forme de texte, de voix, de son ou d'image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l'équipement terminal du destinataire, jusqu'à ce que ce dernier le récupère. »
Comme on le voit, cette définition n’était plus celle de la directive.
Elle avait donc pour effet de restreindre la définition de ce qu’est un courrier électronique aux envois ayant effectivement le caractère de correspondances privées. Par voie de conséquence, elle aurait été annulée par le juge. Sur le fond, elle aurait, en outre, eu pour effet de restreindre la protection apportée aux internautes vis-à-vis du spam puisque les spammers auraient pu soutenir que leurs envois, par définition collectifs, n’étaient pas des correspondances privées et qu’ils ne constituaient donc pas des envois de courriers électroniques interdits sans le consentement préalable des destinataires.
Elle n’avait pas, en revanche, pour effet d’étendre la notion de correspondance privée. Nous n’avons jamais envisagé de le faire car cela n’a rien à voir avec l’objet du projet de loi.
Notre attachement à la protection de la vie privée et en particulier de la vie privée des internautes est complet. La modification qui suscite votre émoi n’a en rien la portée que vous lui prêtez. Il n’était simplement pas imaginable (et d’ailleurs, sur le fond, pas opportun pour les raisons précédemment liées à la protection contre le spam) que ce texte de loi qui se veut texte fondateur de l’internet s’appuie sur des définitions non conformes au droit européen.

Jean Dionis

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.