Ma chronique de la semaine dernière (lire http://jeandionis.com/blog/loi-immigration-heure-verite) portait sur le projet de loi immigration, annonçait « l’heure de vérité » avec une certaine préscience se terminait par le paragraphe suivant : « L’immigration, sujet majeur ? Tout le monde en convient. Alors parlons-en là où notre démocratie et notre constitution nous commandent d’en parler, au Parlement ! et, plus spécialement à l’Assemblée Nationale ! Le citoyen, le maire, l’ancien parlementaire que je suis, va suivre ces débats de très près. Je crois et j’espère qu’un certain nombre de masques de faux-culs vont tomber… »
Et bien, en matière de faux-culs, nous, les citoyens, avons été servis. En dix ans de vie parlementaire (2002-2012), je n’ai jamais vu une motion de rejet préalable adoptée. Grâce à la majorité absolue dont disposait le gouvernement pendant ces mandatures, certes mais pas uniquement. Car sur bien des textes sensibles, la majorité parlementaire n’était pas homogène. Mais parce que les oppositions avaient la décence de ne pas additionner leurs votes lorsque leurs convictions étaient radicalement opposées.
Mais lundi dernier, les Français stupéfaits ont vu l’extrême gauche (LFI), la gauche, favorables à une politique plus ouverte en matière d’immigration additionner leurs voix avec celles des Républicains et de l’extrême droite (RN) favorables à un durcissement de notre législation en matière d’immigration. Seuls quelques très rares députés, comme Delphine Batho (génération Ecologie), ont sauvé l’honneur de leur famille politique en refusant de mêler leurs voix à celle de l’extrême-droite.
Inadmissible confusion politique qui se double d’un renoncement tout aussi inadmissible de la part de parlementaires, élus pour faire la loi… de renoncer à la faire ! Refuser le débat, j’allais dire le combat politique, dans l’hémicycle, c’est du jamais vu . Et ceci est tout spécialement valable pour la gauche qui a refusé de débattre sur la base du texte adopté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, renvoyant ce faisant le débat à une commission mixte paritaire sur la base du texte adopté au Sénat, bien plus dur que celui de l’Assemblée nationale. En termes de politique de gribouille, la gauche, déboussolée, a atteint, à cette occasion, des sommets !
Le Président de la République a pris mardi dernier la seule solution raisonnable, restant disponible, en convoquant cette fameuse Commission Mixte Paritaire composée de 7 députés et de 7 sénateurs pour travailler à partir du texte adopté au Sénat .
Quels vont être les points de négociation ? On en a une idée assez précise :
Le premier point est celui de la réforme de l'aide médicale d'état (AME) qui devrait sortir de ce projet de loi et faire l'objet d'un autre texte en janvier.
Le deuxième point concerne les 5 ans de présence en France exigés avant qu'un étranger puisse toucher un certain nombre de prestations sociales.
Le troisième point d’achoppement devrait être les mesures - touchant au code de la nationalité - remettant en cause le droit du sol, véritable ligne rouge à ne pas franchir selon moi.
Enfin le point qui risque de concentrer les tensions sera celui de la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers en tension.
Le décompte est lancé : nous sommes à la veille de la commission mixte paritaire prévue Lundi 18 Décembre. Et enfin, la validation d'un éventuel accord par les deux chambres du Parlement devrait se faire le mardi 19 décembre. C'est le calendrier très serré décidé avec raison par l'exécutif, compte-tenu du refus de vote des députés lundi dernier.
Je reste optimiste quant à un accord final entre la majorité présidentielle et les Républicains, car l’absence d’accord, et donc d’une loi plus rigoureuse en matière d’immigration, serait une catastrophe électorale pour les Républicains qui, après avoir vu partir les plus modérés d’entre eux vers la majorité présidentielle, verraient partir les plus durs d’entre eux vers Reconquête ou le Rassemblement national.
C’est en tout cas la dernière chance d’avoir une loi « immigration » modernisée et à l’efficacité améliorée avant la fin de ce mandat présidentiel. Autant dire que c’est maintenant… ou les calendes grecques.
Je reste pour ma part très vigilant sur le compromis qui sera trouvé. Comme je l’expliquais dans ma dernière chronique, ce texte et les débats qu’il amène, nous renvoie à nos convictions profondes.
Les miennes sont claires en matière d’immigration.
S’il fallait les résumer une nouvelle fois, je dirai : « Souveraineté Nationale : oui, xénophobie : jamais »
@+,
Jean Dionis,
Maire d’Agen
Photo : LUDOVIC MARIN / AFP