François de Rugy est au centre actuellement de plusieurs polémiques. La seule, qui, à mon avis, pose des questions graves à notre démocratie est celle des relations entre le gouvernement et le parlement d’une part et les lobbies d’autre part.
Lobby ? faisons nôtre la définition trouvée sur wikipédia « Un lobby, ou groupe d'intérêt, groupe de pression, groupe d'influence, est un groupe de personnes créé pour promouvoir et défendre des intérêts privés en exerçant des pressions ou une influence sur des personnes ou des institutions publiques détentrices de pouvoir. »
Posons nous, ensuite, la question actuellement débattue autour de François de Rugy :
Celui-ci faisait-il quelque chose de contraire à l’éthique républicaine en « d'après le quotidien régional Ouest-France, acceptant d’organiser au ministère un dîner avec Marc Teyssier d’Orfeuil (directeur de Com'publics, spécialisée dans le lobbying et la communication institutionnelle) et des personnalités importantes du monde de l’énergie, tel qu’Engie ». Interrogé par l'AFP, l'entourage de François de Rugy déclare qu’il ne s'agissait aucunement d'un dîner secret mais d'un dîner de travail informel sur les questions d'énergie et de bâtiment, au cœur des priorités politiques du ministre, avec des personnalités du monde de l'entreprise engagées sur le sujet. Etaient présents Isabelle Kocher, directrice du groupe Engie, Guillaume Poitrinal, président de Woodeum, promoteur spécialiste du bâtiment bas carbone, Jean-Philippe Ruggieri, directeur général de Nexity, Michel Derdevet, secrétaire général d'Enedis et Marc Teyssier d'Orfeuil, directeur général de Com'Publics, Xavier Ploquin, conseiller du ministre en charge des questions énergétiques, assistait également à ce dîner.
Première remarque : cette pratique est courante que ce soit pour nos ministres, nos parlementaires et même dans les principales collectivités locales de notre pays. Je peux en attester en tant qu’ancien parlementaire et en tant que maire et président d’agglomération actuellement. Je peux notamment témoigner que la plupart des propositions d’amendement déposées par les députés ont, pour origine, ces fameux lobbies. Et il faut une sacrée dose d’hypocrisie pour le nier et monter en épingle le repas en question qui est dans la norme de ce qui se pratique à tous les étages de la République…Permettons-nous avec Molière et son fameux « couvrez ce sein que je ne saurais voir » de nous moquer gentillement de tous les Tartuffe de l'action publique.
Deuxième remarque : mais me direz-vous, c’est peut-être la norme mais elle n’est pas vertueuse. Changeons-la ! Désolé, je ne le pense pas. Je pense au contraire que pour faire de bonnes politiques publiques, il n’y a pas d’autre bonne gouvernance que celle qui consiste à entendre à charge et à décharge, à entendre toutes les parties prenantes et à organiser autour de l’arbitrage à prendre, de la politique publique à construire, le débat contradictoire, l’hygiène dialectique qui permettra au responsable politique de se forger ses propres convictions sur des sujets où, par définition, il n’a pas la science infuse…
Il faut donc que le responsable politique prenne le temps d’entendre personnellement les principaux acteurs du secteur d’activité concerné. S’il ne le fait pas, soit il se condamnera à prendre des décisions médiocres « à l’aveugle », soit il sera dépendant de sa technostructure (son cabinet, etc.….) qui décidera à sa place, signant ainsi une des dérives les plus néfastes du fonctionnement politique actuel.
Prenons un exemple conflictuel : la chasse. Comment penser arriver au meilleur compromis possible sur un sujet aussi clivant que celui de la Chasse, sans entendre, la Ligue pour la Protection les Oiseaux, la Fédération Nationale des Chasseurs, les agriculteurs, les riverains, les spécialistes de la biodiversité, France Nature Environnement,…
Et bien toutes ces parties prenantes sont organisées plus ou moins bien en tant que lobbies ! Pas de bon gouvernement, pas de bonne législation sans en amont et au préalable, l’écoute approfondie des parties prenantes concernées…et donc de leurs lobbies !
Troisième remarque : oui, il y a eu des abus, des dérives dans la relation Politiques-Lobbyistes.
Ce sont ces défauts qu’il nous faut combattre durement : ils ont pour nom la corruption, les délits d’initiés, etc… Pas la raison d’être et pas la raison de se rassembler et de se faire représenter pour défendre des intérêts privés ou associatifs…Au contraire, l’existence des lobbies doit être la plus transparente possible et dans ce domaine, il faut saluer les (timides et premiers) pas effectués par ce gouvernement et par ce parlement lors de l’adoption de la loi « Moralisation de la vie publique ». L'exercice de cette activité de représentation d'intérêt (lobby) doit maintenant être inscrite au registre public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et a été déclaré incompatible avec celui de parlementaire.
Alors, résumons-nous.
Le désormais célèbre dîner organisé par François de Rugy est une pratique courante. Cette pratique d’entendre toutes les parties prenante, ou la représentation qu’ils se sont donnés, d’une décision complexe ou sensible est saine et efficace démocratiquement.
Bref, les lobbies doivent pouvoir travailler en plein jour et transparence.
Leurs pratiques condamnables quand elles existent doivent être traquées sans relâche et punies sévèrement.
Tout groupe organisé autour d'une problèmatique peut être considéré comme un lobby, et les entendre, en particulier sur les questions sensibles et clivantes, bien sur, a condition des les entendre tous et de pas perdre de vue qu'ils n'ont pas tous les mêmes moyens, la même rigueur et la même indépendance par rapport au sujet. Le lobby qui a des intéret commerciaux ne peux pas être considéré de la même façon que celui qui n'en pas et qui défend avant tout une éthique sur la question (Cf. Monsanto par exemple et Génération Futures sur le Glyphoste). L'EFSA qui fait du copier/coller de textes de Monsanto dans ses avis, c'est tout de même un vrai problème de crédibilité.
Par ailleurs De Rugy a été mis en cause moins sur le fait de recevoir les personnes et groupes cités que le faste et le cout de ces réceptions.
Barnapé
Tout à fait d'accord sur la nécessité pour un responsable politique d'être à l'écoute de la diversité Française et dîner avec des représentants de différentes sensibilités n'a rien de scandaleux d'autant plus que la journée d'un ministre ou autre responsable politique est loin de s'arrêter à 18h !
Par contre ce qui est plus difficile à admettre c'est qu'un dîner de travail se fasse avec des mets et boissons que le Francais Moyen n'aura jamais les moyens de se payer. Comment faire passer après le message d'effort et d'economies que nos gouvernants successifs essayent de mettre en oeuvre....?
Merci Monsieur le Maire pour votre article courageux.
Tartuffe ne doit pas nous étouffer