On peut tourner et retourner l’information autant que l’on veut. Les faits sont têtus : C’est la deuxième fois dans la même année 2013 que la France engage son armée en Afrique.
Elle l’a fait au Mali avec l’opération Serval en Janvier dernier (4500 hommes) et elle vient de le refaire depuis Vendredi dernier en Centrafrique avec l’opération Sangaris (à terme 1600 hommes).
Cette double intervention est en soi un évènement considérable diplomatique et militaire, et pas uniquement pour l’ancien coopérant et ami de l’Afrique que je suis. Comment le Président Hollande, arrivé au pouvoir avec des convictions fortes sur la nécessité pour la France d’ « en finir avec la Francafrique » en est-il arrivé à ce double engagement ?
L’histoire de chacun de ces deux conflits est spécifique et complexe et mériterait bien entendue d’être étudiée et prise en compte, mais il est utile de dégager les lignes-forces des causes de ces conflits et des conséquences de ceux-ci sur toute la région.
Le Sahel, immense espace intermédiaire entre le Maghreb et l’Afrique Occidentale et Equatoriale a toujours été une zone frontière entre les populations de religion musulmane et celle de religion chrétienne – c’était clairement déjà le cas lorsque je me suis rendu sur place au Burkina en 1980 –
Cette cohabitation a pu être par le passé pacifique. Elle ne l’est plus. Cette région continentale qui va de la Maurétanie au Centrafique en passant par le Nord Mali, le Burkina Faso, le Niger, et le Tchad est devenue un espace sans contrôle étatique et sous influence des milices islamiques, méritant ainsi le surnom de Sahelistan. Ces milices sont bien organisées, bien armées, déterminées. Partout dans cette zone du monde, elles ont tenu tête, voir mis en déroute les armées africaines nationales – quand elles existaient formellement.
Dans les deux conflits (Mali et Centrafrique), la France n’a pas eu d’autres choix que « d’y aller » .Elle a attendu, à chaque fois, la dernière limite acceptable avant d’intervenir : Pour le Mali, les colonnes islamique qui fondaient sur Bamako, et pour le Centrafrique, 300 morts lors des violences interconfessionnelles de cette dernière semaine .
Il est clair pour les lecteurs réguliers de blog que je ne suis pas vraiment un aficionado du Président Hollande. Mais reconnaissons que dans le domaine, il a bien fait ce qu’il devait faire au regard de l’histoire de la France , des valeurs que nous défendons, de la sécurité de nos ressortissants nombreux dans cette partie du monde et de nos intérêts économiques. Dont acte.
D’abord, sur le fond, oui, il fallait y aller.
Laisser tomber le Mali, c’était prendre le risque énorme de laisser le Mali devenir un Etat-voyou, un Etat terroriste au cœur de l’Afrique Occidentale Française. Impensable.
Laisser tomber le Centrafrique, c’était prendre la responsabilité d’une dérive génocidaire affreuse et d’affrontements d’une violence inouïe entre chrétiens et musulmans. Tout aussi impensable.
Soyons clairs aussi, la France était seule à vouloir et/ou pouvoir y aller avec efficacité. Les Etats-Unis ne veulent en aucun cas ouvrir un nouveau front militaire. La Grande-Bretagne n’a aucun intérêt à agir dans cette région. Les forces africaines, utiles et efficaces comme forces d’appoint, ne peuvent porter la responsabilité d’une telle opération. Restait donc la France dont l’histoire qu’il faut bien assumer, a permis un enracinement économique et militaire dans cette partie du monde.
Enfin, la France agit dans le cadre d’un mandat international de l’ONU et aurait négocié à la fois une participation financière de l’Union européenne et un relais prochain pris par les Forces Africaines…..
Tout est donc « calé » ? Non et il faut avoir le courage de dire la vérité aux Français dans cette affaire grave.
D’abord, la France est très seule dans cette affaire et cette solitude est à la fois de la responsabilité d’une diplomatie française bien poussive en la matière et d’un égoïsme inadmissible de nos partenaires Européens. La France ne peut accepter d’engager, seule, la vie de ses soldats pour défendre des intérêts français, certes, mais aussi clairement Européens et accepter que l’union européenne soit aux abonnés absents dans ce conflit. Pour être encore plus clair, l’Union Européenne doit payer, au moins la majeure partie de ces interventions. La France ne doit pas reculer sur ce point sensible.
Enfin, et surtout, il ne faut pas mentir aux Français sur un deuxième sujet encore plus sensible : la durée de notre engagement au Mali et en Centrafrique. Dans ces deux pays – encore plus en Centrafrique – l’Etat s’est effondré : des régions entières du pays sont sans aucune administration, les services publics de base (eau, électricité, etc…) ne sont plus assurés et les fonctionnaires, qui ne sont plus payés depuis plusieurs mois, ont disparu……C’est dans ce contexte que se passent les dernières interventions Françaises.
Sans Etat, la violence, dont l’Etat a le monopole légitime, ressurgit de partout dans la société civile. Et ne nous aveuglons pas. La reconstruction d’Etats dignes de ce nom, au Mali et en Centrafrique, sera longue et dangereuse.
A titre d’exemple, la France est intervenue aux côtés d’Hissène Habré au Tchad pour contrer une offensive Libyenne en….1983. Nous y sommes encore.
Le président Hollande a eu, à mon avis, raison d’engager notre armée au Mali et en Centrafrique. Mais il doit dire la vérité aux Français : Nous y sommes pour longtemps. A lui d’en tirer toutes les conséquences.
@+
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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
réponse
Mon cher Jean
Tout à fait d'accord avec ton analyse.
Seule petite rectification : ce n'est pas en 83 que la France est intervenue au Tchad mais en 1969, le 6 avril exactement ou je me mettais en place à "Fort Lamy" avec une escadrille d'avions d'oservations de l'ALAT pour travailler avec un détachement du ° REP de Calvi...et comme tu dis ...nous y sommes encore!!! Le Président Tchadien de l'époque s'appelair Tombalbaye..Amitiés d'un ancien de B.Palissy...
Mali
I y a plus que des raisons économiques , des valeurs que nous défendons, des ressortissanst à protéger. Notre longue histoire au Mali a débouhé sur des liens plus étroits.
la France a apporté au Mali, non pas une conquête mais une libération, termes qui restent tout à fait incompréhensibles pour nos concitoyens nourris de l'histoire revue et corrigée officielle. 70 ans après la " conquête " , j'ai été plus que surpris de l'accueil et du prestige extraordinaires qu'avait le lieutenant " toubabou" auprès de la population de base. La France avait apporté la paix, la justice et la liberté ! N'en déplaise aux masochistes !
Les esclaves étaient razziés non par des blancs, mais par quelques potentats locaux ou les arabes ! D'où une incompatibilité séculaire entre le Nord et le Sud du Mali ,ce qui rend tout à fait peu compéhensible que l'Islam ait pénétré, sauf via l'indifférence règlementaire d'une administration laïque à l'égard de nos missionnaires.
Les faits sont tétus et les équipes des organismes de renseignement qui suivent ces affaires africaines ne peuvent avoir la tête enfoncée dans le sable et ont du faire passer le message de l'histoire.
Reste à notre Président d'en faire de même pour toutes les grandes questions qui concernent notre pays.
Certes la population a évolué depuis démographiquement et culturellement.