Agen, la Ville dont je suis Maire, a été, en janvier et en novembre 2024, l’épicentre d’un mouvement agricole d’une ampleur inégalée depuis plusieurs décennies.
J’ai été témoin du désespoir et de la colère agricoles, et j’avais à l’époque essayé d’expliquer les raisons de la violence de cette colère (lire ma chronique en cliquant ici).
De manière prémonitoire, j’écrivais alors :
« De manière générale, nos agriculteurs doivent obtenir la fin immédiate de la surenchère française en matière d’interdiction de produits phytosanitaires, que ce soit par surtransposition nationale de directives européennes ou par des décisions unilatérales françaises.
À titre d’exemple, ce qui se passe sur la filière noisette est scandaleux. La coopérative Unicoque, principal opérateur français et européen, enregistre une chute de 50 % de sa production, sous l’effet d’une météo défavorable (certes) et faute d’insecticides efficaces, dont l’acétamipride, un néonicotinoïde autorisé en Espagne et en Italie.
Et le conflit qui s’annonce doit permettre de faire aboutir la revendication de la filière rappelée ci-dessous :
« Nous, producteurs et salariés de la coopérative Unicoque, demandons toutes les procédures nécessaires face à l’urgence phytosanitaire qui nous emporte, ainsi que l’harmonisation primordiale des règles phytosanitaires entre la France, l’Espagne et l’Italie, au nom de l’égalité, de la lutte contre la distorsion de concurrence intra-européenne, de la souveraineté alimentaire et de la non-exportation des pollutions. »
De manière générale, il n’est juste pas possible d’avoir une politique agricole commune, plus encore avec un marché commun, et de continuer à gérer, seuls au niveau national (en l’occurrence, la France), ces autorisations et interdits phytosanitaires. »
Eh bien… Nous y sommes ! Au pied du mur… Il se trouve qu’il y a des parlementaires que je tiens à féliciter, qui ont entendu ce message poignant de nos agriculteurs et qui ont fait leur travail de législateur en construisant une proposition parlementaire de loi qui répond sérieusement, solidement aux demandes de nos agriculteurs en matière hydraulique et phytosanitaire.
Ces parlementaires vertueux, ce sont deux sénateurs : Laurent Duplomb et Frank Menonville, tous deux agriculteurs, l’un en Haute-Loire, l’autre dans la Meuse.
Patiemment, ils ont construit une proposition de loi dont l’article 2 entend lever la surtransposition fortement décriée au sein du monde agricole, à savoir l’interdiction unilatérale de tous les produits contenant des substances actives appartenant à la famille des néonicotinoïdes, alors même que l’Union européenne propose déjà un cadre harmonisé et contraignant en la matière. Par ailleurs, il vise à permettre au ministre chargé de l’Agriculture de suspendre une décision de l’Anses dans certaines conditions. Enfin, il fait le pari de la technologie au service de la sécurité des agriculteurs en autorisant de manière encadrée l’usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.
C’est – enfin – une proposition forte et de bon sens : appliquer le droit européen concernant les néonicotinoïdes, pour sauver de nombreuses filières de l’effondrement économique !
Il faut garder en mémoire l’exemple de la filière noisette : la France importe environ 90 % des noisettes qu’elle consomme, et alors que la filière porte l’ambition d’augmenter la production nationale pour gagner en autonomie, la situation d’impasse technique dans laquelle l’interdiction des néonicotinoïdes a placé les producteurs a conduit, depuis 2019, à une baisse drastique de la production de noisettes conformes aux standards du marché, au point d’atteindre, en 2023, un taux de conformité d’environ 50 %, et, pour 2024, de moins de 20 %. La question de la survie de la filière à très court terme est donc posée, si l’interdiction de l’acétamipride demeurait.
Ce texte a été adopté au Sénat le 27 janvier 2025 par 233 pour (LR et l’Union Centriste), 109 contre (l’ensemble de la gauche).
Il arrive demain à l’Assemblée nationale. Et ce sera… l’heure de vérité. Pour avoir porté moi-même des propositions de loi concernant l’agriculture, je connais bien les antagonismes, notamment écologie/agriculture, qui traversent nos familles politiques. Le débat y sera donc violent…
Le groupe central détient la clé de ce vote, puisque le RN et LR ont annoncé soutenir cette proposition de loi et que la gauche s’y opposera, comme elle l’a fait au Sénat.
Si j’étais toujours député, je voterais sans aucune hésitation cette loi, tout simplement en militant pro-européen que je suis. Impossible et imbécile d’interdire en France l’acétamipride et de le voir autorisé dans les 26 autres pays européens ! Nous avons voulu un espace agricole commun et un État de droit européen commun. Il faut maintenant le respecter et ne pas le bafouer !
Je demande donc à tous les députés de ma famille politique, le MoDem, et par extension à tous ceux d’Horizons et de Renaissance, d’avoir le courage de poser des actes forts pour à la fois soutenir nos agriculteurs et pour respecter le projet européen !
Mesdames et messieurs les députés « Centristes »,
Nous espérons votre soutien et, au fond de nous-mêmes, nous comptons sur vous !
@+,
Jean Dionis,
Maire d’Agen
Président de l’Association des Maires du 47