Je reviens d’une escapade de quelques jours à Amsterdam. Ma femme, qui ne connaissait pas « la Venise du Nord », avait plaidé efficacement pour cette destination. Je m’étais laissé convaincre, n’ayant de celle-ci que de bons mais lointains souvenirs.
Amsterdam, ses musées (Rembrandt, Van Gogh ...), ses maisons du Nord, ses canaux, sa fameuse tolérance/indifférence…et ses vélos. En fait, la vraie différence qui vous saute aux yeux quand vous émergez de la gare d’Amsterdam, ce sont…les vélos !
Des vélos, partout ! : en mouvement sur les pistes cyclables omniprésentes, à l’arrêt dans d’immenses parkings à vélo (voir photo) auxquels je n’aurai pas osé rêver dans mes fantasmes les plus extrêmes.
Des vélos pour tout le monde ! : bourgeois et prolos, jeunes et vieux, hommes et femmes. Pourtant des différences par rapport aux pratiques de cycliste urbain français que je suis: ici, les cyclistes ne portent pas de casque, les vélos sont de type Hollandais (guidon haut, très large…), ils ont une seule « vitesse » et sont équipés d’une caisse sacoche à l’avant du vélo,etc…
Des vélos qui écrasent tout dans les statistiques de trafic des Pays-Bas : 30% des déplacements se font en vélo aux Pays-Bas contre 3% en France, 19 000 km de pistes cyclables, 2 vélos en moyenne par habitant…
Bref, le Pays du Vélo existe. Je l’ai rencontré…c’est la Hollande ou les Pays-Bas comme vous voudrez. Reste une question lancinante et cruciale en ces temps de transition écologique : comment en sont-ils arrivés là ?
J’ai donc cherché sur Internet la réponse à cette question qui me taraudait et j’y ai trouvé les analyses de Frédéric Héran, maître de conférences en économie à l’université de Lille 1 et auteur du « Retour de la bicyclette ». Il décortique les raisons qui expliquent que le vélo soit un mode de déplacement si répandu aux Pays-Bas (lire http://blog.velib-metropole.fr/blog/2017/01/09/pourquoi-tant-de-cyclistes-aux-pays-bas ).
Soyez attentifs! Cela en vaut la peine…
1ère tentative manquée d’explication : un plat pays… mais venteux !
L’argument du plat pays ne tient pas la distance : les vents y sont forts et « affronter un vent de face est aussi pénible pour un cycliste que de gravir une côte ». C’est vrai !!!! Nous avons affronté le vent du Nord lors d’une balade dans les faubourgs Nord d’Amsterdam. Littéralement épuisant. (voir photo de ma femme luttant contre le vent…). Bref, « si les Pays-Bas sont devenus le pays le plus cycliste d’Europe, ils le doivent, non pas à quelque déterminisme géographique ou culturel, mais à un savant mélange de circonstances fortuites et variées » analyse l’universitaire qui s’appuie sur de nombreuses études et ouvrages. Démonstration.
Fin du 19ème siècle : « la petite reine », symbole de l’Âge d’or.
Le succès du vélo aux Pays-Bas est d’abord à lier historiquement à une volonté de promouvoir la nation face à la puissante Allemagne, unifiée par Bismarck depuis 1870. Les Néerlandais voient dans le vélo « à la fois un moyen de découverte du pays accessible à tous et un retour aux valeurs de l’Âge d’or » des Pays-Bas au 17ème siècle, un symbole de « force, équilibre, maîtrise de soi, liberté et indépendance ». Significativement, la famille royale et une bonne partie de l’aristocratie adoptent ce mode de déplacement « proche du peuple ». C’est au passage à Paris de la reine Wilhelmine en avril 1898, que l’on doit le succès de l’expression de « petite reine » pour désigner le vélo.
Première Guerre mondiale : l’effet du blocus.
Dès la fin du 19ème siècle, les associations cyclistes demandent partout en Europe la réalisation d’aménagements cyclables, plus « roulants ». Les Pays-Bas disposent de routes plus confortables pour les cyclistes, en gravier ou briques, quand la France et ses pavés ne sont pas très agréables sous la roue. Mais c’est la Première Guerre mondiale qui marque un tournant. Neutres, les Pays-Bas sont soumis au blocus de l’Allemagne par les Anglais et ainsi privés d’essence. Les voitures à l’arrêt, l’intérêt du vélo est flagrant et une industrie du cycle se développe. Le « vélo hollandais » voit le jour et les associations cyclistes obtiennent la réalisation accélérée de pistes cyclables. En 1924, la taxe sur les vélos est réintroduite : 3 guilders par bicyclette (un vélo ordinaire en vaut 60). En contrepartie, les associations cyclistes négocient que « les routes nouvelles ou refaites doivent être flanquées de pistes cyclables ».
Résultat de ces facteurs conjoints : en 1938 le pays compte 2 675 km de pistes cyclables quand l’Allemagne en a presque deux fois moins et la France presque dix fois moins. Dès 1928, c’est aux Pays-Bas que l’on trouve le plus de vélos avec 308 vélos pour 1 000 habitants (167 seulement en France pour 1 000 habitants).
Le retard de la voiture dans les années 1930-1950.
Les Pays-Bas n’ont pas d’industrie automobile avant 1958. Aussi, après 1945 « cette particularité du marché automobile va suffire à retarder l’effondrement de la pratique du vélo, comparativement à la France ou à l’Allemagne, sans pour autant l’empêcher » . Entre 1950 et le milieu des années 70, la pratique du vélo est divisée par 2,7 quand au Royaume-Uni on assiste à une réduction par 6 ! Deux autres facteurs ont joué un rôle dans le moindre effondrement du vélo aux Pays-Bas : un réseau de transports publics moins développé qui maintient l’intérêt économique du vélo pour les classes populaires et un encadrement des cyclomoteurs, autorisés seulement à partir de 16 ans au lieu de 14. Bref, il n’y a pas eu aux Pays-Bas, cette fameuse histoire d’amour entre la voiture et les gens comme elle a pu se passer en France de 1950 à 1975. Rappelons-nous la fameuse phrase de Georges Pompidou : « les Français aiment la bagnole » !
Le flower power des années 70.
Le développement de la voiture n’est pas du goût de tous dans les années 60. Divers mouvements contestataires se développent et avec eux l’idée « d’oser limiter la circulation automobile » . A la fin des années 60, le mouvement flower power né en Californie arrive aux Pays-Bas et « des habitants décident de reconquérir les rues en installant des bacs à fleurs, des bancs et des aires de jeu sur la chaussée », des manifestations dénoncent les accidents de la circulation. La crise de l’énergie fin 1973 et l’embargo pétrolier mis en place par les pays arabes contre les alliés d’Israël, les Pays-Bas notamment, plaident en faveur des modes de déplacements alternatifs à la voiture. Les dimanches sans voitures sont un succès.
Dans ce contexte, les manifestations de cyclistes se multiplient. Le 4 juin 1977, dans le cadre d’une journée mondiale du vélo, 9 000 cyclistes défilent dans Amsterdam et demandent que les voitures restent garées en périphérie, un investissement dans les transports en commun et les infrastructures cyclistes et même…une ville à 20 km/h ! Les premières « zones 30 » sont créées.
Un retour de la bicyclette s’opère dans toute l’Europe de l’Ouest après 25 ans de déclin et sa pratique « augmente de 10 à 30%, y compris en France .C’est dès cette époque que « les pouvoirs publics mettent au point un nouvel équilibre entre « ségrégation » et « intégration » des cyclistes dans le trafic ». Sur les grands axes, les cyclistes sont à l’écart du trafic sur des pistes ou bandes cyclables (ségrégation), et dans les quartiers ils cohabitent (intégration) avec les autres usagers de la route mais la vitesse est alors limitée à 30, la voirie aménagée (sans vélo aux carrefours, contre-sens cyclables, passerelles au-dessus des voies rapides, etc.). « Toutes ces initiatives portent leurs fruits » : la pratique du vélo est confortée et remonte de 35% entre 1978 et 2005; à Amsterdam, la part modale grimpe de 21% en 1988 à 28% en 2006.
1990-2000 : la naissance du « pays du vélo ».
« Ce n’est finalement qu’à partir des années 1990 que les Néerlandais prennent peu à peu conscience de leur spécificité de « pays du vélo ». S’en suivent alors des plans nationaux ambitieux, un système de taxes permettant de rembourser les déplacements professionnels réalisés à vélo (1995), la poursuite des aménagements en faveur du vélo et notamment ceux fluidifiant les déplacements cyclistes (moins de feux, amélioration des revêtements de sol, éclairages, etc.). En 2009, le Gouvernement a débloqué un budget de 25 millions d’euros pour la construction d’un réseau de pistes cyclables rapides permettant de rejoindre les principales villes ! Les Néerlandais se sont rendus compte de leur avance et tiennent à conserver et exporter cette expertise.
J’adhère pour l’essentiel à cette démonstration claire:
Les Pays-Bas ne sont pas devenus le « Pays du vélo » par déterminisme géographique.
Ils le sont devenus par une volonté politique tenace ayant mis en œuvre depuis plus de 130 ans une « politique vélo » soutenue par les associations d’usagers comme les pouvoirs publics, dont les résultats ont connu, dans le temps, des hauts et des bas….mais qui a fini par transformer radicalement et massivement la manière de se déplacer des Hollandais.
Et nous, en France, à Agen, quelle transition écologique sommes-nous prêts à mettre en œuvre dans nos déplacements ? Patiemment, durablement,…les hollandais l'ont fait. Nous pouvons le faire. Vos réponses m’intéressent.
Bonjour Jean,
Merci beaucoup pour vos explications. Nous comprenons mieux l’origine du vélo et cela est porteur. Notamment pour notre avenir et l’évolution de notre ville.
Comment percevoir Agen dans les prochaines années ? Je souhaite déjà un progrès en matière de transports et dans le comportement de chacun :
- Diminuer sa consommation énergétique, c’est limiter les déplacements en voiture et en favorisant l’usage du cycle.
- Préférer les transports qui n’émettent pas de CO2 (je pense à une proposition d’un citoyen qui souhaitait l’émergence de navettes automatiques en 2008) ou d’un tramway comme il avait été proposé en 2015 par Jean-Alain Mariotti.
-De plus, le vélo électrique un excellent moyen, mais il reste encore trop onéreux, pourquoi ne pas le rendre accessible à tout le monde. Installer des bornes libres services dans divers endroits de la ville. (Faire un système de Vélib, avec également des vélos mécaniques.) En ce qui concerne les vélos Tempo malheureusement je n’en vois peu, il y en a peu à disposition et ils ne sont pas visibles. Pourquoi ne pas les importer sur des bornes à la vue de chacun ?
Enfin je voudrais remarquer les différents projets que vous avez su mener jusqu’au bout, comme la piétonnisation des principaux axes du boulevard de la République. La venue des navettes en centre-ville et des bus sur l’agglo. La création d’une nouvelle aire de covoiturage. L’extension des offres de stationnement avec la création d’un grand parking à la gare. Que de projets florissants.
« Je pense que la transition écologique peut se faire dès demain. Car rien n’est impossible, la volonté reste accessible à tous. L’avenir d’Agen s’écrira chaque jour. »
Maïmiti GELLY
Bonjour chers amis de l’Agenais,
Inventons un tire-fesses pour chaque colline de l’Agenais, par exemple vers Foulayronnes-Hills, et j’achèterai un vélo de bon coeur. J’en rève. Il faudrait oser créer des pistes pour ne pas finir aplati comme une tourtière en remontant Gaillard. Les vélos électriques sont une option mais sujets aux vols une fois parqués en ville. C’est une idée qui fait très envie, particulièrement de mai à octobre.
Bien cordialement votre.
Le vélo à AGEN : pour à 300 %.
Mais pour cette transition le préalable est vraiment de réaliser des pistes cyclables adaptées et dignes de ce nom avec un réseau raccordable et en toute sécurité. De beaux parkings à vélo couverts et écologiques pour éviter aussi de les retrouver comme des « déchets de trottinettes » sur les trottoirs.
Merci pour cet article encourageant.
Moi aussi, je suis un fervent adepte du vélo, en plus de la marche à pied. Tout cela est en plus excellent pour la santé, du coup j'essaie de laisser au maximum voiture au garage.
C'est vrai que la taille de la ville d'Agen se prête à ce mode de déplacement.
La ville à 30 km/h est un premier pas pour l'intégration des modes doux. Il faut aussi que dans l'avenir les infrastructures suivent et soient cohérentes entre elles. Il faudra aussi penser à rejoindre les infrastructuresentre elles. Aujourd'hui les infrastructures nouvelles donnent souvent la priorité aux voitures au détriment du vélo. Mais plutôt que de coûteuses infrastructures, ne pourrait-on pas réserver une large partie droite de la chaussée aux vélos, matérialisée en peinture avec quelques balises aux points les plus larges ou dangereux; et le faire partout où il n'y a actuellement pas d'infrastructures!
Depuis dès années nous gérants de camping et nos clients nous demandons des pistes cyclables du pont canal à venir jusque chez nous route de prayssas meme éventuellement le long de la garonne jusqu'à st Hilaire de Lusignan.
Nos clients en grande partie Hollandais sont très surpris du manque de pistes cyclables dans notre pays
Développer la pratique du vélo, voire d'autres moyens de déplacement dits "doux" (trottinettes, ...) suppose des pistes cyclables cohérentes, continues. J'en prendrai pour anti-exemple la piste discontinue le long de la "route de Layrac" qui apparaît, disparaît, est partagée avec les piétons..., et décourage les bonnes volontés.
Et puis, et surtout, s'il est nécessaire que les automobilistes et les piétons respectent le code de la route et fassent preuve d' un comportement respectueux des autres, IL FAUT QUE LES ADEPTES DU VELO (et autres) EN FASSENT AUTANT, et cessent de brûler les feux rouges, de rouler sur les trottoirs, de rouler à une vitesse inappropriée dans les rues piétonnes, réussite du mandat bafouée par le comportement irresponsable d'utilisateurs qui se croient tout permis et mettent en danger les piétons "normaux", etc
Il reste beaucoup à faire.
des parkings aux entrées de la ville avec des garages à velo sécurisé pour y laisser son propre velo ou pouvoir en louer ou en emprunter un pour la journée couplé à une possibilité de navettes pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas faire de velo
parrallelement il faut à un service de livraison des achats vers ces parkings pour ne pas avoir à etre encombré sur les velos et poursuivre sa déambulation dans la ville libre et non chargé
Bonjour,
Il y a d'autres pays adeptes du vélo, je rentre de Copenhague où les vélos sont partout et il faut sérieusement s'en méfier car ils ont la priorité sur tout ou presque ! De nombreux pères ou mères sont en tricycle avec de nouveaux nés dans le "panier" avant, rarement dans un panier arrière plus prudemment utilisé pour les marchandises. Citons aussi la Flandre Belge où le vélo est omniprésent, que ce soit au travail ou devant les lycées où l'on peut voir des montagnes de vélos.
Tous ces pays sont équipés de pistes cyclables dignes de ce nom en Hollande il y a aussi de grandes voies qui incluent la route pour les automobiles, les pistes cyclables de chaque côté, ainsi que des voies pour les matériels agricoles ! Lors de l'aménagement des polders les plans d'occupation des sols furent particulièrement bien étudiés et très innovants. Ajoutons également que ces pays sont très attentifs à leurs dépenses d'où le choix du vélo, même chez les plus aisés.
Dans notre pays il n'en est absolument pas ainsi, la culture automobile est tellement ancrée qu'il faut être suicidaire pour se frayer un chemin dans la cohue de la circulation. Les campagnes ne sont pas plus accueillantes car il faut circuler sur la même voie que les voitures. Encore pire, les urbanistes qui ont conçu les nouvelles zones commerciales, artisanales, industrielles résidentielles etc, n'ont tenu aucun compte des exemples précités et, dans l'ensemble, ont réalisé des labyrhintes innextricables particulièrement dissuasifs pour les vélos et encore plus pour les handicapés en fauteuil roulant voire même pour les piétons.
Dans ces conditions, à part quelques téméraires, il n'est pas étonnant que presque personne utilise le vélo pour les besoins quotidiens, sans oublier que la culture de l'automobile ne va pas faiblir de si tôt, il suffit de voir l'invasion des voitures devant les établissement scolaires avec le "A" des débutants. Alors, que faire ? Trouver un urbaniste visionnaire comme le Baron Haussmann ? Il n'est hélas plus là et, s'il aurait un sucsesseur il serait éffaré et n'oserait pas engager les travaux énormes de rationnalisation de nos occupations du sol. Quant à changer les mentalités, bon courage !