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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Nelson Mandela (1918-2013) : Regard personnel

Publication : 15/12/2013  |  23:42  |  Auteur : Jean Dionis

Difficile d’échapper cette semaine à l’hommage universel rendu cette semaine à Nelson Mandela. Comme beaucoup, j’ai lu quantités d’articles biographiques, d’éditoriaux, j’ai vu plusieurs films sur le destin extraordinaire de l’homme qui vainquit de manière pacifique le régime raciste de l’apartheid…..Mandela fait indiscutablement partie de ces héros de temps de paix : Jean-Paul II, Lech Walesa, Gandhi, Martin Luther King qui ont rendu notre monde meilleur sans pour cela déchainer la violence et faire couler le sang….

Mais au-delà de la destinée fascinante de Nelson Mandela (ne serait-ce que par la résistance surhumaine à 27 années de prison), que nous enseigne Mandela ? Quel est son message universel au-delà de sa spécificité Sud-Africaine ? Que nous disent Mandela, sa vie, son héritage politique à nous, français de l’hiver 2013 ? Voilà ce qui m’intéresse vraiment dans l’avalanche médiatique autour de sa disparition.

Peut-être n’est-il pas inutile de commencer par dire ce qu’il n’est pas : un Saint ….Ecoutons Mandela lui-même s’exprimer sur ce sujet en 1998 : « ce qui m’a inquiété en prison, était de voir l’image fausse que, sans le vouloir, je projette dans le monde extérieur, celle d’un Saint. Je n’en ai jamais été un, même si on considère que le Saint est un pêcheur qui ne se décourage pas ».

Je ne suis même pas sûr que Mandela ait été un bon président gestionnaire : Corruption, insécurité, inégalités sociales, aucun des ces problèmes endémiques de l’Afrique du Sud n’aura significativement reculé sous son mandat de Président.

Par contre, Nelson Mandela a été un homme d’Etat exceptionnel. Son action peut se résumer simplement : grâce à lui, l’Afrique du Sud a échappé à son destin probable dans les années 1980, celui d’une guerre civile atroce entre Blancs et Noirs, suivi d’une partition dans la violence du territoire national avec la constitution d’un réduit Blanc qui aurait été un foyer de violence pour des décennies comme peut l’être, aujourd’hui, la Palestine. Etudiant pendant ces années, j’ai gardé une claire mémoire de la trajectoire tragique sur laquelle était embarquée l’Afrique du Sud à ce moment-là.

Mandela a permis l’émergence d’un autre chemin : celui de la réconciliation nationale à la fin de l’Apartheid. Il aura d’ailleurs concentré toute son énergie en tant que premier Président démocratiquement élu de l’Afrique du Sud à cette tâche immense, laissant largement la gestion des affaires courantes à son Premier Ministre Thabo Mbeki . Cette lucidité sur ce qu’est le combat prioritaire pour une nation, pour un peuple et cette capacité à concentrer son action sur cette priorité, voila la vraie marque des hommes d’Etat : Pensons à Clemenceau et à son fameux « Je fais la guerre ! ». Nelson Mandela rentre dans l’histoire comme l’homme d’Etat qui a vaincu l’apartheid et qui a, dans la foulée, réconcilié Blancs et Noirs de son pays.

Comment a-t-il pu réussir alors que la haine et la méfiance étaient si fortes entre les communautés ? Mystère et grâce d’un destin…il aurait pu être assassiné à de nombreuses reprises. Force d’une légitimité construite patiemment pendant toute une vie de combat politique, sans aucun doute….mais enfin aptitude exceptionnelle à poser des gestes symboliques – pas de percée politique majeure sans symboles forts : Confier sa sécurité de Président à des Noirs et à des Blancs, garder dans son personnel politique de la Présidence les collaborateurs blancs de son prédécesseur F .de klerk , faire revenir la commission nationale des sports sur sa décision de retirer tous les emblèmes des Springboks, l’équipe nationale de rugby, alors entièrement composée de blancs, véritable symbole de l’apartheid, installer la commission Vérité et Réconciliation sous la Présidence de Mgr Desmond Tutu, prix Nobel de la Paix, la grande figure spirituelle de l’Afrique du Sud ….

Parfait, me direz-vous, Mandela fut une bénédiction pour l’Afrique du Sud. Mais Johannesburg et le Cap sont si loin et si différents de la France. Y-a-t-il vraiment une leçon française à tirer de l’exemple Mandela ?

Et bien, je crois de toutes mes forces que la réponse est oui, cent fois oui. Alors que le monde entier rendait un hommage mérité à Nelson Mandela, ici en France, nous pataugions lamentablement dans l’affaire du rapport sur les causes de l’échec de l’intégration en France et l’opportunité ou non de revenir sur la loi interdisant les signes religieux à l’Ecole…….et tous les commentateurs de prédire à la France un avenir sombre d’affrontements communautaires.

Mandela nous dit qu’un autre chemin est possible, celui d’une France pacifiée avec sa diversité. Encore faut-il le vouloir, encore faut-il concentrer notre énergie sur cet enjeu prioritaire pour la paix sociale dans le pays, encore faut-il avoir le courage de poser les gestes symboliques indispensables et d’abord en ce qui nous concerne, de faire une véritable réconciliation Franco-Algérienne.

Rien n’est écrit. Rien ne se déroule de manière mécanique. C’est la plus grande leçon de Mandela, contenue dans son poème préféré, Invictus :

"Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme."


Merci, Madiba, et Adieu.

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