Bayrou: le retour du père prodigue

J’étais – il ya quinze jours - à l’Université d’été de l’UDI à Poitiers. Elle avait de la gueule : Bons discours de Borloo et Morin, beaucoup de monde, de l’ambiance ce qui tranche avec les lourdes rivalités internes actuelles de l’UMP, de bons ateliers, etc…Mais, l’essentiel était ailleurs. Ce qui était dans toutes les discussions, dans tous les cœurs et têtes de centristes, à commencer par moi, la Grande Affaire….c’était le rapprochement entre l’UDI et le Modem, plus précisément entre l’UDI et Bayrou.

François Bayrou, pour ma génération – je suis un jeune  de 57 ans - c’est le chef de notre tribu : celle des centristes, des démocrates-chrétiens. Il y a bientôt 20 ans, en 1994, nous étions là pour assister à sa victoire au congrès de Vincennes et à son accession au poste de Président du CDS. Nous l’avons accompagné dans toutes ses constructions politiques :CDS, Force Démocrate, UDF. Nous avons été heureux et profondément fiers de sa superbe campagne pour les élections présidentielles de 2007 (4000 p à Agen pour l’accueillir et l’écouter !) où il porta le vote centriste à 18,5% à des hauteurs inconnues dans notre pays,…..Souvenirs militants, souvenirs fraternels d’une génération politique qui avait pour convictions communes la nécessité de continuer à construire l’Europe, l’indispensable rigueur pour la gestion des finances publiques et tout ce qui fait la permanence de cette droite orléaniste chère à R.Rémond dans son livre « référence » - « Les droites en France » : L’importance donnée aux corps intermédiaires, aux territoires, etc…

Puis vint la première rupture, le premier divorce de 2002, à l’occasion de l’élection présidentielle de J.Chirac et la création de l’UMP comme le grand parti de la droite et du Centre. Elu député UDF après une primaire avec l’UMP, je connus beaucoup de bonheur à être un de ceux que Bayrou appelait – avec tendresse- « ses bédouins » et à le suivre lorsqu’il affirmait – avec R.Rémond – que le Centre n’était pas soluble dans la droite ou plutôt que la droite orléaniste ne le serait jamais dans la droite bonapartiste. Je crois que sur ce point clé, Bayrou avait raison et que l’histoire d’onze ans d’UMP le montre aujourd’hui clairement….

Mais dès 2005, F.Bayrou voulut embarquer notre famille politique dans une toute autre aventure, une stratégie improbable de « centre indépendant » qui, pour moi, ne pouvait qu’aboutir à un renversement d’alliances, c'est-à-dire à une alliance du Centre avec la Gauche. Très vite, dès 2005, j’ai personnellement décroché par rapport à cette stratégie et me revoit montant, bien seul, à la tribune du Congrès de Lyon en 2006 pour dénoncer l’impasse stratégique que représentait ce centre « indépendant ».

La suite de l’aventure est connue : Vote par le groupe UDF de motions de censure déposées par le PS en 2006, déclaration de F.Bayrou à l’issue du 1er tour de la Présidentielle de 2007 qu’ « à titre personnel, il ne voterait pas pour N.Sarkozy »,qui entraîne pour moi une rupture brutale et douloureuse ave lui ….pour finir en 2012 par sa déclaration lourde de conséquences regrettables « à titre personnel , je voterai pour F.Hollande ». Avec le recul que permet la durée de cette lente évolution, je reconnais volontiers à F.Bayrou, courage et cohérence, même si je n’ai jamais adhéré à cette stratégie …. Je l’ai vécue douloureusement comme le départ de notre Chef vers de horizons incertains. Indécrottable démo-chrétien, j’ai souvent ri intérieurement en pensant que nous les Centristes français avions inventé la parabole du « Père prodigue ». Pour ma part, je n’ai jamais cru au succès politique d’une alliance entre le Centre et la Gauche, compte-tenu de la nature de la Gauche française. Une éventuelle intégration de F.Bayrou et du Modem dans la majorité présidentielle actuelle aurait créé bien plus de problèmes à F.Hollande qu’elle ne lui aurait apporté d’opportunités et de solutions. La messe était dite dès les législatives de 2012….

Un grand parti unique de la droite et du Centre ou deux partis distincts structurés dans une alliance électorale pérenne ? Alliance avec la droite ou Centre indépendant ? Nos débats ne furent pas des débats petits et méprisables et F.Bayrou a raison d’en appeler au respect des uns et des autres et des chemins différents que nous avons pu emprunter pendant ces onze longues années.

Reste que le rapprochement doit se faire dans la clarté ? Est-ce le cas ? Je crois que nous sommes sur le bon chemin.

Ce week-end, François Bayrou, lors de l’Université d’été du Modem, a, de nouveau, affirmé son nouvel engagement dans l'opposition :«La déception, nous la ressentons. Les promesses ont été oubliées et le président de la République n'est pas au rendez-vous des promesses qu'il avait faites», poursuit-il en déplorant les «rustines» de la réforme des retraites, «le scandale brûlant et enflammé du chômage de longue durée», l'«overdose fiscale», le renoncement sur la réforme des collectivités locales…
Jean-Louis Borloo et Hervé Morin ont, de leurs côtés, eu les gestes et les paroles qui ouvrent la voie à la réunification du Centre.

Les faiblesses congénitales du Centrisme français vont-elles pour autant s’envoler comme par enchantement ? J’ai passé l’âge pour avoir cette belle naïveté : leadership flou, structures émiettées, contradictions territoriales, tout demeure et doit nous inciter à la prudence et à la modestie….

Mais, ne boudons pas notre bonheur par excès de lucidité. L’IFOP nous apprend que 95 % des sympathisants de l’UDI et du Modem souhaitent ces retrouvailles. Et bien , je suis l’un des vôtres, frères et sœurs centristes !

Le Père Prodigue est revenu. Mangeons le veau gras et festoyons !...Le travail, forcément complexe, recommencera demain, après la fête.