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17/06/04 : Discours de Jean Dionis du Séjour, porte-parole de l'UDF sur la proposition de loi relative aux conditions permettant l'expulsion des personnesvisées à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945

Publication : 17/06/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Le 26 novembre 2003, la loi relative à la maîtrise de l’immigration et au séjour des étrangers en France était promulguée. Parmi les dispositions contenues dans ce texte, il était procédé à une réécriture de l’article 26 au terme duquel les conditions de non expulsion des étrangers étaient élargies, à l’exception de trois cas et ce quelle que soit la situation de cet étranger. Autrement dit, ces trois dispositions priment sur toute situation et justifient dès lors une mesure d’éloignement du territoire de plein droit. L’équilibre entre la protection due à ces étrangers et les exigences de l’ordre public avait été trouvé à cette occasion et avait d’ailleurs fait l’objet d’un consensus sur la plupart des bancs de cette assemblée.

Peut donc faire l’objet d’une expulsion, l’étranger dont le comportement est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat ou lié à des activités à caractère terroriste ou dont le comportement constitue des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l’origine ou de la religion des personnes.
La nouvelle rédaction de l’article 26 avait pour but de diminuer considérablement le champ d’action de la double peine. Trop de situations absurdes avaient vu le jour et le ministre de l’intérieur s’était engagé à en réduire sa portée. Il n’était plus tolérable d’expulser des étrangers, déjà sanctionnés, vivant en France depuis leur enfance et une famille et des attaches sur notre territoire.
Néanmoins, il était clair dans l’esprit du texte que tout complot terroriste ou contraire aux intérêts de l’Etat ou encore toute provocation à la haine ou à la discrimination pouvaient faire l’objet d’une expulsion.
C’est dans ce contexte législatif qu’est intervenu au mois d’avril 2004, l’affaire dite de l’imam de Vénissieux. A l’origine d’une déclaration prônant la violence conjugale en cas d’adultère, M Abdelkader Bouziane, déjà sous le coup d’un arrêté d’expulsion, s’est vu mettre en centre de rétention. Ces déclarations devaient permettre d’expulser M Bouziane dont les motifs du premier arrêté d’expulsion demeuraient flous.

Mais le 26 avril, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête du ministère de l’intérieur et suspendu l’arrêté d’expulsion au motif qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté d’expulsion, rien ne justifiant la nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat d’expulser l’imam. Par ailleurs, l’imam ne reconnaissait pas les faits. Quelques jours plus tard, le juge des référés rendait une décision similaire. Il apparaît donc à la lumière de ces faits que le 1er alinéa de l’article 26 ne comportait pas les éléments suffisants pour procéder à l’expulsion de cet imam.
C’est pourquoi, les auteurs de la proposition de loi ont voulu préciser la portée de cette disposition en ajoutant que la provocation devait être explicite et délibérée et qu’elle devait toucher une personne ou un groupe de personnes déterminées. En l’occurrence, les déclarations de M Bouziane étaient, sinon explicites, délibérées et surtout elles visaient les femmes en légitimant la violence à leur égard. Il n’en demeure pas moins qu’en l’absence de précisions, le tribunal administratif a rejeté la requête du ministère de l’intérieur.
Les liens de l’imam avec les mouvances islamistes n’ayant pas été fondés, la précision du 1er alinéa de l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 aurait peut être permis d’établir la situation même si la dénégation des faits aurait retardé la procédure et n’aurait pas permis quoi qu’il arrive de l’expulser. On comprend aisément les motivations de cette proposition de loi qui souhaite sanctionner de tels comportements et surtout qui souhaite ne pas voir se répéter de tels incidents.
Même s’ils s’en défendent, entre autres pour des raisons chronologiques, les auteurs du texte ne peuvent nier l’opportunité de cette loi avec l’affaire de Vénissieux.
Bien entendu, nous ne pouvons cautionner ces agissements indignes de notre République. Nous souscrivons à toute initiative ayant pour but de sanctionner des incitations à la haine ou à la discrimination en raison de l’origine, de la religion, du sexe ou encore des convictions politiques. Nous soutenons ce texte sur le fond tant le comportement de M Bouziane est inadmissible et choquant et je crois qu’il faut être inflexible quant au message fort que nous voulons envoyer à ce type d’attitude. A la question, M Bouziane méritait-il d’être expulsé pour ses prises de parole et ses connivences, la réponse est sans ambiguïté : oui. Nous devons être convaincu que la loi française ne tolèrera pas ces agissements.
Néanmoins, je souhaiterais attirer votre attention sur deux remarques et émettre des réserves quant à la méthode employée. Tout d’abord, il s’agit de ne pas remettre en cause la rédaction trouvée l’année dernière lors des discussions relatives à la double peine. Le texte proposé aujourd’hui n’a pas pour vocation à le faire mais restons vigilants et n’incluons pas au fur et à mesure des dispositions, dont nous ne contesterons pas la légitimité, mais qui pourraient rompre cet équilibre.
Deuxièmement, ne tombons pas, de grâce, dans le système des lois d’opportunité. Le travail législatif que nous menons chaque jour dans notre assemblée ne peut et ne doit nous conduire à régler chaque difficulté qui se présente par un texte de loi. Le tribunal a rendu sa décision le 26 avril, nous sommes le 17 juin et nous légiférons. Les éminents juristes qui composent la commission des lois ne doivent d’ailleurs pas voir d’un très bon œil de telles pratiques. En moins de deux mois, a-t-on eu le temps de bien analyser les insuffisances de la loi, qui je le rappelle a moins d’un an d’existence ? A ton bien pris le temps d’étudier la réalité de l’application de cette loi ? A-t-on consulté les instances, les associations, tous les corps intermédiaires qui donnent aux textes leur légitimité ? La réponse est non. Nous n’avons pu procéder à tout ce processus qui donne à notre travail toute sa crédibilité. Nous avons le fâcheux sentiment d’avoir voulu faire un exemple politique au lieu de bien légiférer. Et nous émettons de fortes réserves sur ce type de méthodes.
Nous prônons à l’UDF depuis longtemps l’étude d’impact préalable à chaque projet de loi ainsi que le rapport sur la bonne application des lois votées mais en aucun cas cela ne doit nous conduire à agir de la sorte.
Car si chaque affaire médiatico-judiciaire ou chaque obstacle s’accompagne immédiatement de réforme des lois que nous venons de voter, cela va vider complètement de sa substance le travail que nous effectuons chaque jour. Nous allons alourdir les textes de loi et les rendre inaccessibles pour les professionnels en raison des nombreux changements trop fréquents.
L’affaire de l’imam de Vénissieux est symptomatique d’un dysfonctionnement que nous souhaitons résoudre trop rapidement. Ne soyons pas aussi dépendants d’une actualité qui ne doit en aucun cas devenir le juge du travail législatif.
Nous prenons donc acte de cette modification de l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 que nous soutiendrons sur le fond malgré les fortes réserves que je viens d’exprimer sur la méthode car il convient par ailleurs de ne pas laisser perdurer des actes de cette nature même si nous ne résoudrons pas ces comportements uniquement par la loi.
Je vous remercie.

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