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15/06/04 - Discours de Jean Dionis du Séjour, porte-parole de l'UDF, sur le Projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières

Publication : 16/06/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre d’Etat,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

EDF et GDF sont des acteurs déterminants de la vie sociale et économique de notre pays.

La réforme de leur statut est donc tout naturellement un rendez-vous majeur de notre vie politique nationale. M. le ministre, vous avez mené une véritable négociation avec les partenaires sociaux, marquée par un respect mutuel, des désaccords importants, certes, mais aussi de véritables concessions de part et d'autre. Cette démarche est le signe d'une démocratie adulte, chacun restant dans son rôle, même si les coupures d’électricité ne sont pas admissibles dans une démocratie responsable.

Bref, cette première mi-temps sociale, débordements mis à part, a bien déblayé le terrain. Elle a été utile, elle était légitime. Mais, dans une démocratie qui fonctionne bien, il faut une deuxième mi-temps parlementaire et législative qui, elle aussi, joue pleinement son rôle et ne se réduise pas à un théâtre d'ombres. Vous avez acquis, M. le Ministre, une vraie crédibilité en matière de respect des prérogatives du Parlement. Nous comptons sur vous pour qu'il en soit ainsi sur ce projet de loi.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans un précédent débat, j’ai commencé ma carrière professionnelle en tant qu'ingénieur à EDF. Je garde de cette période de ma vie un souvenir d'excellence industrielle et de sens du service public en ce qui concerne cette entreprise et ceux qui la font vivre. Et si je n’avais pas la conviction que nous prenons pour elle les décisions nécessaires à son développement et à son rayonnement, jamais je n’aurais accepté de soutenir ce texte.


Au nom de l’UDF, je voudrais dire que nous sommes ici, en tant que membres et partenaires de la majorité, pour assumer avec le gouvernement un choix que nous avions tous, UMP et UDF confondues, affiché dans nos campagnes présidentielles et législatives à savoir l’ouverture du capital d’EDF et de GDF. Certes, nous n'avons pas été les seuls puisque à l'époque le Parti socialiste en avait fait un de ses engagements de l'élection présidentielle de 2002.
En effet, qui a dit : « D’accord pour une certain ouverture du capital et des participations ou des achats à l’étranger par le biais de filiales d’EDF, à condition que celle-ci soit maîtrisée » ? Jean-Pierre Raffarin ? Nicolas Sarkozy ? Réponse : Lionel Jospin (programme pour les élections présidentielles de 2002).
Qui a dit : "Nous sommes favorables à une ouverture, mais à une ouverture maîtrisée et progressive" ? Le ministre français des affaires étrangères de Lionel Jospin, Hubert Védrine le 11 mars 2002.
Il s’agit maintenant pour vous aussi de les assumer mes chers collègues socialistes ! Vous me savez d’un naturel plutôt conciliant avec nos amis les plus éclairés de l’opposition. Mais là je trouve que vous allez trop loin dans le reniement et l’amnésie.
Bref, si on peut reconnaître une certaine cohérence à la démarche du Parti communiste comment ne pas dénoncer le double discours et l'hypocrisie du PS sur cette question industrielle stratégique pour le pays ?


Pour nous cette ouverture n’est pas une privatisation comme se plaît à le dire l’opposition, cette ouverture est la conséquence des décisions que le Président de la République, Jacques Chirac et le gouvernement Jospin ont prises en mars 2002 au sommet de Barcelone sur la libéralisation des marchés énergétiques. Qui soutiendra que sans ouverture du capital, EDF, avec pour seul actionnaire l'Etat français, et bénéficiant des garanties de celui-ci pour les systèmes sociaux dans l'entreprises, ne disposerait pas d'un avantage discriminant en matière de concurrence? Qui peut croire que durablement ses concurrents européens resteront bras croisés sans saisir la Cour de Justice des Communautés européennes ? Mais il s'agit surtout d'avoir une vision d'avenir pour ces deux entreprises. En effet, l'objectif est clairement de donner les moyens à EDF et à GDF de devenir des leaders européens et cela ne se fera pas sans échange de participations avec des producteurs d'autres états membre de l'Union européenne.
La réalité est simple: nos entreprises publiques doivent faire face le 1er juillet prochain aux décisions de Barcelone avec près de 2,3 millions de consommateurs, collectivités locales et entreprises (soit près de 70% du marché), qui pourront choisir librement leur fournisseur de gaz ou d’électricité. Comment pourrait-on leur refuser les moyens de s’adapter à cette donne radicalement nouvelle qui consiste à bâtir des stratégies industrielles modernes, ouvertes sur les marchés européen et international ?


Le monde change : il y aura donc un marché intérieur européen de l’énergie, il y aura donc une compétition européenne de l'énergie.
Mais il ne faut pas ignorer la situation actuelle d’EDF. Cette situation est contrastée, car si EDF est une brillante réussite du point de vue industriel et technologique, sa situation est très dégradée au niveau financier.
Quels sont, en effet, les chiffres cités par le rapport d’enquête de notre collègue Dieffenbacher sur la gestion des entreprises publiques ?
L’endettement net de l’entreprise est passé de 17,6 milliards d'euros en 2000 à 25,8 milliards d'euros en 2002 (+ 26,5 % en 2001 et + 16,2 % en 2002). A ces chiffres, il convient d'ajouter des engagements de prise de participation à l'étranger à hauteur de 8,2 milliards d'euros qui, bien qu'ils n'apparaissent pas au bilan, constituent une réelle dette contractée par l'opérateur
EDF dispose aujourd'hui de 18 milliards d’euros en fonds propres. Mais il faut compléter ce chiffre par les 9 milliards de la soulte qu’EDF va devoir verser au régime général au titre d’une cotisation libératoire et les 60 milliards de provision pour l’ensemble des retraites des agents IEG que les nouvelles normes comptables exigent. Cette situation financière très tendue - et qu'il serait bien naïf de nier - a quatre causes :

- le fait que l’Etat n’a jamais depuis des années consolidé le capital de son entreprise publique,
- le poids très lourd pour l’entreprise du régime de protection sociale dont les comptes vont encore se dégrader avec le vieillissement de la population,
- le fait que EDF a toujours adopté une politique tarifaire déséquilibrée en pratiquant des tarifs domestiques très bas par rapport au marché et des tarifs élevés pour les professionnels ce qui explique la perte pour EDF de 20% de ses clients éligibles depuis la première ouverture,
- Les aventures économiques plus ou moins hasardeuses d’EDF sur les marchés internationaux, notamment en Amérique latine, qui ont montré les insuffisances et les responsabilités de la tutelle.

Face à cette situation tendue, EDF, plus que jamais, a besoin d'une stratégie d'avenir et d'une vraie liberté d'action pour relever le défi de la concurrence et du service public.


Pour sa part, l’UDF n’a jamais changé de discours : nous avons toujours été favorables à la construction européenne dans sa dimension politique, mais aussi économique, et notamment à travers la construction d'un marché énergétique européen unique. Nous avons toujours soutenu l'ouverture des marchés énergétiques à la concurrence à condition :
- de préserver le rôle du régulateur, et donc de la Commission de régulation de l'énergie (CRE),
- et de développer des services universels comme cela a déjà eu lieu dans le domaine des télécommunications.

Et c'est en cohérence avec nos convictions sociales et européennes que le Groupe UDF a déposé 4 ensembles d'amendements :

1/ D'abord compléter les missions de service public et instaurer un service universel de l’électricité :
Pour le Groupe UDF, le projet de loi ne va pas assez loin dans le domaine des missions de service public de l’électricité et du gaz. Nous proposons de compléter ces missions en renforçant dans les textes législatifs de référence la dimension de l’aménagement du territoire et de la politique de la ville.
Le Groupe UDF a également déposé deux amendements pour inscrire dans le droit français la notion de « service universel de l’électricité » en transposant les dispositions des alinéas 3 et 5 de l’article 3 « Obligations de service public et protection des consommateurs » de la Directive 2003/54/CE du 26 juin 2003 que le projet de loi a totalement ignorées. Le service universel de l’électricité permettra de garantir « le droit d'être approvisionné, sur l’ensemble du territoire national, en électricité d'une qualité bien définie, et ce à des prix raisonnables, aisément et clairement comparables et transparents » pour l’ensemble des clients éligibles (notamment les PME à compter du 1er juillet 2004) et, dans la perspective de l’ouverture totale en 2007, pour l’ensemble des consommateurs français.

Pour l’UDF, avec l’ouverture des marchés, les services publics auxquels nous sommes particulièrement attachés, ne doivent plus être assurés exclusivement par les anciennes entreprises publiques mais par l’ensemble des opérateurs présents sur le marché. Les coûts du service universel seront intégrés dans la CSPE (contribution pour le service public de l’électricité).

2/ Gestionnaire des réseaux de transport : aller au bout de la logique d’intégration
Le Groupe UDF approuve le choix stratégique du maintien d'un groupe intégré autour des trois métiers de producteur, de transporteur et de distributeur avec notamment la filialisation de la distribution.
Pour autant nous souhaitons éviter les contradictions possibles entre cette intégration et les dispositions des directives transposées par le présent projet de loi qui prévoient expressément une séparation entre les fonctions de transporteur et de producteur d'énergie afin de garantir un libre accès à la concurrence et aux réseaux par des tiers.
Le Groupe UDF a déposé plusieurs amendements pour aligner le fonctionnement des GRT sur le droit commun en vigueur dans les SA et pour renforcer l’indépendance des filiales de transport et de distribution par rapport leur maison mère.
Par ailleurs, un amendement a pour but de préciser que le GRT de l’électricité (aujourd'hui RTE, demain EDF Transport) peuvent également utiliser leur propre réseau pour faire du réseau de télécommunications dans un souci d’aménagement du territoire.

3/ Régime spécial des personnels IEG : aller au bout de la clarification et de l’égalité entre les Français.
Mon collègue Charles de Courson détaillera l'ensemble de nos amendements dans ce domaine mais je tiens à en préciser dès maintenant les principes.
Ces amendements respectent les droits acquis pour les salariés actuels, mais, dans un souci de rétablissement de l’égalité entre les Français, les nouveaux entrants n'auront pas le même régime. En effet, les régimes de retraite ont été réformés, et seuls quelques régimes spéciaux ne l'ont pas été : EDF, la SNCF, la Banque de France ou la Comédie française. Pour le Groupe UDF on ne peut pas défendre le maintien du statu quo qui aboutit à l'injustice et à l'inégalité sociale entre les citoyens.

4/ Part du capital d’EDF et de GDF détenu par l’Etat : bien distinguer la problématique des deux entreprises
La commission des affaires économiques a adopté un amendement qui porte à 70% la part détenue par l’Etat dans le capital d’EDF et de GDF. Dans le projet de loi, cette part avait été fixée à « plus de 50% ». Cet amendement fait suite aux engagements que vous avez pris dans vos négociations avec les syndicats. Si l’on peut comprendre que l’Etat prenne ses dispositions pour éviter toute minorité de blocage au sein du conseil d’administration d’EDF en raison des enjeux de production liés à la sécurité d’approvisionnement du pays en électricité, la situation est totalement différente pour GDF qui d’une part n’a pratiquement pas de fonction de production et qui d’autre part a besoin d’ouvrir très largement son capital pour mener à bien son projet industriel et réussir sur les marchés européen et étranger.

Un amendement a donc été déposé par le Groupe UDF pour distinguer les deux entreprises et ne monter à 70% que pour EDF conformément à vos engagements.


En conclusion M. le Ministre, le Groupe UDF est bien disposé par rapport au projet de loi. Nous partageons avec vous les convictions européennes et l'ambition que nous avons pour EDF et GDF qui sont à la source de notre engagement en faveur de l'ouverture du capital des entreprises. Nous soutenons votre choix d'une entreprise intégrant les métiers de producteur, de transporteur, de distributeur et de vendeur. Mais nous apportons dans le débat une volonté d'aller plus loin en matière de service public électrique vis-à-vis des résidants et des entreprises. Nous apportons enfin pour la question de l'avenir social de ces entreprises une vision conciliant le respect de la parole donnée au personnel et une véritable volonté d'égalité sociale au niveau de la Nation.

Monsieur le Ministre, ouvrez un véritable débat avec le Parlement comme vous avez su faire avec les syndicats. Améliorons ensemble ce texte nécessaire. C'est tout le souhait, c'est le seul souhait de l'UDF et s'il devient réalité nous ne vous mégoterons pas notre soutien.

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