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16/12/04 - Réaction de François BAYROU à l’intervention du Président de la République sur la question de l'adhésion à la Turquie

Publication : 17/12/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Je voulais, au nom de l’UDF, réagir à l’intervention du Président de la République hier soir en vous exprimant les éléments d’inquiétude que cette intervention nous a apportés. Nous sommes inquiets en raison de ce que cette intervention dit de l’Europe et de son avenir, et nous sommes inquiets en raison de ce que cette intervention dit de l’Etat, de la démocratie française.
Hier soir en effet, le Président de la République a annoncé une chose très importante, centrale : la France renonce à défendre dans la décision du Conseil européen aujourd’hui et demain l’option d’introduire une notion de partenariat privilégié. Nous avons ressenti ça avec beaucoup d‘inquiétude. Je veux vous rappeler qu’il y a des mois que les déclarations officielles et officieuses indiquent que non seulement la France n’écarte pas la notion de partenariat privilégié, mais même qu’elle considère que cette notion est une des issues crédibles de la période de négociation. Cela est très important, parce qu’introduire la notion de partenariat privilégié, c’était aussi rendre à l’Union européenne une part de sa liberté face à la question de l’adhésion de la Turquie. Si la notion de partenariat privilégié avait figuré dans la décision, cela signifiait que l’adhésion n était pas obligatoire et que l’on conservait la liberté dans le courant des négociations et au terme des négociations de dire oui ou de dire non. Et, qu’il y avait de surcroît un scénario crédible de liens spéciaux entre la Turquie et l’Europe, comme à notre avis il faudrait un jour des liens spéciaux par exemple entre l’Ukraine et l’Europe. Je rappelle que cette notion de partenariat privilégié est précisément définie dans la constitution européenne. Or, à de nombreuses reprises, officieusement et officiellement, le gouvernement et même l’Elysée ont laissé entendre que ce partenariat privilégié était, non seulement envisageable, mais qu’il constituerait une demande de la France. Je vous rappelle que le Premier Ministre est venu devant l’Assemblée nationale en réponse à une question parlementaire dans le courant du mois de novembre, il y a donc à peine quatre semaines, pour dire -on vous donnera le texte si cela vous intéresse- qu’il y a trois options possibles: l’échec des négociations, l’adhésion ou un partenariat privilégié. Cette annonce officielle du Premier ministre nous avait semblé, et je l’avais dit à l’époque, être un point positif. Cette semaine encore, des messages plus officieux indiquaient que ce serait la nature de la France et même que l’on avait trouvé, ou que l’on était sur le point de trouver une phrase qui permette de dire cela.

Hier soir le Président de la République a renoncé à cela et renonçant à cette option, il a naturellement apporté deux messages qui sont tous les deux inquiétants.

Le premier message, c’est que sans partenariat privilégié, avec une adhésion automatique, le Président de la République a défini l’Union européenne comme une zone ou une région où l’on pourrait faire des échanges économiques -ce serait profitable pour tout le monde- et dans laquelle on pourrait trouver la paix. Ceci ne correspond pas au projet européen que la France porte depuis longtemps, et selon nous, pas non plus au projet européen du texte de la constitution. Le projet européen est un projet d’Europe puissante, unitaire, capable de s’exprimer d’une seule voix, aussi fort que les USA ou la Chine à la surface de la planète. Europe union politique et décidée à exprimer ses attentes et ses exigences en tant que telles. Il n’est d’ ailleurs pas étonnant qu’un très grand nombre de défenseurs de l‘adhésion de la Turquie indiquent qu ils sont pour l’adhésion de la Turquie car ce projet européen n ‘existe plus. C’est le cas de Michel Rocard et de bien d’autres. Au contraire des hommes comme Giscard, Badinter ou moi défendons l’idée d’une Europe qui soit une union politique avec son identité et sa puissance de conviction, sa capacité pour peser sur les affaires du monde. Hier soir, ce qui était absolument clair, c’est que l‘on avait choisi un autre projet européen, c’est à dire celui d’une Europe sans cesse en extension, qui privilégie les échanges économiques et un certain nombre de questions importantes de droit. Mais plus d‘union politique. Deuxièmement, cela donne une indication extrêmement inquiétante sur l’état de la démocratie française. Une décision qui engage un peuple et l’union politique de plusieurs peuples pour plusieurs décennies ne peut pas être à mon sens la décision solitaire d‘un seul homme, fût il Président de la république. Une décision de cette importance doit être débattue, discutée, faire l’objet de vote. Elle doit tenir compte des sentiments d un peuple et de ses représentants. il est sans exemple dans aucun autre des pays du monde qu’on interdise au parlement de s’exprimer lui concédant du bout des lèvres à l’Assemblée nationale un débat de 2 heures et interdisant le même débat au Sénat. Je vous rappelle au cas où cela vous aurait échappé que le débat au sénat a été fixer du fait du gouvernement le 20 janvier alors que la décision doit se prendre le 17 décembre -voilà l’état de la démocratie en France- et interdisant bien éventuellement tout vote indicatif sur cette question.

Pour nous il n’est pas imaginable qu’un homme seul de sa propre volonté, décide à la place d’un peuple et sans s’en expliquer devant lui autrement qu’à la télévision pendant 8 minutes. Ce n est pas l’idée de la démocratie que nous nous faisons. Cela traduit un profond malaise. Je vous rappelle que si j’en crois les déclarations des uns et des autres, il existe une majorité très importante de parlementaires qui demandent que l’on explore l’idée d’un partenariat privilégié. J’aurais parfaitement compris que le Président de la république dise qu’il était en contradiction et qu’il s’en explique devant le pays semaine après semaine et jour après jour pour que les Français soit informés et qu’ils puissent peser dans le débat et ce n’a pas était le cas.

Pour nous, ce domaine réservé est un manquement à la démocratie. C’est une conception monarchique du pouvoir et nous ne sommes pas pour une conception monarchique du pouvoir même si le détenteur de ce pouvoir est élu. Cela n’existe nulle part dans le monde comme ça n existe nulle part dans le monde que l’on puisse engager la vie des militaires français sans avoir demander l’avis du Parlement. Il y a pour nous une part très importante du malaise français. Et l’on espère encore que au Conseil des chefs d’Etat et de Gouvernement il va y avoir des responsables d’autre pays capables de porter une demande aussi raisonnable que celle qui s’exprime majoritairement en France. J’espère que la décision pourra encore être infléchie si elle ne l’était pas je crains que le referendum soit naturellement fragilisé par la décision qui a été prise de cette manière. C’est pour nous une raison d inquiétude de plus.

Il ne vous aura pas échappé que nous soutenons le oui à la constitution parce que la constitution va dans le sens dune Europe intégrée. La décision d’adhésion de la Turquie va dans le sens d’une Europe qui, bien loin d’être intégrée, va vers une extension proche de la dissolution. Le oui à la constitution et l’adhésion de la Turquie vont dans les sens inverse l’un de l autre et ce sont deux logiques rigoureusement antagoniste. Que l’on met en place en même temps et qui à nos yeux apporte de l’illisibilité au projet européen. Nous pensons que l’Europe ne peut pas se faire sans les peuples. Le projet européen doit être un projet porté par les peuples et la décision solitaire des chefs d’Etat ne suffit pas. Voilà l’analyse que je voulais très rapidement conduire devant vous des déclaration du Président de la République. Elles donnent à notre avis un signal négatif pour l’avenir de l’Europe et un signal négatif pour l’état de la démocratie française.

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