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Discussion générale sur les marchés énergetiques

Publication : 12/12/2002  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,
Mesdames et messieurs les députés.

Rendons d’emblée hommage au gouvernement qui, malgré l’urgence, a fait le choix de soumettre au Parlement la transposition de la première directive gaz. La voie réglementaire était possible. Mais, pour un texte de cette importance, cela aurait été un mauvais choix.

Est il vraiment nécessaire de rappeler que cette directive de 1998 aurait du être transposée avant le 10 Août 2000? Mais les subtils équilibres de la gauche plurielle chers à M.Jospin ont joué sur ce dossier comme sur beaucoup d’autres leur rôle d’anesthésiant…..et rien ne bougeait plus sur ce dossier.

Une fois de plus, la France confirmait son statut peu enviable de mauvais élève européen en la matière et s’exposait à une lourde astreinte.

L’ouverture du marché français du gaz est un impératif juridique, économique et stratégique.

Le Gaz naturel est, en effet, une ressource d’avenir : en 2020, il représentera un quart de la consommation d’énergie dans le monde. Son abondance, sa rentabilité, son haut pouvoir énergétique seront autant d’atouts pour la compétitivité de notre industrie et pour le bien être de nos concitoyens.

Sur le plan stratégique, l’exemple récent de l’attentat terroriste contre le Limburg nous montre cependant que nous devons rester extrêmement vigilants pour assurer la continuité et la diversité de nos approvisionnements. Depuis le déclin de Lacq, la France importe plus de 97 % de sa consommation de gaz naturel, ce qui la rend extrêmement vulnérable aux fluctuations de la conjoncture mondiale. De ce fait il est d’une importance capitale que notre pays se dote d’une capacité de stockage stratégique équivalente à celle de nos voisins comme l’Italie ou l’Allemagne, pour une plus grande indépendance de sa politique énergétique.

L’ouverture du marché gazier Français permettra de faire de gaz de France un des grands acteurs mondiaux du marché gazier, en lui donnant la chance de nouer des alliances avec les leaders mondiaux de ce secteur économique et de s’implanter sur des marchés qui lui avaient jusque là été fermés par protectionnisme national s’appuyant sur l’alibi – offert sur plateau par le précédent gouvernement – du refus de la France d’ouvrir son marché national.

Le problème posé par cette transposition nous est maintenant bien connu. Il s’agit de l’ouverture à la concurrence européenne d’un marché national dominé par un opérateur historique en situation de monopole et effectuant des missions de service public.

Cette tension entre l’arrivée de la concurrence européenne, un opérateur historique dominant et les obligations de service Public, nous la connaissons pour le secteur des Télécommunications et France Télécom, pour le secteur du Courrier avec la Poste, pour le secteur électrique avec EDF, pour le secteur des transports ferroviaires avec la SNCF……
Nous arrivons donc dans ce débat avec une certaine expérience de ce qu’il faut faire pour ce que cela marche et surtout de ce qu’il ne faut pas faire.

Nous participerons aussi à cette discussion générale avec l’approche originale de l’Union pour la Démocratie Française.

Fidèles à nos convictions libérales, sociales et européennes, nous n’opposerons pas concurrence d’une part et service public d’autre part. Bien au contraire, nous défendons une approche ambitieuse permettant à la fois plus de concurrence, et plus de service public.


Plus de concurrence d’abord.

Il n’est pas d’ouverture à la concurrence réussie – c'est-à-dire en final qui produise l’émergence d’une plus grande diversité de produits et de services à des meilleurs coûts pour les clients de ce secteur d’activité - sans une instance de régulation forte,

Cela est particulièrement vrai dans le domaine des industries de réseau, comme nous l’a montré la récente ouverture du marché des télécommunications. En effet, l’ART, instance de régulation, faute de moyens, n’est toujours pas en mesure de jouer son rôle d’arbitre notamment vis-à-vis de l’opérateur historique France Télécom, si bien qu’on assiste à une guerre de positions commerciale et juridique qui n’a pu empêcher l’enlisement de l’accès des tiers au réseau. C’est l’échec actuel du dégroupage sur le réseau de desserte de France Télécom.

De la même manière, le marché de l’énergie ne deviendra jamais véritablement concurrentiel sans une autorité de régulation forte, indépendante, et adaptée aux spécificités du secteur gazier français.

Madame la Ministre, en élargissant au gaz les compétences de la CRE , dans l’article 6 de votre texte de loi, vous allez dans la bonne direction. Mais vous y allez beaucoup trop timidement.

Ainsi le marché ne peut pas se contenter d’une CRE croupion, mais il a besoin d’une CRE qui, forte de prérogatives étendues, assoit son autorité d’arbitre du marché.

La CRE doit garantir l’accès équitable de tous les tiers au réseau, en ayant les moyens de prévenir les tentations inévitables et compréhensibles de l’opérateur historique d’empêcher la mise en oeuvre d’une véritable concurrence.

Ainsi les tiers doivent pouvoir accéder à des services auxiliaires de modulations tarifées sous l’autorité de la CRE. Par ailleurs toute la transparence doit être faite sur la disponibilité des gazoducs, qui doit devenir publique comme chez beaucoup de nos voisins européens.

Car ne nous y trompons pas : si GDF s’est conformée à la directive européenne dès le 10 août 2000, les barèmes provisoires de « type point à point, à la distance » qu’elle a imposé à l’origine ont entraîné des coût de transport dissuasifs au delà d’une certaine distance par rapport aux points d’injections. Ce n’est donc pas seulement parce que le prix du gaz de la mer du nord est bon marché si les clients éligibles ayant changé de fournisseurs sont pratiquement tous situés dans le Nord du Pays, à proximité du point d’injection de Taisnière !

Enfin, la lourdeur des modalités contractuelles d’Accès des tiers aux réseaux est telle qu’elle décourage les clients éligibles de moindre importance : seuls les clients éligibles consommant l’équivalent de quatre fois le seuil actuel d’éligibilité ont effectivement changé de fournisseur. Dès lors, il est à craindre que l’abaissement du seuil d’éligibilité à 0,16 TWh en août 2003 ne soit rien d’autre qu’un coup d’épée dans l’eau si les modalités contractuelles en vigueur ne sont pas revues et corrigées.

Il n’est donc pas surprenant que la CRE estime que les conditions offertes par les opérateurs français, au delà des faux semblants, ne s’écartent pas significativement de ce qui est constaté chez nos voisins européens.

Il sera éminemment souhaitable dans un proche futur de renforcer les pouvoirs de la CRE dans deux directions :

* Elle doit devenir rapidement l’instance décisionnaire en matière de tarifs, pouvoir aujourd’hui assumé par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie.

* Elle doit devenir la véritable instance d’appel en cas de conflits entre l’opérateur historique, propriétaire du réseau et un autre distributeur.

Pour que le marché du gaz devienne un jour réellement concurrentiel, nous devons avoir une vision à long terme et faire preuve d’anticipation. La décision du 25 novembre relative à la seconde directive gazière, qui évoque l’ouverture totale du marché pour 2007 et la séparation légale des activités de fourniture et de transport, est un signal fort que nous devons d’ores et déjà prendre en compte.

Le texte qui nous est présenté s’arrête au milieu du gué à bien des aspects, notamment par rapport aux récentes décisions de la commission qui prévoient en 2007 l’unbundling – la séparation - légal des activités.

La séparation comptable des activités, proposée à l’article 6 - nous apparaît ainsi comme une demi-mesure, qui risque d’être inefficace. Si elle a le mérite de prévenir les subventions croisées et les distorsions de concurrence, elle ne saurait suffire pour lever tous les obstacles qui risquent d’entraver la libre concurrence dans le secteur gazier.

La condition sine qua non à une ouverture à la concurrence réussie réside dans une séparation plus franche entre les activités de transport et de fourniture.

C’est pourquoi il est nécessaire d’opérer dans un premier temps une véritable séparation managériale, comme il a été fait pour EDF avec la création de RTE entre les activités transport et fourniture de GDF comme préalable à une future séparation légale des activités.

C’est à nos yeux, à terme, l’unique moyen pérenne de poser les conditions d’un accès équitable de tous les opérateurs aux réseaux de transport, poussant l’opérateur historique à ne pas abuser de sa position dominante tout en laissant l’autorité de régulation jouer son rôle d’arbitre.



Plus de service public, ensuite.

Car le Gaz n’est pas une marchandise banale.

C’est un bien de première nécessité pour de très nombreuses familles françaises, et c’est pourquoi l’UDF veillera tout particulièrement, dans les années à venir, à ce que le service public du gaz ne connaisse pas de recul.

En matière de service public, le projet de loi s’arrête à des déclarations de principe faites à l’article 11 et renvoie l’organisation concrète du service public à des décrets d’application.
C’est regrettable.

Dépasser l’incantation en matière de service public, lui donner un contenu précis en ce qui concerne la desserte des territoires reculés et des territoires d’Outre-mer, les dispositifs contre la précarité, les dispositifs contre les dangers d’explosion, nous sommes là au cœur du débat politique et il est légitime que ce débat ait lieu à l’Assemblée nationale !

Pour ne prendre que l’exemple de la sécurité, le gaz est une source de bien être, mais si les conditions de sécurité de sa distribution ne sont pas respectées, il peut devenir une menace pour la sécurité de nos concitoyens.

Chaque année, des dizaines de personnes trouvent la mort ou voient leurs habitations détruites à cause d’explosions dues à la vétusté des conduites de gaz. S’il n’est pas maîtrisé, le gaz devient destructeur, et c’est pourquoi nous serons intransigeants pour que tout soit fait pour que la sécurité des utilisateurs finals soit assurée.
Les sénateurs ont prévu que la sécurité en amont du compteur devienne une obligation de service public, ainsi que le diagnostic gratuit des installations domestiques et le cas échéant des aides pour la remise aux normes des installations défectueuses. Fort bien ! Mais, qui paye ?

Mais si la sécurité de nos concitoyens n’a pas de prix, elle a néanmoins un coût qu’il convient d’évaluer avec précision.

Le service public mérite aussi des garanties législatives solides concernant le financement de ces obligations de service public

Nous souhaitons qu’un équivalent du fond qui finance les charges de service public existant déjà dans le domaine de l’électricité soit donné au secteur gazier, afin que la sécurité ne soit plus un souhait législatif mais une réalité concrète.


Permettre le développement Européen de Gaz de France par l’ouverture de son capital et la modernisation de son système de retraites.

Parlons Clair, Madame la Ministre. Gaz de France a vocation à être un des acteurs majeurs du marché européen du Gaz. Pour cela, il devra ouvrir son capital pour financer ce développement européen.

Et cette ouverture est impossible sans une réforme profonde du régime de retraite de GDF.

La question des retraites, qui pèse sur son avenir, est une lourde hypothèque pour de Gaz de France. Sur 100F de Chiffre d’affaires de GDF, 54 sont consacrés aux retraites. Cette situation est rédhibitoire dans un contexte concurrentiel. Tout le monde le sait, les syndicats le savent comme en attestent l’accord signé Mardi.

Il importe donc d’intégrer les bénéficiaires du régime EDF/GDF dans le giron du régime de droit commun de la branche, car si rien n’est fait, EDF comme GDF seraient lourdement handicapés pour les années à venir.

Véritable épée de Damoclès pour l’entreprise, le régime spécial des personnels de GDF ne peut pas non plus continuer à être isolé au regard des millions de salariés qui cotisent au régime général, et qui ne bénéficieront pas du maintien de 75% de leur salaire ou du départ à 56 ans…

Il ne faut pas éluder les questions primordiales du montant et de la durée de cotisation, tout en se montrant respectueux du dialogue social.
Madame le ministre, la France doit faire sa deuxième nuit du 4 août et réussir une réforme empreinte de justice et de liberté. Il est impératif de ne pas traiter séparément la question des régimes spéciaux, mais d’adopter une démarche globale tendant vers la mutualisation et la refonte progressives des régimes particuliers dans le régime général.


Quant au volet électricité


Saluons la sagesse de la haute assemblée pour ce toilettage fort à propos de la loi du 10 février 2000 relative au service public de l’électricité.

Mes chers collègues, il était temps de mettre fin à un état de fait hypocrite, où l’Etat fait financer par EDF les obligations de service public, qu’elles soient en matière d’énergies renouvelables, de desserte de territoire non-interconnecté ou de lutte contre la précarité.

Nous avons là un texte précis sur le contenu du service public et je ne doute pas que la discussion parlementaire aboutira à des mécanismes de financement de ce service public à la fois juste et sauvegardant la compétitivité de notre industrie.


Ouverture à la concurrence européenne, ouverture de leur capital, nouveau contenu pour le service public,nouvelles règles de financement de celui-çi, Modernisation du sytème de retraites …Madame la ministre, 2003 sera une année charnière décisive pour nos deux entreprises nationales. Le pire serait, cette année, de rester entre deux eaux et de ne pas décider. Par contre, si nous faisons, sans naïveté, mais avec courage le pari Européen, les consommateurs français, quelque soit leur taille, mais aussi EDF et GDF en profiteront. C’est peut-être cela le secret de la dynamique européenne.

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