Le constat est à peu près unanime.
La séquence « réforme des retraites » a durement secoué le Président de la République, le Gouvernement et la Majorité relative dont il dispose au Parlement.
Et le microcosme politique de se perdre et se complaire dans d’interminables conjectures sur le nouveau visage des quatre ans à venir. Quel programme le Président de la République va-t-il bien pouvoir mettre en œuvre, alors que sa popularité est au plus bas ?
J’ai une réponse assez simple, très naïve diront certains, à cette question : Le président va mettre en œuvre le programme sur lequel il a été élu… avec plus de 58 % des suffrages en avril 2022.
A chaque fois que je tiens cette position limpide, se lève le chœur des gardiens du temple pour la bloquer. Et de s’en tenir à un raisonnement impératif et péremptoire : « l’élection présidentielle ne doit servir qu’à choisir notre futur Président de manière démocratique, au suffrage universel ».
Entendons-nous bien, je ne conteste nullement que les choix fondamentaux de notre cinquième République : l’élection du Président de la République au suffrage universel et la présence au second tour de l’élection présidentielle des deux premiers candidats arrivés en tête au premier tour. Ces choix ont été voulus par le général de Gaulle pour que soit élu le nouveau président avec une majorité absolue de nos concitoyens et qu’ainsi il puisse appuyer son action sur ce socle démocratique majoritaire.
Ces choix, validés par le peuple Français en 1962, ont un avantage majeur : celui de la robustesse démocratique . Nos institutions ont tenu le coup lors de la fin de la guerre d’Algérie, lors du grand capharnaüm que fut l’épisode de mai 68, lors de chocs économiques violents comme les chocs pétroliers de 1973 et 1980 ou, enfin, lors des attentats terroristes de 2015. Elles ont fonctionné avec des majorités parlementaires pléthoriques comme avec des gouvernements de cohabitation (1986 ou 1997).
Mais, elles ont bien sûr les inconvénients de leurs qualités. La concentration de la majorité du pouvoir dans la personne du Président de la République est le plus souvent citée parmi ses défauts congénitaux. Mais il en est un autre : celui de considérer que le Président de la République dispose seulement d’une "majorité d’élimination" , mais en aucun cas d’un accord populaire pour mettre en œuvre le programme présidentiel présenté pendant sa campagne.
Il y a d’ailleurs du vrai dans cette position. C’est bien connu. A l’élection présidentielle, « au premier tour, on choisit, au deuxième tour, on élimine ». Et nous avons entendu à satiété des manifestants contre la réforme des retraites nous dire qu’ils avaient voté pour Emmanuel Macron pour éviter d’avoir Marine le Pen à l’Elysée et qu’en aucun cas, leur vote ne valait validation du programme présidentiel de celui-ci…
Ces personnes existent, nombreuses et respectables. Mais la présence d’une telle minorité – d’opposants au programme du Président ayant voté pour lui par élimination – interdit-elle au Président de mettre en œuvre son programme ?
Je pense que non. L’élection présidentielle au suffrage universel est la seule qui résiste à la progression de l’abstention de masse. Elle est la seule qui rassemble l’intégralité des Françaises et des Français autour du choix des mêmes candidats. Les français l’ont adoptée au plus profond d’eux-mêmes et je souhaite bon courage à celles et ceux qui, comme à la France Insoumise, souhaitent leur enlever.
Elle est donc, à mon avis, devenue centrale dans notre vie politique et cela pour longtemps. Et si tel est le cas, il n’est pas possible de réduire celle-ci à la sélection certes importante de son chef d’Etat et de relayer les priorités politiques exprimées dans le cadre de son programme présidentiel à un simple et banal exercice de communication. Les Françaises et les Français choisissent un candidat et les priorités politiques qu’il met en avant, un candidat et son programme.
Et le candidat élu est bien évidemment légitime à proposer ce programme à la nation par le biais de la représentation nationale.
Et Emmanuel Macron était bien entendu légitime à proposer la réforme des retraites, une des clés de voûte de son programme. Le reste de cette page de l’histoire de France est maintenant connu. Particulièrement douloureux, mais prévisible avec une majorité relative à l’Assemblée nationale et, je le crois, nécessaire.
Et, avec la même cohérence que pour la réforme des retraites, je plaide pour que les 4 ans à venir du mandat d’Emmanuel Macron puisent directement à la source de son programme et de sa campagne présidentielle.
Qu’est-ce que j’y ai entendu lors du deuxième tour de cette campagne présidentielle ? J’y ai surtout entendu planification écologique et gouvernance démocratique. Et bien mon message de citoyen au Président de la République est parfaitement clair : « Monsieur le Président de la République, ayez comme priorités des quatre ans à venir, la planification écologique et la refondation démocratique de notre pays comme vous l’avez promis dans votre programme présidentiel. Faites-le fortement ! Faites-le avec enthousiasme et fraîcheur ! Faites avec une ténacité farouche ! ».
Je crois sincèrement qu’en tenant fortement et sincèrement ses promesses de candidat, Emmanuel Macron, non seulement, retrouvera les grâces de l’opinion publique française si ombrageuse avec ses dirigeants mais, et c’est le plus important, qu’il redonnera des couleurs à notre démocratie française qui en a bien besoin.
@+,
Jean Dionis
Maire d’Agen