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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Lettre ouverte aux architectes et urbanistes Agenais (…et aux autres) !

Publication : 23/09/2019  |  12:11  |  Auteur : Jean Dionis

Mesdames, Messieurs les architectes et les urbanistes agenais,

Le hasard fait que je viens de terminer deux petits livres sur l’architecture : « Simplifions » de Bernard Quirot et « L’architecture inefficiente » de Luigi Snozzi et Fabio Merlini, tous les deux dans l’édition Cosa Mentale.

Le hasard, vraiment ? Pas si sûr. Il y a quelques années, notre dynamique directrice du CAUE 47, Nathalie HERARD, organisait un colloque sur l’urbanisme et y invitait, comme intervenante, Emmanuelle COLBOC, architecte de réputation nationale et enseignante à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville. J’ai eu la chance de pouvoir échanger avec elle à l’occasion de ce colloque Agenais.

De cet échange, est née une relation rare et féconde entre les étudiants en Master (fin d’étude) de l’Ecole Nationale d’Architecture de Paris et le territoire Agenais. En effet, soucieuse de faire découvrir à ces apprentis architectes l’identité forte des territoires qui composent la France, Emmanuelle Colboc, depuis deux ans, nous amène ses étudiants à Agen et leur fait faire leurs mémoires de fin d’étude sur des sujets agenais. Agen en est l’heureux bénéficiaire avec des regards et des projets de grande qualité et véritablement innovants.

L’histoire se prolonge lorsqu’Emmanuelle Colboc me propose d’intégrer le jury de fin d’étude de cette promotion « d’Agenais ». J’accepte. Et je participe avec grand intérêt aux travaux de ce jury, où j’écoute avec beaucoup d’intérêt les débats entre architectes, membres de jury. A la fin du jury, Emmanuelle Colboc me donne « Simplifions » de Bernard Quirot. Je lui promets de le lire. Parole tenue.

Enfin, ayant appris que je lisais ce livre, un de vôtres, Patrick Tedo m’offrit le second (« L’architecture inefficiente » de Luigi Snozzi et Fabio Merlini).

On ne lit jamais que par prescription.

Je retiens, de ces deux livres, la violence des débats qui agite votre profession.

Ces débats posent des questions essentielles. J’en cite quelques-unes :

  • Pourquoi, au final, un certain nombre de bâtiments de grands projets sont-ils insignifiants, au sens propre du terme et identiques ? Pourquoi ne nous parlent –ils plus ? et Bernard Quirot de citer l’Institut du Monde Arabe, la Bibliothèque nationale de France et la Philharmonie de Paris ?
  • Pourquoi la profession d’architectes est-elle de plus en plus marginalisée, après avoir laissé la conception des infrastructures aux ingénieurs, le calcul économique aux bureaux d’étude spécialisés, les questions énergétiques, etc… ?
  • Pourquoi la profession n’arrive-t-elle pas à se saisir de la vague de fond qu’est la Transition énergétique ?
  • Pourquoi le dialogue entre élus, véritables commanditaires des ouvrages publics et leurs maîtres d’œuvre est-il si pauvre ?

J’ai « vibré » en symphonie avec ce débat et avec ce constat. Car, au fond de moi-même, je suis tout aussi effrayé par la standardisation de l’architecture urbaine et mobilisé par la recherche de solutions alternatives.

Quelles solutions alternatives ? Me direz-vous et bien mes deux petits livres jettent les bases de cette résistance architecturale….

D’abord remettre les choix architecturaux au cœur de la transition énergétique et de ses ambitions de réduction de la consommation d’énergie, de production de CO2. Avant de climatiser, de paysager, de donner à nos bâtiments une deuxième peau artificielle, et si pour les rafraîchir en été et les réchauffer en hiver, on reparlait ensemble épaisseurs des murs, taille des ouvertures, et si on reparlait ensemble choix des matériaux ?

Ensuite, pour reprendre la belle expression de Bernard Quirot, « concrétiser un site ». J’ai été voir le bâtiment Philharmonie de Paris sur lequel tire à boulets rouges Bernard Quirot et c’est vrai, que si l’intérieur est somptueux, l’extérieur du bâtiment est insignifiant, qu’il ne dit rien, ni de Paris, ni de la musique. Ensemble, nous devons arriver à réussir cette harmonie entre le site et le bâtiment qui le complète.

Enfin, et plus fondamentalement, faire le choix du durable contre une logique forte d’une architecture immédiatement efficiente, mais condamnée à être éphémère.

Le cap est fixé.

Mais comment modifie-t-on le cours actuel du paquebot « architecture » avec ses carcans légaux, nos habitudes et nos paresses ? Toujours l’immense question de commencer à faire bouger les lignes.

Un passage du livre de Bernard Quirot m’a touché au cœur (p.62) :

« Disons simplement que pour faire un bon bâtiment, il faut quelqu’un qui le désire. C’est rarement le cas lorsque votre interlocuteur n’est que le représentant du véritable commanditaire qui se réserve la cérémonie de la première pierre et celle de l’inauguration pour se manifester et proférer quelques bonnes paroles sur le développement durable. Il se peut qu’il croise son architecte à ces rares occasions. Mais, bien souvent, il ne le connait même pas »

Terrible, mais assez vrai.

Je vous propose de faire bouger les lignes à Agen. Comment ? A nous d’en décider.

Et comme le dit le slogan, « ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient ».

Je lance cette bouteille et ce message en Garonne.  Et J’espère une réponse positive ….

Amitiés Agenaises, 

 

Les réactions

Une des raisons est peut-être la "spécialisation" dont nous souffrons. Unpeu comme De Funes qui ne faisait plus, finalement, qu'une variation sur un type de jeu, quelque soit le rôle qu'il incarnait. Les architectes (en tout cas c'est ce dont je souffre), son confinés dans un type de projets. On choisit un architecte parce qu'il a déjà fait peu ou prou la même chose. Alors que souvent, c'est une histoire de hasard, à laquelle il a bien répondu, comme il aurait aussi bien (peut-être mieux) répondu à une autre demande.  Avec Patrick, nous sommes ainsi confinés depuis quelques années dans la "restructuration". A ce jeu, on s'épuise, car même si l'on  tente de répondre au plus vrai, on prend des "tics" parce que la problèmatique est récurrente, malgré quelques variations à la marge. Voilà qui est lié au système de recrutement lui-même, où il faut fournir "des références pour des bâtiments de même type et de même destination, de moins de 5 ans" (je cite). Et c'est un très mauvais système, qui finalement vieillit les architectes avant l'âge. Ainsi, la production se standardise, et le cercle vicieux est engagé. Tu comprends bien, Jean que c'est une souffrance pour nous, alors que souvent, sur des sujets que nous n'avons jamais traité, nous avons une idée qui nous vient, et qui serait une véritable médecine.

Et puis (autocritique) il y a la "récupération", cette manie de trouver un "truc" dans les revues d'archi, et de se dire "tiens, c'est nouveau, c'est original, je vais le refourguer quelque part". Et là aussi, la standardisation opère très vite, déclenchant ce que nous redoutons tous: l'architecture "internationnale".

Enfin, il y a les règlement et les logiciels de calculs, qui ne savent pas prendre en compte certaine solution intelligentes, et conduisent à de "fausses solutions", à coup de systèmes sophistiqués, mais patentés par les lobbys, et ainsi imposés. Le matériel évolue ainsi, sans que l'on puisse se poser la question entre un hôtel climatisé et un Rhyad, tous deux au Maroc, où il fait la même température intérieure, mais où, dans l'un, on ressort malade, alors que dans l'autre, on s'éveille le matin frais et dispos, heureux de découvrir le soleil levant. Autant de choses qui ne permettent pas la finesse et l'intelligence, à part pour se faire plaisir, mais dès lors, ça coûte (autorisations à obtenir à coup d'expériences menées par le CSTB, très coûteuses, et donc refusées par le client... à bon droit).

Ce ne sont que des exemples, mais crois-moi, nous ramons tous pour apporter à la ville, à la campagne, autre chose  que du "convenu", et encore plus, autre chose que le pire des outrages, je veux parler des lotissement, offence à la nature, à l'oeil, et à la sociologie (oui, c'est ma bête noire, tu le sais :-)   )

Merci et bravo,en tout cas, Jean, de t'intéresser d'aussi près à ce qui construit notre patrimoine partagé, ce que nous léguons à nos enfants, et qui restera parfois pendant longtemps, voire très longtemps lorsqu'il s'agit d'urbanisme. je te proposerais bien de manger ensemble un jour pour en parler ! Il y a beaucoup à dire, mais je te proposerais bien plus: en tant que président d'agglomération, de convoquer les maires et élus des différentes communes pour un forum où nous pourrions faire connaître notre métier, ses motivations, ses objectifs intimes, sa vérité au delà des poncifs, quitte à prendre quelques exemples précis pour expliquer la démarche, ce que le code des marchés publics ne permet plus (nous sommes sélectionnés sur image).

Bien à toi, Jean, et merci encore !

Bonjour tout le monde,

Imaginez un instant l’extrême solitude  du maître d’ouvrage dans son labeur lors de projets de réhabilitation des œuvres existantes pour peu qu’elles aient un caractère patrimonial et/ou social.

Les délais de réalisation sont proportionnels à la traversée du désert induite par la procrastination au sein du cercle des commanditaires. Alors même que beaucoup de personnes très désireuses du ou des bâtiments et qu’elles se sont enregistrées sur la liste d’attente pour accéder au dit bâtiment.

La réalité du terrain est parfois très distante des besoins collectifs. C’est pourtant bien là que l’innovation sociétale devrait rencontrer la créativité de nos architectes urbanistes, empêtrés dans le conservatisme technocratique.

Les architectes oseront à nouveau créer lorsqu’ils disposeront de l’assise indispensable pour ce faire.

Amitiés aquitaines, lot-et-garonnaises et agenaises.

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