La loi de Finances 2018 prévoit une profonde réforme du logement social qui ne figurait pas au programme du candidat Macron. Soyons clairs : cette réforme existe d’abord pour des raisons budgétaires, pour faire des économies dans les dépenses publiques de l‘Etat : il faut faire baisser la facture de 18 milliards d’euros des allocations-logement. C’est effectivement un montant considérable. Il n’y a donc aucune raison à ce que ce secteur ne participe pas à l’effort de réduction de la dépense publique. Pas de problèmes donc à priori sur l’objectif pour nous centristes, qui avons toujours fait de la réduction des déficits publics un objectif prioritaire. Mais le diable se cachant dans les détails, regardons justement les contours de la proposition gouvernementale.
Après leur baisse généralisée de 5 euros par mois, qui prend effet au 1er octobre et sera pérennisée en 2018, pour une économie annuelle de 392 millions d’euros, le gouvernement annonce une réduction des crédits de l’allocation logement de 1,5 milliard d’euros concentré sur le seul parc social qui, pourtant, ne capte que 45% des aides. Iniquité fondamentale de cette proposition… Pourquoi faire porter l’effort de la baisse des allocations – logement uniquement sur le secteur social, et rien sur le secteur privé ? la réponse gouvernementale fait froid dans le dos. Dans le secteur privé, selon le gouvernement, « nous n’avons pas de levier pour agir » ?! Évidemment, c’est plus simple, dans le logement social... La mécanique est de demander d’abord aux bailleurs sociaux de baisser les loyers de leurs locataires touchant l’APL, soit 2,5 millions de ménages, d’une cinquantaine d’euros par mois, ce qui réduira l’APL d’autant.
Cette proposition encore floue – quels loyers sont concernés ? La baisse est-elle générale, uniforme, maintenue même à un locataire que sa situation financière, meilleure l’année suivante, prive de toute APL ? – fait bondir à juste titre le mouvement HLM. « C’est un coup de massue, dénonçait Alain Cacheux, président de la Fédération des offices publics de l’habitat. Il réduit de 70% notre capacité d’investissement pour mener des réhabilitations ou construire, et fragilise 120 offices sur 255. Les compensations que propose le ministère sont, en outre, dérisoires et mensongères. ».
Restons clairs. Alain Cacheux a raison. Le gouvernement évoque, sans rire, le maintien à 0,75 %, pendant deux ans, du taux du Livret A, soit un cadeau d’à peine quelques dizaines de milliers d’euros, et l’allongement des prêts consentis aux bailleurs sociaux par la Caisse des dépôts, déjà largement pratiqué. Il évoque enfin la mutualisation possible de plusieurs offices d’HLM. C’est sans doute une voie d’avenir. Encore faut-il avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaitre que c’est un chemin politiquement complexe (quelle gouvernance pour les offices mutualisés ?) et donc nécessairement long à mettre en œuvre et encore plus long pour que cela produise des économies de mutualisation.
En fait, le gouvernement lorgne sur ce qu’il appelle le « trésor caché des organismes HLM ». il faut lire à cet effet l’excellent article du magazine Challenges (lire https://www.challenges.fr/immobilier/actu-immo/pourquoi-macron-s-attaque-au-tresor-cache-des-organismes-hlm_509242)
Emmanuel Macron a insisté lors de son dernier entretien du 16 octobre : "dans le monde HLM il y a des organismes qui ont de l'argent et qui ne le dépensent plus, qui ont construit une forme de rente".
Le président vise certains organismes HLM qui, grâce à leur patrimoine déjà amorti, produisent de l'argent sans le réinvestir dans des programmes de construction ou de réhabilitation. Il y aurait donc un trésor caché à aller chercher.
Si l'on en croit la Cour des Comptes, ce trésor existe bel et bien. Le secteur HLM réalise un chiffre d'affaires de 21,4 milliards d'euros, pour des bénéfices de 3,3 milliards d'euros. Le taux de résultat net par rapport au chiffre d'affaires est de 15,4%, de quoi laisser pantoises nombre d'entreprises.
Autre chiffre mis en avant, moins discutable, la trésorerie : 8 milliards d'euros. 8 milliards de trésorerie, et un résultat net proche de 3,3 milliards d'euros : à défaut d'être riche, le secteur HLM se porte bien dans son ensemble et c'est pourquoi le gouvernement a décidé de le mettre au régime sec.
Pourtant le chemin choisi par le gouvernement est profondément injuste , car plus un organisme HLM fait du social, plus il y a d'allocataires d'APL, plus il sera ponctionné au risque d'être profondément fragilisé.
En tant que Président d’Agen Habitat, bailleur social de l’Agglomération d’Agen, je peux en porter le témoignage formel. Sur un ensemble de 3000 locataires, plus de 70% perçoivent l’APL. La mise en œuvre en l’Etat du projet gouvernemental représenterait pour Agen Habitat une perte de 1,3 million € annuels sur des recettes totales de loyer de 12 millions soit une baisse de recettes de 10,8% pour un organisme à l’équilibre forcément précaire ! Qui résisterait à une ponction aussi brutale ?
La suite, si le gouvernement met en œuvre son projet en l’état, est connue. Elle sera profondément négative pour le territoire agenais : annulation des projets de construction, baisse des crédits de maintenance des logements, donc baisse de la qualité des logements de nos locataires, non remplacement des départs à la retraite du personnel, etc.…
Pour pouvoir partager la volonté gouvernementale de réduction des dépenses liées à l’allocation-logement, nous devons exiger une contrepartie sociale claire : le gouvernement doit traiter de manière radicalement différente les organismes « riches » et les organismes « modestes ». Les organismes d’Ile de France qui, pour certains, ont plus de la moitié de leurs locataires avec des revenus dépassant les plafonds HLM et payant pour cela un « surloyer » ne vivent pas dans le même monde qu’Agen Habitat et ses organismes frères au service de nos concitoyens les plus modestes avec plus de 70% de leurs locataires bénéficiaires de l’APL.
S’il y a un trésor caché dans les organismes HLM, c’est dans les banlieues huppées parisiennes et métropolitaines qu’il faut le chercher, Monsieur le Président et certainement pas dans les banlieues pauvres de la France périphérique.
Il faut d’urgence une boussole sociale à cette réforme du logement. Elle ne peut pas être que brutalement et bêtement budgétaire. Il y a urgence, Monsieur le Président. On ne joue pas avec le logement des plus modestes de nos concitoyens.
il y a des proprietaires qui pratiquent des loyers moins chers que les hlm et des alloc verses a certaine
s personnes sans controlen
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Très bonne analyse , en phase avec notre territoire. Même si je comprends la nécessité de baisser les dépenses publiques, Je suis surprise par la brutalité de certaines décisions en total décalage avec les réalités de notre territoire. Merci pour tes réflexions.