J’aime bien cette période de vœux de début d’année.
Je sais ce qu’il peut y avoir d’artificiel, de répétitif, d’eau tiède insupportable dans l’exercice.
Mais j’aime aussi voir le bon côté de ce rite.
J’aime Madame ou Monsieur le Maire présentant les projets du Conseil municipal qui se réaliseront si,… si tout se passe bien dans la commune.
J’aime voir mes enfants désormais adultes prendre des résolutions (forcément bonnes...) après débats et échanges sérieux entre eux.
J’aime le rite républicain du Président de la République nous dire sa volonté de faire en sorte que cela aille mieux en France cette nouvelle année que l’année passée.
Vous avez dit volonté ? Eh oui, faire des vœux est un exercice souvent creux et convenu. Mais pas toujours,... faire des vœux peut être aussi le moment de l’expression d’une véritable volonté d’action par rapport à des évènements prévisibles.
Sans vouloir faire trop d’efforts excessifs en ce début d’année, cela nous renvoie à nos convictions personnelles en matière de philosophie de l’histoire.
Soit nous pensons que l’histoire est fondamentalement cyclique, condamnée à se répéter et que pour l’essentiel, nous sommes « sur-déterminés » par tout ce qui nous définit et contraint et qu’en conséquence pour l’essentiel nous répèterons ce que nous avons fait et, dans ce logiciel de pensée, l’expression des vœux est un leurre.
Soit nous pensons que l’Histoire - et notre petite histoire personnelle avec - a un sens, qu’elle a eu un début, qu’elle aura une fin, qu’elle est la résultante d’un curieux mélange d’évènements et de volontés… et alors faire des vœux, en les pensant comme l’expression de notre volonté personnelle a tout son sens.
Alors en 2024, en matière de vœux, je choisis pour moi-même - et je vous suggère pour chacune et chacun d’entre vous – une attitude. Je choisis d’être résolument à contre-sens, d’être résolument minoritaire par rapport à l’air du temps, qui est inquiet, pessimiste, craintif. J’ai cherché l’expression la plus juste possible pour définir l’attitude que je veux adopter par rapport aux personnes et aux évènements qui m’entourent. C’est finalement celle d’un optimisme lucide qui s’en rapproche le plus.
Deux attitudes sont pour moi toxiques et clairement à combattre.
- La première est le déni de la réalité. Rien n’est plus dangereux que celles et ceux qui refusent d’accepter les faits qui doivent s’imposer à nous justement comme la base consensuelle à partir de laquelle le débat, la confrontation sont possibles. Que l’on nie la réalité par volonté mensongère ou par manque de courage béat, les conséquences sont toujours désastreuses : perte de confiance entre partenaires, actions correctrices retardées, voir devenues impossibles.
Pour prendre un exemple collectif, l’actualité internationale de 2024 est marquée par le retour de la guerre en Europe (Ukraine) et au Moyen-orient (Israël/Gaza). C’est un fait massif. Il s’impose à nous avec toutes les conséquences qu’il entraine. Le nier, le minimiser, c’est condamner les parties prenantes à le reproduire indéfiniment. Que sera-t-elle cette année 2024 ? comme 1936, un jalon dans une ligne droite vers la catastrophe, car, oui, l’Histoire peut être tragique ? Comme 1989, un souffle planétaire d’espérance ? une année normale ? L’avenir n’est écrit nulle part et notre devoir de citoyen est de regarder la réalité naissante en face.
- La deuxième attitude dangereuse est celle du pessimisme généralisé. Or, en ce début d’année, je sens l’inquiétude et le pessimisme gagner du terrain dans nos familles, dans nos villes, dans notre pays. Vous me direz que l’actualité, la fameuse réalité dont je parlais ci-dessus n’a rien de réjouissant. Peut-être… mais cela mérite débat et vérification .
Un exemple : la violence dans notre société. Le discours ambiant est à l’augmentation continuelle de celle-ci et arrivent, en rang serré, les discours sur l’ensauvagement, sur la décivilisation, etc… et portant la vérité est beaucoup plus hétérogène qu’il n’y parait. Un exemple ? les meurtres et les homicides en France. Il y a 20 ans, on comptait 1 400 meurtres par an. Aujourd’hui, on en dénombre 1,5 fois moins. Le taux d’homicide pour 100 000 habitants a été divisé par deux (de 3 à 1,4) entre 1993 et 2022. Mais les homicides restent assez nombreux, plus de deux par jour, pour alimenter la chronique médiatique (source : centre d’observation de la société, Ministère de l’intérieur).
Bref, méfions-nous, comme nous l’a appris Michel Serres, du « c’était mieux avant…».
Une fois posées ces deux extrêmes aussi paralysantes l’un que l’autre, je plaide maintenant pour un optimisme lucide.
L’optimisme, en ce qui me concerne, c’est d’abord de croire au progrès possible dans tous les domaines moraux, scientifiques, politiques et de faire de cette volonté de progrès une des règles de notre vie quotidienne et mieux encore un des chemins vers le bonheur personnel.
C’est cet optimisme qui permet l’Espérance, fragile petite fille telle que l’a magnifiquement décrite Charles Péguy dans « le porche de la deuxième vertu ». (https://www.rcf.fr/articles/culture-et-societe/lesperance-dit-dieu-voila-ce-qui-metonne-charles-peguy) :
Mais l'espérance, dit Dieu, voilà ce qui m'étonne.
Moi-même.
Ça c'est étonnant.
Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se
passe et qu'ils croient que demain ça ira mieux.
qu'ils voient comme ça se passe aujourd'hui et qu'ils
croient que ça ira mieux demain matin.
Ça c'est étonnant et c'est bien la plus grande merveille de notre grâce.
Et j'en suis étonné moi-même.
Mais l’optimisme, comme l’Espérance, doit toujours se confronter, être régulé par la dure réalité et par la vérité. Il doit voir clair. D’où cette exigence de lumière, de transparence, et donc de lucidité.
Voici donc mes vœux pour cette année 2024, choisir l’optimisme lucide.
Je sens bien que cette chronique, un peu « philo », est un peu anormale pour les canons de ce blog.
Promis, juré dès la semaine prochaine, j’atterris…
@+
Jean Dionis,
Maire d’Agen