Je vous propose cette semaine de laisser l’actualité politique Française. Ne vous inquiétez pas, nous y reviendrons. En effet, j'ai eu la chance de partir, avec mes collègues maires du Lot-et-Garonne, pour un voyage d'une semaine en Afrique du Sud.
Cette annonce déclenchera de manière mécanique les inévitables petites polémiques sur ce type de voyage. C'est, cette année, le cadet de mes soucis et je renvoie ceux que cela passionnerait encore à mes arguments en faveur de ces voyages (culture générale, temps d'échange convivial entre collègues) mis en forme dans une chronique passée (lire http://jeandionis.com/blog/voyage-maires-47-aux-usa-vive-culture-generale).
Pourquoi avions-nous choisi l'Afrique du Sud comme destination cette année ? Je n'ai pas de réponse certaine. Mais je crois que, pour l'essentiel, nous voyageons par recommandation.
Et pour l'Afrique du sud, la recommandation est d'abord géographique : Allez là-bas, c'est si beau.... Mais, tout de suite, elle se fait historique et politique : là-bas, il s'y passe des choses extraordinaires qui nous concernent tous. La recommandation ne ment pas.
L'Afrique du Sud est somptueuse. Comme tant de pays et tant de contrées de notre planète? Peut-être....Il reste que le site de la ville du Cap est à couper le souffle, que cette province est, pour nous Français, un mélange mystérieux de côte Atlantique et de climat méditerranéen.
Il me restera aussi le choc de la région de Johannesbourg : immense, vide..... et surtout d'un vert inattendu pour un pays durement touché par la sécheresse. Y aller, c'est comprendre instantanément que l'Afrique du Sud a un potentiel agricole énorme et que celui-ci va être exploité par des acteurs économiques bien éloignés de nos exploitations agricoles familiales françaises.
Il restera l'audace des Sud-Africains d'avoir fait très tôt, dès 1926, dans le coin Nord-est de leur pays le Parc naturel National Krüger : 300 km de long, 70 km de marge, 20 millions d'hectares, à peu près 4 fois notre Lot-et-Garonne natal. Le résultat de cette politique environnementale infiniment patiente est une biodiversité sans doute unique au monde 500 lions, 15 000 éléphants, etc... À notre grande déception, les lions nous ont posé un "lapin", mais nous avons littéralement côtoyé éléphants, girafes, zèbres, antilopes, et tant d'autres animaux perdus de vue par nos yeux d'occidentaux.
Bref, la géographie Sud-Africaine ne déçoit pas et une petite semaine passée là-bas suffit à comprendre l'attachement charnel de tous les Sud-Africains à leur terre et à leur patrie commune.
Mais l'essentiel est ailleurs. L'essentiel, c'est l'histoire. L'essentiel, c'est la politique. Et c'est bien son Histoire et non sa géographie qui donne à ce pays une vocation universelle.
En Afrique du Sud, se joue, pour la terre entière, une partie décisive quant à notre capacité à vivre ensemble dans la diversité.
Cette terre a été et est toujours une terre de rencontres, de rencontres violentes entre peuples et cultures très différents : terres de peuples africains (zoulous, xhosas, et beaucoup d’autres…), terres d’aventuriers, de marins, de commerçants Portugais et Hollandais à la recherche d’une mythique et improbable Routes des Indes, terre de fermiers hollandais, allemands ou d’émigrés huguenots français persécutés pour leur foi religieuse, terre d’anglais colonisateurs et aménageurs…
Le génie politique et symbolique de Nelson Mandela, lorsqu’il invente « the rainbow Nation – la Nation Arc en Ciel » ne doit pas nous faire ignorer ou oublier l’histoire dure, âpre, violente de ce pays durant les quatre siècles de sa création comme nation moderne : guerre des Boers contre les Zoulous, guerre des Anglais contre les Boers, mise en place de ce régime à la fois infamant et fou de l’apartheid (littéralement la vie «à part » des différentes communautés ethniques) de 1948 à 1990, grandes révoltes de Soweto...
Tout semblait se mettre en place pour une sortie tragique et sanglante de ce conflit où les Sud-Africains Blancs auraient connu le même chemin amer que celui emprunté auparavant par les « Pieds-noirs » français d’Afrique du Nord : la violence d’abord, la guerre civile ensuite et au bout du calvaire, l’exil et la tristesse qui rongent tout.
Et pourtant ce n’est pas ce chemin hautement probable et tragique que l’histoire Sud-Africaine a emprunté.
Des Hommes d’exception : Nelson Mandela, Desmond Tutu, mais aussi Frederik de Klerk et tant d’autres ont décidé que l’Afrique du Sud ne serait, ni noire, ni blanche, mais qu’elle appartiendrait à toutes celles et à tous ceux qui y vivaient…Une poignée d’hommes ont évité à l’Afrique du Sud le destin tragique qui lui était promis et cela dure depuis plus de 22 ans.
Et c’est parce qu’elle est capable de faire vivre ensemble, en son sein, 43 millions de noirs, 5,5 millions de blancs et 5,5 millions de métis, parce que sa Constitution installe pas moins de 11 langues officielles que ce qui se passe en Afrique du Sud a une dimension universelle à l’heure où la mondialisation impose de consolider faits et culture nationaux avec diversité ethnique, linguistique et religieuse.
Entendons-nous bien : la vie en Afrique du Sud n’est pas un long fleuve tranquille et il suffit d’un voyage d’une semaine pour percevoir les fragilités de ce vivre ensemble.
Le vivre ensemble Sud-Africain est fragile car il est miné par la violence civile de cette société (11 850 meurtres en 2009 contre 680 en France).
Le vivre ensemble Sud-Africain est fragile car il est construit sur des inégalités sociales extrêmes. Quelque soit la mesure utilisée, l’Afrique du Sud apparait dans les 10 pays les plus inégalitaires au monde et l’existence d’immenses bidonvilles en périphérie des métropoles Sud-Africaines est un des signes qui ne trompent pas quant à l’extrême pauvreté dans laquelle continuent à vivre la majorité des Noirs Sud-Africains.
Le vivre ensemble Sud-Africain est fragile car la tentation du bouc-émissaire ethnique est permanente dans ce pays compte tenu de son histoire et de ses équilibres démographiques. Pour les Blancs, tentant de dire que l’insécurité, c’est les noirs. Pour les Noirs, tentant de dire que les inégalités, c’est l’héritage Blanc.
Oui, ce Vivre Ensemble est fragile. Il connaitra sans doute des périodes de régression.
Mais il dure depuis 22 ans et il est intéressant, pour nous Français qui avons bien du mal avec notre intégration à la Française, de voir quels sont les « ciments » Sud-Africains :
- La minorité Blanche aime son pays et lui est viscéralement attachée. Elle n’envisage aucun repli sur un pays d’accueil, personne – en temps de crise économique – ne s’étant d’ailleurs proposé pour tenir ce rôle.
- Quelques soient les ressentiments par rapport aux inégalités, tous les Sud-Africains savent clairement que le départ des minorités serait catastrophique pour l’économie du Pays et les revenus de ses habitants
- Enfin, les Sud-Africains partagent majoritairement une culture et des pratiques chrétiennes de pardon et de réconciliation qui ont aidé à construire la transition pacifique de 1994, juste après la libération de Nelson Mandela.
Que va-t-il se passer en Afrique du Sud dans les années à venir ? Là-bas comme ailleurs, nul ne sait et l’avenir, qui appartient, dans ce pays, à ceux qui y vivent, n’est écrit nulle part.
Mais, l’échec de la « Rainbow Nation » de Mandela serait – ne nous y trompons pas – un drame mondial pour un monde qui n’en manque pas et qui n’a vraiment pas besoin de cela.
Par contre, sa réussite depuis 22 ans prolonge « le miracle » que fut la fin non-violente de l’Apartheid. Pour le reste du monde, nous qui cherchons désespérément des bonnes nouvelles dans le monde heurté qui nous entoure : En voilà une ! La Nation Arc-en-ciel se porte bien et vous salue. A nous de l’écouter, de percer ses secrets…et de les adapter à notre réalité Française !
Longue vie à la Rainbow Nation !!!
Bonjour Jean DIONIS,
Vous avez raison il faut ouvrir l'esprit humain des nations de notre planète. il y a des lieux mythiques de toute beauté et j'espère que ce beau voyage nous apportera à tous de belles photos pour en profiter avec vous .
vous avez complètement raison de raisonner en humain avant l'esprit de politique c'est ce que le monde à besoin , ce retrouver , ce comprendre et communiquer . bien à vous
Nelson MANDELA, un Homme que j'aurais aimé rencontrer et connaitre. Un Homme ayant le geste juste, (le pardon), la meilleure attitude,(vouloir vivre ensemble en bonne intelligence, plutôt que mourir ensemble, mais comme des C..) et l'art de l'action opportune (pas d'idéologie, mais mettre en place des espaces de dialogue entre ex-bourreau et victimes) pour parler et dire les choses "dans le respect" pour faire prendre conscience des actes de chacun, au lieu de les cacher. Sans la parole, nous serion encore à la cime des arbres!!! Promouvoir le vivre ensemble, c'est avoir un état d'esprit propre à un comportement qui respecte la vie d'autrui comme une richesse, une expérience. Assumer ses responsabilités, ne pas humilié l'autre, ne pas l'ignorer (remettre son égo à sa place, celle d'être tout petit face à l'immensité des choses) et mettre en avant le chapitre 28 de l'agenda 21 de Rio. On gagnerait tous à ce que cela se passe aussi en France car des bonnes idées il y en a, mais il convient de chercher à comprendre pour remettre chaque chose à sa place. Pour cela, il faut se structurer et s'organiser pour comprendre les dérives sociétales et y mettre un terme...Vaste programme dont les prémices vous avaient été présenté en qualité de député et que vous croiserez peut-être de nouveau, tant l'avenir n'appartient à personne et on ne sait jamais de quoi sera fait demain. Nous avions nous aussi eu quelques précurseurs. dans mon territoire il s'appelait E.RECLUS...(faire de cet espace un véritable espace d'enseignement mutuel....)
Cordialement