Lors de sa dernière conférence de presse, Lundi dernier 15 janvier, le Président de la République a évoqué le recul des naissances en France.
II a promis un plan national pour faire reculer l'infertilité et a ouvert la porte à un congé de naissance de 6 mois pour chacun des parents et d'une manière générale, il a plaidé pour le réarmement démographique de la France.
Et il a eu raison.
Parce que ce sujet est clairement parmi les plus structurants de nos sociétés et de nos économies, et notamment parce que notre système de protection sociale est fondamentalement intergénérationnel. Ce sont les générations au travail actuellement qui financent par exemple les retraites de leurs aînés.
Parce que pour le moment, à part quelques voix fortes et prophétiques, comme celles de François Bayrou, le discours dominant sur ce sujet est bien : « Mettez-moi tout cela sous le tapis. Nous avons bien des choses plus importantes à traiter que le nombre de bébés français »
Parce que la montée de l’infertilité masculine comme féminine est une réalité douloureuse pour de très nombreux jeunes couples, notamment parce que la décision d'avoir des enfants est retardée jusqu'à 29/30 ans dans la nouvelle génération française.
Oui, Emmanuel Macron était bien dans sa fonction de Président de la République en nous demandant d’ouvrir les yeux là-dessus.
La chute des naissances s’est, effectivement, poursuivie en 2023 dans une France vieillissante.
678 000 bébés sont nés l’an dernier, soit 6,6 % de moins qu’en 2022, et presque 20 % de moins qu’en 2010, selon le bilan annuel de l’Insee. Le solde naturel (naissances-décès) est à son plus bas depuis 1945. Après la crise sanitaire, l’espérance de vie repart à la hausse et renforce la part des plus âgés au sein de la population.
Derrière ces quelques lignes de statistiques froides, le Maire que je suis est bien placé pour sentir depuis quelques années les bouleversements annoncés par ces tendances. Nécessité absolue de restructurer nos accueils petite enfance et nos écoles, et simultanément obligation d’augmenter en qualité et quantité les solutions d’accueil pour nos aînés.
Et pourtant si le Président a eu raison de nous mobiliser sur ce sujet, à mon humble avis, il n’a pas trouvé ni les mots, ni les solutions pour relever ce défi.
Je n’ai pas aimé du tout l’expression réarmement démographique. Le rapprochement du vocabulaire militaire et de la démographie est à la fois inquiétant, car utilisé dans le passé par les dictatures et inefficace pour atteindre l’objectif visé.
J’aurais aimé entendre le Président porter un discours humble quant aux politiques publiques à mener dans ce domaine. Oui, j’aurais aimé qu’il reconnaisse que la décision de faire ou non des enfants est une décision intime, de couples, de personnes, qu’elle renvoie d’abord au désir d’être parent ou à l’absence de ce désir et ensuite, mais ensuite seulement, aux difficultés pratiques rencontrées par les jeunes parents.
Il faut d’abord oser parler de ce bonheur d’être parent, de toute la richesse relationnelle qu’apportent les liens familiaux. Il faut affronter la crainte de certains jeunes d’échouer dans cette vocation. Oui, il y a des échecs, des drames … mais être père, être mère reste pour une majorité de Français un chemin naturel vers le bonheur et j’ai peur que la société de l’enfant rare qui se dessine devant nous soit une société bien froide où la solitude deviendra très lourde à porter pour nous tous, bien souvent seuls. Alors, oui, il faut oser porter à nos jeunes générations un discours et surtout une pratique d’optimisme lucide, d’espérance (lire ma dernière chronique http://jeandionis.com/blog/2024-faire-choix-optimisme-lucide).
Peur de faire des enfants à l’époque du réchauffement climatique ? On va s’en sortir du réchauffement climatique : décarbonation, sobriété, adaptation …
Peur des enfants dans un contexte de guerre ? L’Europe occidentale vient de connaitre une période historiquement longue de 80 ans de paix. Renforçons pour cela la construction Européenne.
Bref, je crois qu’il faut d’abord plaider pour la prise de risque magnifique qu’est celle de devenir parent pour aller justement vers le bonheur d’être père ou mère.
Après, mais après seulement, il faudra parler politiques publiques pour rendre moins dure la vie des jeunes parents.
Pourquoi pas le congé de naissance … mais la course d’obstacle que constitue la parentalité ne s’arrête pas qu’aux 6 premiers mois de la vie. Il y a les trois ans de la petite enfance ante-scolaire, si lourde à porter pour les parents et notamment pour les couples modernes de doubles actifs. M. le Président, il manque des places de crèches, de halte-garderie. Comment fait-on pour les construire ces places manquantes ensemble, collectivités locales, Etat, Caisse d’allocations familiales ? Et globalement, durablement, il faut que la société accueille ses jeunes mieux qu’elle ne le fait actuellement et cela jusqu’à leur entrée dans leur vie d’adulte, professionnelle et affective.
Qui doit plaider pour le bonheur d’être parent ? Pas l’Etat, pas les collectivités locales. Non, le discours crédible ne viendra que d’exemples vécus. Ma femme et moi avons eu le projet d’une famille nombreuse parce que nous avions vu le bonheur contagieux dans d’autres familles : Un oncle, une tante, des amis, parfois même ses propres parents …
Par contre, l’Etat et les collectivités locales doivent être, modestement, au rendez-vous des difficultés pratiques de celles et ceux qui ont décidé de prendre ce risque magnifique… encore une fois pas pendant 6 mois, mais pendant tout le temps de la jeunesse…
Péguy, toujours lui, avait, lui, su trouver les mots pour parler à nos jeunes en qualifiant « les pères de famille, ces grands aventuriers du monde moderne ». Même aventure pour les mères de famille…
A nous de plaider pour le risque, pour l’aventure et au final pour le bonheur d’être parent. A l’Etat, aux Maires, et aux autres de faire en sorte que l’intendance suive…
@+,
Jean Dionis, Maire d’Agen