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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Notes de lecture : Le contrat naturel de Michel Serres

Publication : 25/10/2022  |  10:17  |  Auteur : Webmaster

 

J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs fois Michel Serres grâce à ces mousquetaires de l’amitié gasconne qu’ils étaient avec Paul Chollet et Pierre Gardeil. Ces rencontres m’ont profondément marqué à la fois par le prophétisme de sa pensée – sur le numérique, sur l’écologie - et par la beauté de son Français à la fois écrit – difficile, mais somptueux – et oral, juste magique… Je me suis donc mis sur le tard à le lire. Encore récemment, j’ai partagé sur ce blog mes notes de lecture de « relire le relié » (cliquez ici).

Mais, je n’avais toujours pas lu un de ses livres-clé :  le Contrat Naturel . C’est chose faite.

 

 Deux raisons m’ont poussé à le faire  : je tenais absolument à être rentré dans ce débat avant les 2emes rencontres philosophiques Michel Serres d’Agen qui se tiendront du jeudi 10 Novembre au Dimanche 13 Novembre avec pour thème : « Demain, notre terre ».  J’en profite pour inviter personnellement chaque lectrice et chaque lecteur de ce blog à ces rencontres : Thème crucial, programme superbe (à retrouver juste ici), nous vous espérons, vous les citoyens…

La deuxième raison est l’été inquiétant que nous venons de traverser (Méga feux, canicule, sécheresse) m’ont convaincu de faire un effort de lecture et de culture générale citoyenne précisément sur ce thème-là qui s’impose de plus en plus comme une priorité et une urgence.

J’ai donc lu la réédition en 2018 d’un livre écrit en 1990, il y a une trentaine d’années. Vieux livre ? Non, livre brulant de lucidité, livre véritablement prophétique. Ecoutons Michel Serres nous secouer dans cette préface de 2018 :

 

« Je persiste, certes, et en signe les propos, mais cette tranquillité (ndlr : de l’édition initiale de 1990) m’a et nous a quittés. Je suis certain que nous allons à une catastrophe dont notre histoire ne nous donne aucun exemple, si nous ne changeons pas au plus vite, nos coutumes, notre économie et nos politiques ».

 L’alerte est donnée, l’appel à la mobilisation générale aussi .  

 

La thèse centrale de Michel Serres est que nous, les hommes, nous conduisons, par rapport à la Terre, notre seul habitat, comme des parasites. Nous prélevons sans limite et sans souci de l’épuisement et des dérèglements que cela crée à notre planète et d’abord à, son climat. Exactement un comportement de parasite qui ne se soucie pas de son hôte nourricier, qui toujours prend sans rien donner. Sans conséquence tant que ces prélèvements étaient faibles - grosso modo, avant l’ère industrielle – tout change avec celle-ci (environ depuis 1850) et l’explosion des prélèvements et rejets qu’elle induit.

Et Michel Serres fait œuvre de pédagogie en nous renvoyant aux images satellitaires qui mettent en évidence les immenses mégalopoles mondiales : la mégalopole Européenne de Londres à Milan, celle de l’Asie de Shanghai à Tokyo, celle encore de la côte Nord-est des Etats-Unis de Baltimore à New- York. Ces constructions humaines sont à l’échelle de notre terre. Elles l’épuisent. Elles la dérèglent. Comme si le parasite avait trop grossi.

En cela, Michel Serres rejoint exactement, en les anticipant, tous les travaux du GIEC sur la cause indiscutablement humaine du réchauffement climatique actuel (lire ma chronique ici) .

 La réponse de Michel Serres est d’abord d’en appeler à une révolution culturelle .

Il nous somme de passer d’un comportement parasitaire à un comportement symbiotique, où les hommes devront équilibrer ce qu’ils prennent à la terre et ce qu’ils lui rendent.

Il nous somme aussi d’arrêter de penser que « l’homme est au centre du monde et que le monde l’environne ». L’homme n’est qu’un passager parmi d’autres, embarqué sur la Terre, maison commune mise en danger par les excès humains.

Pour cela, Michel Serres nous enjoint de passer avec la Terre un contrat complémentaire de notre contrat social et notre déclaration des droits de l’homme, oublieux à ce jour de « la santé du Monde » :  le contrat naturel . Celui-ci serait passé entre les hommes, leurs institutions, d’une part et notre Terre, d’autre part. Ce contrat transformerait en profondeur notre Histoire, uniquement centrée autour des relations entre nations, sur le très court-terme et les sciences sociales (sciences sociales, sciences politiques…). Le contrat naturel, proposé par Michel Serres, doit être opposable sur le long terme, s’appuyer sur les sciences de la Terre et être centré sur le respect des équilibres fondamentaux de celle-ci.

 

Avoir écrit cela en 1990, et voir ce qu’est devenue la Terre aujourd’hui, c’est avoir eu une lucidité qui est la signature des seuls vrais prophètes. Je vous invite donc expressément à lire ce livre. Les deux premiers chapitres « Guerre et paix » et « Contrat naturel » sont juste fulgurants de vision et magnifiques dans la forme. Les deux derniers « science et droit » et « cordes et dénouement » sont plus poétiques, mais plus difficiles d’accès.

Mais me direz-vous, au delà d’une pertinence qui s’impose comme une évidence aujourd’hui, quelle contradiction pouvons-nous raisonnablement apporter à la demande d’un contrat naturel entre la Terre et les Hommes ? La question de la gouvernance de ce contrat me travaille ? Qui signera pour la Terre ? qui contrôlera le respect de ce contrat ? Qui sanctionnera les contrevenants ?

On pense naturellement à l’ONU, qui a seule cette légitimité mondiale. Interrogé par Michel Serres sur le rôle que pourrait tenir l’ONU dans ce contrat, son ancien secrétaire général Boutros Boutros-Ghali répondait : « J’évoque parfois ces questions devant des membres de l’institution. Chacun de ses membres se défend d’y penser, disant : « Je ne suis pas là pour défendre l’air ou la mer, mais pour défendre les intérêts de mon gouvernement ». Et Michel Serres de conclure tristement : « ces assemblées ne sont donc pas mondiales, mais internationales ».

Cette institution, avocat permanent de notre terre commune, est donc à inventer. Espérons avec le verre à moitié plein : elle est en train de naître à l’occasion des COP (conférences des parties) 21 et suivantes. Alarmons-nous avec le pape François estimant que l’ONU telle qu’elle fonctionne depuis sa création ne « répond plus aux nouvelles réalités ». Il prône « des réformes organiques, destinées à faire retrouver aux organisations internationales leur vocation primordiale de servir la famille humaine ». Cri d’alarme urgent et vertigineux…

Commençons par entendre l’appel à la mobilisation générale lancée par Michel Serres. Pour les nouveaux appelés, un bon début de parcours peut être de lire tranquillement le « Contrat Naturel » chez soi, puis de venir écouter et débattre aux 2emes rencontres Philosophiques Michel Serres.

Au Jeudi 10 Novembre, à Agen !

 

Bonne lecture, Bonnes Rencontres !

@+,

  Jean Dionis  

Maire d’Agen 

Les réactions

Bonjour
Il faut que l'ONU se réveille pour remplir son mondial.
Cordialement
José sequeira

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