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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Les Maires et le Préfet : une relation d’avenir, si…?

Publication : 23/11/2020  |  11:13  |  Auteur : Jean Dionis

Le tandem Préfet-Maire a été – souvent, et tant mieux – mis en avant depuis la crise des Gilets jaunes et lors de la crise sanitaire de la COVID-19. Il était donc naturel de s’intéresser aux résultats de l’enquête 2020 sur les maires de France réalisée par l’Observatoire de la démocratie de proximité, créé par l’Association des Maires de France (AMF) et le Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po. Si l’on en croit cette enquête, publiée dans le Monde du samedi 21 novembre : « Le jugement (des maires) sur l’action du gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales reste très critique. Interrogés sur la note qu’ils lui accorderaient, les quelque 4 714 édiles ayant répondu au questionnaire pour 34 888 maires mentionnés dans le Répertoire National des Elus (RNE), ne lui concèdent en moyenne que 7,9 sur 20 : à peine 38 % lui donnent 10 ou plus, contre 62 % qui le notent sous la moyenne ». (lire https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/11/20/les-maires-tres-critiques-de-l-action-du-gouvernement-sur-le-covid_6060544_823448.html).

 

7,9 sur 20 ! ce n’est pas…terrible. Essayons de comprendre. Je l’ai dit et redit : la génération des maires élus en 2020 est et restera la génération des maires  « Coronavirus » ( lire ma chronique   http://jeandionis.com/blog/maires-coronavirus ). Logiquement, la perception, par les maires, de l’action du gouvernement vis-à-vis des collectivités locales s’est structurée autour et pendant l’épidémie de COVID-19. Selon la même étude, à la question : « quelles difficultés majeures avez-vous rencontrées depuis le début de l’épidémie de COVID-19 pour gérer l’urgence sanitaire ? », les 5 premières réponses sont :

  1. Le manque de directives claires et cohérentes de la part de l’Etat pour 51% des maires,
  2. Le manque de matériel de protection pour  30% des maires,
  3. Le manque de directives claires et cohérentes de la part des ARS pour 29% des maires,
  4. Le défaut de prise en compte des spécificités des territoires pour 28% des maires,
  5. Le manque de concertation dans les décisions prises par l’Etat pour 21 % des maires.

 

Et moi dans tout cela ? Est-ce que je me retrouve dans l’avis des collègues ayant pris le temps de répondre au questionnaire ?

Non d’abord, et oui, enfin. Pardon pour cette réponse de centriste…

  1. Non d’abord. Je ne m’y retrouve pas pour deux raisons de fond.

En tant que maire, j’ai tout de suite perçu qu’en situation d’état d’urgence (et nous y sommes avec l’épidémie de COVID-19), la police d’exception de l’état d’urgence exercée par l’Etat fait obstacle à la police générale des maires en ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire (lire ma chronique  http://jeandionis.com/blog/covid-difficiles-relations-entre-etat-maires). En clair, en état d’urgence, il n’y a qu’un pilote : l’Etat. Certains de mes collègues maires ont pu en être choqués. Je ne l’ai pas été, considérant l’aspect totalement inédit de ces évènements et leur caractère dangereux.

Içi, en Lot-et-Garonne, les relations entre les services de la Préfecture et les Maires ont été excellentes. Une exception ? Pas vraiment, puisque 64% d’entre nous estiment, dans la même enquête, que la relation de travail « Maires-Préfet » a été efficace.

  1. Oui enfin.

Oui, l’Etat, et plus spécialement ses services centraux, a failli à plusieurs reprises en matière de directives claires et cohérentes. Qu’on se souvienne du tiraillement initial entre le « restez chez    vous » et le « continuez à travailler » ou encore, du monument de bureaucratisme kafkaïen que fut le premier protocole de déconfinement dans les écoles maternelles, sans même évoquer le naufrage de la gestion des masques. A chaque fois, l’Etat a buté sur la difficulté de prendre en compte la diversité des situations territoriales, bref, sur une gestion trop centralisée, trop parisienne.

Mais au final, nous voyons enfin la sortie du tunnel (le pic de la 2ème vague passé, les vaccins qui arrivent….) et cette crise, terrible, nous l’aurons traversée ensemble, avec en première ligne en matière d’ordre et de service public, le tandem Préfet-Maires et cette crise a fait la démonstration de sa pertinence.

Pour une raison simple : sur le terrain, la présence du service public, c’est plus que jamais, d’abord, les 34 888 maires  qui l’assument avec leurs collègues, les 500 000 élus municipaux (520 000 si on y ajoute nos collègues élus départementaux et régionaux) et les 1,45 million de fonctionnaires territoriaux du bloc communal (villes et EPCI) 1,9 million au total de la fonction publique territoriale.

Pendant cette épidémie, les élus et les fonctionnaires territoriaux ont mis en œuvre les mesures sanitaires, organisé la solidarité et l’entraide entre citoyens, pris en charge les plus fragiles d’entre nous tout en assurant la continuité des services publics essentiels : sécurité, ordures ménagères, services sociaux, portage des repas à domicile…

Les pouvoirs publics, et en premier lieu l’Etat, ont mesuré combien le maillage territorial communal est pertinent et incontournable lorsqu’il est urgent de mobiliser chacun de nos concitoyens.

Qu’on le veuille ou non, les services de l’Etat, mis à part la gendarmerie, la police nationale et les pompiers que nous saluons comme les partenaires du quotidien du maire, ne disposent plus de cette proximité avec l’ensemble des territoires et plus particulièrement avec les territoires ruraux.

Dès qu’il faut mobiliser la totalité de la population sur l’ensemble du territoire, alors mécaniquement on se tourne vers le tandem Préfet-Maires parce que sa complémentarité avec d'une part le Préfet, qui assure la diffusion des décisions d’Etat et d'autre part, les maires qui permettent leur bonne exécution, est forte et d’actualité.

Et qu’en sera-t-il lorsque nous serons revenus à la vie normale, et que l’état d’urgence ne sera plus qu’un souvenir lointain ? Quand la démocratie reprendra tous ses droits et nos collectivités reprendront le chemin d’une authentique «libre administration », garantie par notre Constitution ?

Le tandem Préfet-Maires gardera toute sa redoutable efficacité si et seulement si…..L’Etat sait passer d’un mode directif de pilotage unique à un mode conventionnel et contractuel, pour lequel il a d’ailleurs expérience et des atouts financiers renforcés en cette période de plans de relance et de sortie de crise administrée. 

Il nous faut d’abord imaginer cet Etat fort, mais clairement déconcentré sans lequel la diversité française ne sera jamais traitée correctement. Ayons le courage d’alléger les services centraux et de redonner des couleurs à nos services préfectoraux !

Il nous faut enfin imaginer cette articulation moderne, conventionnelle, contractuelle entre l’Etat et les pouvoirs locaux. Voici venir, après l’hiver glauque de cette épidémie de COVID, le temps d’un vrai printemps Girondin !

 

 

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