Je viens de terminer la lecture du livre d’Alain Finkielkraut « l’Identité malheureuse » (Stock) et je veux vous faire partager mes « notes de lecture »…Pourquoi tout d’abord ai-je choisi de lire ce livre parmi tant d’autres ? Est-ce le battage médiatique autour de la polémique créée autour de sa parution ? peut-être, mais c’est surtout le sujet qui m’a intéressé, persuadé que je suis de son importance pour comprendre la France d’aujourd’hui, ses faits divers comme sa vie politique.
La thèse de Finkielkraut peut être facilement résumée : La France change sous l’influence d’une immigration de peuplement et les Français de souche sont malheureux car ils se sentent étrangers chez eux à l’intérieur de leur propre pays, la France, dont ils ne reconnaissent plus l’identité et notamment ses ingrédients symboliques qui permettent de vivre ensemble : L’école, la politesse entre personnes, la galanterie dans les relations hommes-femmes, la laïcité etc….. Ce malheur Français ne permet plus la transmission de l’héritage français : sa littérature, son savoir-être, ses valeurs, etc…..
Disons le d’entrée de jeu : je trouve la thèse partiellement juste et en tant qu’élu local, les complaintes nombreuses de personnes venant me voir et me demandant avec souffrance : « Mais Jean, elle est où, notre douce France d’autrefois ? » lui font écho comme le slogan – adroit - du Front National « On est chez nous ! » scandé à longueur de réunions publiques. Oui, il ya beaucoup de souffrance et beaucoup de nostalgie malheureuse aujourd’hui en France dues aux mutations considérables auxquelles doit faire face notre pays (l’immigration, bien sûr, mais encore, le chômage créé par la perte de compétitivité de notre pays au niveau mondial ou les transformations des relations familiales, etc….) et qui transforme en profondeur, souvent contre son gré, le pays et son visage profond.
Il ya de la vérité dans ce constat d’une identité française malheureuse et cette vérité doit être dite publiquement en suivant cela la belle citation de Charles Péguy reprise par Finkielkraut (page 188): « dire toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste »
Oui encore pour dire que l’immigration est un sujet majeur. Sans aucun doute, la France a cédé à la facilité , notamment pendant les trente glorieuses de 1945 à 1975 en ayant trop facilement appel à une main d’œuvre étrangère pour permettre sa croissance et la montée de son niveau de vie. L’immigration est donc clairement un sujet majeur de la vie politique française et j’ai pour ma part soutenu la proposition de N.Sarkozy de ramener l’immigration légale de 200 000 entrées/an dans notre pays à 100 000/an, et ceci aussi longtemps que durera la crise que nous traversons et je suis bien entendu favorable à ce que nous soyons plus durs que nous ne le sommes contre toutes les filières d’immigration illégale. Le gouvernement actuel n’en prend pas le chemin. Je crois qu’il se trompe lourdement.
Mais ceci étant dit, je voudrais interroger Finkielkraut avec deux questions : une personnelle et l’autre plus théorique.
Comment se fait-il que le Français de souche que je suis n’est pas malheureux ? Rejeton de deux très vieilles familles françaises, blanc de peau, catholique, je suis « pile » dans la cible de l’auteur pour être « malheureux »…et je ne le suis pas. Optimisme aveugle? situation sociale privilégiée? D’accord, je comprends que la cohabitation doit être plus dure dans les cités que dans ma maison familiale…sans doute, mais alors, il faut dire qu’il y a aussi une France heureuse aujourd’hui , à l’aise à la fois avec son identité, ses racines et la modernité Française telle qu’elle est aujourd’hui et pour mettre encore plus les pieds dans le plat, je n’ai jamais ressenti la peur panique qu’ont certains militants laïques devant l’Islam. Je vis tranquillement mon catholicisme et l’Islam est pour moi une autre grande tradition religieuse, ni plus ni moins. Et si je partage bien évidemment la nécessité de lutter de manière implacable contre l’islam radical, je ne vois pas de problème majeur à la coexistence de plusieurs grandes traditions philosophiques et religieuses dans la France d’aujourd’hui et je fais confiance à la laïcité française pour régler sereinement les problèmes de vivre-ensemble qui peuvent subvenir. Bref, la grande complainte des français de souche à laquelle peut faire croire le livre de Finkielkraut, ……..c’est beaucoup plus nuancé que cela.
Ma question théorique pour finir : oui, il ya de la souffrance en France en face des mutations considérables dans les quelles est engagé notre pays, mais Finkielkraut ne cède-t-il pas au mécanisme du bouc émissaire, étudié au scalpel par R.Girard ? Un seul exemple, Finkielkraut écrit dans son livre de très belles pages (pages 138 à 140) sur la formidable mutation qui va du livre à Internet et l’impact de cette mutation sur notre identité nationale, façonnée par sa relation unique à la littérature : « lire un livre, c’est suivre un chemin, la lecture sur écran est un sport de glisse ». Aucun doute pour moi sur le caractère structurant pour notre psychologie nationale de cette mutation…..mais nous sommes bien loin de l’Etranger, de l’immigration.
Notre identité nationale existe : la culture française et notamment la littérature y jouent un rôle premier, tout comme notre langue, porteuse d’une vision de la vie en société et l’ensemble des règles de notre vie sociale. Elle est notre richesse collective, à nous les Français. A nous de la défendre et de la promouvoir au milieu de toutes les mutations en cours. L’immigration, le métissage sont clairement l’une d’entre elles. Mais à elles seules, elles ne sauraient pas rendre compte la totalité des changements en cours….
Concluons. « L’identité malheureuse » mérite d’être lue … et interpellée. C’est une vraie stimulation intellectuelle …pour celles et ceux qui s’intéressent à la Construction Européenne. Rendez-vous en Juin prochain. Nous en reparlerons ensemble.
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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
Identité malheureuse...pourquoi?
Selon moi le problème de la perte d'identité n'est pas due principalement à l'immigration mais aux effets négatifs du néo-libéralisme. Je ne condamne pas le libéralisme dans ses fondements, ce serait stupide, mais dans ses excès. C'est la force perverse de ce système qui nous pousse à n'être que des consommateurs, des zappeurs, des jouisseurs de "l'instant" qui détruit sournoisement toutes les valeurs et tous les liens qui nous constituent et dont tout être humain a besoin. Comment dans ces conditions les nouveaux arrivant, de surcroit parqués dans des banlieues, pourraient-ils s'intégrer? s'intégrer à quoi? Tout être humain a besoin de profondeur, de transcendance, de culture, pour construire sa personnalité, et ces valeurs, nos sociétés hédonistes et consuméristes les ont abandonnées. Vouloir "intégrer" dans ces conditions est un vœux pieux. Toute initiative intéressante, culturelle, éducatrice, qui pourrait créer du lien ou apporter de la profondeur, se réalise, parfois avec l'aide publique, mais "contre" le système, contre la télévision, contre la mode, contre les logiques de rentabilité. Les immigrés, déjà déracinés et livrés à la culture télévisuelle ne trouvent rien de convainquant chez nous et se retournent donc avec force (fanatisme parfois) vers une culture dévoyée de leur origine mais dans laquelle ils se sentent exister. Tout est très logique, hélas.
Identité malheureuse...pourquoi?
Merci Jean pour ton étude de texte du livre de notre philosophe. Que je ne lirai pas pour ne pas ajouter à ma propre démotivante clairvoyance. C'est l'âge et le vécu ouvert et curieux du monde qui mettent en exergue notre évolution "malheureuse" trop prévisible.
Bravo et merci pour ta candidature. Avec mon plus cordial soutien.
Merci Mr BRESSY pour la pertinence de votre analyse.
identité menacée
Je suis d'accord avec vous sur le fond, Jean Dionis. Je mesure le privilège d'avoir appris à lire à Ste Foy et d'avoir fait des dictées, le jeudi matin, avec la tante de Paul Guth. Nos médias ne s'intéressent pas assez à notre civilisation française si riche donnant aux téléspectateurs, pour ce qui est de la télévision, l'image d'une sous-culture déprimante. Ce n'est plus le miroir des princes de nos grands romans mais le modèle frustrant d'une jungle sans issue. Il ne faut pas manquer les occasions de revenir aux fondamentaux, pour commencer.
identité malheureuse.........
M. FINKIELKRAUT à le courage de ses opinions et il est libre de les faire
connaître via ses oeuvres ou sur les plateaux de télévision, mais vous
M. DIONIS, votre mission ne vous le permet pas et je sens bien, à la lecture
de votre analyse, qu'il y a de la retenue. Et oui, le politiquement correct.........
Mais je ne vous en veux pas, vous ne pouvez faire autrement, c'est à
l'image des medias, personne n'est sincère et on n'y peut plus rien. On
est bel et bien pris dans le "tourbillon" et la France sera une autre France
et Paris un autre Paris et Agen un autre Agen ! Il ne nous reste plus que
la nostalgie d'une douce France perdue et............. on n'a plus qu'à " kiffer "
ce qu'il en reste.