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14/11/03 - Réponse de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies

Publication : 18/11/2003  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, le projet de BCRD pour 2004 traduit une véritable réforme. Il n'est que le levier financier d'une nouvelle stratégie visant à donner un nouvel élan à notre recherche.

La compétition mondiale ne se limite pas au domaine économique. Les savoirs, la créativité, l'innovation sont le premier de ses enjeux. Les dépenses de recherche-développement de la Chine ne viennent-elles pas de dépasser celles de la France ? Ce nouveau concurrent ne se trompe pas : il sait qu'il doit investir dans l'intelligence. Si nous ne faisons rien, nos chercheurs, avec lesquels j'ai beaucoup dialogué, que j'ai écoutés, entendus, ne pourront que continuer de se plaindre. Notre système doit évoluer. Ce budget marque « un changement fort dans la structure de l'allocation par l'Etat des moyens humains et financiers aux activités scientifiques et technologiques de la France », comme l'a relevé le CSRT dans son avis.

Mes orientations sont claires : notre recherche doit répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens et de notre économie, aujourd'hui et demain. Pour cela, il faut qu'elle soit plus réactive, qu'elle redevienne attractive pour les jeunes et pour les étrangers, que les entreprises y trouvent la source de leurs innovations. Rien ne se fera sans une recherche fondamentale dynamique. Il est donc hors de question de l'affaiblir, de la sacrifier ou de l'opposer à une recherche plus finalisée. Elle doit, en revanche, s'adapter, s'ouvrir sur les attentes de nos concitoyens et des entreprises, en demeurant le socle sur lequel se bâtissent les véritables progrès. La découverte ne se décrète pas, elle ne se programme pas davantage. Cette évolution doit concerner chacun : scientifiques et futurs scientifiques, laboratoires publics et entreprises.

La recherche, c'est d'abord de la matière grise, c'est-à-dire des hommes et des femmes de sciences. Il faut tout faire pour attirer les jeunes vers la science. C'est pourquoi figure au premier rang de nos priorités le partage de la culture scientifique sur lequel a insisté M. Dionis du Séjour. La culture scientifique ne se réume pas à une ligne budgétaire : les actions sont nombreuses et très diverses. La Fête de la science donne à l'ensemble de la population, en particulier aux jeunes, le goût de la science et du progrès technique. Le ministère subventionne également de nombreux colloques de haut niveau où se rencontrent chercheurs, développeurs, décideurs. Même si leurs crédits ne figurent pas dans le fascicule recherche, le Muséum d'histoire naturelle, le Palais de la Découverte, la Cité des sciences et de l'industrie s'inscrivent dans la même démarche. Je crois beaucoup à ces lieux de partage de la science. J'ai d'ailleurs demandé à ces établissements d'être des têtes de pont de l'animation de la culture scientifique dans les régions, trop souvent oubliées.

Oui, la diffusion la plus large de la culture scientifique est indispensable pour créer des vocations scientifiques et pour vaincre les peurs et les frilosités. C'est un gage de meilleure compréhension, de partage des enjeux et des décisions. Je ferai, en décembre, une communication en conseil des ministres à propos de la culture scientifique et technique, en tirant bénéfice de deux rapports parlementaires très riches, celui des sénateurs Laffite, Blandin et Renar, et celui du député Hamelin.

Ce qui empêche les étudiants de s'engager dans la recherche, c'est le manque de débouchés et la faiblesse des rémunérations offertes à des bac+5. Comme l'a rappelé Mme Le Brethon, je poursuis donc cette année l'effort destiné à rendre la recherche plus attractive, en revalorisant de 4 % l'allocation, qui aura ainsi progressé de 15,7 % depuis 2002, en assurant une couverture sociale aux thésards, en transformant 300 allocations de recherche classique en bourses CIFRE, qui donnent de bons résultats en termes d'emploi puisque 95 % des thésards trouvent un travail dans les trois mois, dont 90 % dans des entreprises. Or nous manquons de chercheurs dans les entreprises. Si nous souhaitons ouvrir plus de perspectives d'emploi scientifique, nous devons proposer des formations plus ouvertes sur l'ensemble du monde de la recherche.

Les 400 contrats pour post-doctorants que j'avais créés l'an passé ont connu un vrai succès ; il y en aura 200 de plus l'an prochain. Désormais, nos jeunes docteurs n'ont plus besoin de s'expatrier mais simplement de changer de laboratoire.

Nous proposons aussi, M. Domergue l'a évoqué, des mesures d'aides au retour pour les post-doc actuellement à l'étranger et des mesures incitatives pour les chercheurs étrangers qui intègrent des projets nationaux.

J'en viens à l'emploi public. J'y ai veillé personnellement, il n'y aura pas moins de chercheurs dans les laboratoires en 2004. Il y en aura même 200 de plus avec ces post-docs. Dans la mesure où 1 600 personnels des EPST partiront l'an prochain, dont 1 050 à la retraite, il y aura 1 050 recrutements de fonctionnaires et 550 de contractuels. Ces derniers sont déjà près de 1 000, dont le recrutement devait être gagé sur des emplois budgétaires. Ils sont là parce que c'est nécessaire. Aujourd'hui, nous en prenons officiellement acte et nous en faisons un axe de notre politique, afin de pouvoir recruter vite, sans attendre dix-huit mois un concours, afin de conduire un projet urgent par exemple face à l'épidémie de SRAS et pour éviter qu'un excellent chercheur parte à l'étranger. Ces emplois sur projets sont essentiels pour que notre recherche soit réactive et compétitive. Il ne s'agit pas de supprimer les emplois de fonctionnaires, car ce statut peut être également adapté à la recherche, mais d'introduire plus de souplesse. Le statut de chercheur permanent est, pour certaines disciplines et à un moment donné de la carrière, un atout de notre système de recherche, qui nous est envié à l'étranger. Il n'est pas dans mon intention de le faire disparaître, Monsieur Cohen ! Simplement, nous diversifions les statuts parce que c'est nécessaire et demandé. J'ajoute que ces 550 postes contractuels ne représentent que 1,2 % de nos 40 000 emplois scientifiques publics. Il n'y a là aucune précarisation, Monsieur Le Déaut.

Au moment où les départs en retraite sont nombreux et où se pose la question du renouvellement de notre force de recherche, nous serions coupables de reproduire à l'identique la structure des emplois et de ne pas donner à nos laboratoires toute la réactivité et la capacité de redéploiement dont ils ont besoin. J'ai sollicité nos organismes de recherche pour travailler en commun à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences.

La volonté politique forte d'inciter les entreprises à augmenter leur investissement en recherche et développement doit naturellement s'accompagner d'un élargissement des perspectives d'emploi scientifiques dans l'entreprise, d'où l'importance d'organiser les passerelles et les formations, le plus en amont possible.

Comme l'a fait observer M. Dionis du Séjour, l'émulation passe par la récompense des performances, donc par la systématisation de l'évaluation. L'évaluation individuelle du chercheur ne peut plus se réduire à la traditionnelle bibliométrie ; il faut mieux tenir compte de la participation à la diffusion des connaissances, des activités d'enseignement, d'administration de la recherche, de la participation au dépôt de brevets et de la conclusion de partenariats entre recherche publique et recherche en entreprise.

Ces critères seront pris en compte sous forme de primes, dès cette année, en application du plan innovation.

Avec l'évaluation et la reconnaissance, sociale et financière, l'excellence sera aussi encouragée car elle fonde la confiance dans la science et les progrès techniques. C'est en assurant moyens, souplesse, simplification, autonomie et responsabilisation, perspectives lisibles et attractives, reconnaissance que nous rendrons la recherche française attractive.

Nos laboratoires publics sont le deuxième axe de cette nouvelle stratégie, car c'est là que se forment les savoirs de demain et que se trouve la recherche fondamentale. La nouvelle culture liée à l'évaluation doit présider à ces modifications. En effet, Monsieur Birraux, passer d'un financement de structure à un financeemnt sur projet est un changement important.

Les moyens des EPST et EPIC sont constants mais ils n'en demeurent pas moins à des niveaux raisonnables. Cette stabilisation exprime un choix clair : celui de réformer le financement de la recherche progressivement, sans heurts, en cohérence avec les évolutions européennes, qui privilégient le financement par projet.

En effet, les fonds du ministère, le FNS, le FRT sont en forte augmentation : de 25 % en y intégrant les contributions du ministère de la défense.

Ces fonds financent des projets et une part importante des organismes de recherche EPST et EPIC. Ces instruments puissants orientent notre recherche fondamentale et appliquée et renforcent les liens entre les entreprises et les laboratoires. Il nous faut aussi concentrer des moyens et des équipes sur des projets prioritaires, développer des pôles de compétences en région en associant universités, grandes écoles, organismes de recherche, monde de l'entreprise, collectivités territoriales.

En cohérence avec la stratégie de l'Etat, j'ai demandé aux organismes d'orienter également leur financement vers la culture de projet. De même que la performance individuelle est aujourd'hui évaluée, la performance collective de ces projets devra l'être également car c'est de sa qualité et de sa reconnaissance internationale que viendront de nouveaux projets, de nouveaux partenaires, de nouveaux financements et que se formera ce cercle vertueux qui amènera le succès à nos chercheurs comme à nos entreprises.

Pour moi, la recherche fondamentale n'interdit pas le projet. Un chercheur connaît son projet de recherche. Il doit désormais le formaliser, l'exprimer, en accepter l'évaluation. C'est un changement : le projet conjugue démarche d'excellence et responsabilité.

Ce BCRD n'oppose pas public et privé, fondamental et application, conceptuel et finalisé. Il marque au contraire, la volonté de s'appuyer sur la recherche fondamentale, sur nos laboratoires publics, sur nos organismes, sur des universités, qui sont un atout dans le paysage européen et mondial, pour dynamiser cette recherche et mobiliser l'ensemble des acteurs économiques.

Il est vrai, Monsieur Lasbordes, qu'il faudra aussi engager des simplifications administratives et comptables pour que les laboratoires soient plus performants et que du temps soit dégagé pour faire de la recherche plutôt que de l'administratif. Ce chantier est entamé et il sera mené à bien, par étapes, d'ici à 2006.

Notre objectif n'est pas de privatiser la recherche, ce qui serait contre-productif pour l'Etat, lequel souhaite promouvoir la science comme bien public d'intérêt collectif par une recherche indépendante et neutre, dont a parlé M. Dutoit, mais aussi performante, ouverte, capable de fournir l'expertise indispensable à la décision politique, suscitant la confiance du citoyen, faisant la fierté d'une science créatrice de savoirs et de valeurs partagées. L'objectif est un investissement de toutes les forces créatrices avec une recherche publique forte qui joue son rôle de catalyseur et de levier pour une recherche en entreprise innovante, facteur de croissance et de progrès, créatrice d'emplois et de richesses.

Une preuve supplémentaire de cette volonté de synergie est la création du Fonds de priorité de recherche, alimenté par le CAS pour 150 millions d'euros. Il aidera notamment à mettre sur pied des fondations qui associent financement public et privé, philanthropie des particuliers et intérêts économiques des entreprises. Ces fondations de recherche constituent chez nos partenaires européens ou américains des outils puissants de financement de la recherche. Nous ne pouvions être en reste. Les fondations Pasteur ou Curie, exemples du succès qui peut être obtenu dans le cadre de telles structures, doivent faire des émules tout aussi excellents et renommés. C'est dans cet esprit que s'inscrivent la loi sur le mécénat rénovée et la mobilisation des fonds du CAS.

Comme vous le savez, nous voulons porter les dépenses publiques de recherche et développement qui représentent actuellement 0,9 % du PIB, à 1 % à l'horizon 2010. Il faudra que s'y ajoutent 2 % - au lieu de 1,25 % actuellement - en provenance de financements privés pour atteindre l'objectif national et européen de 3 %. Si l'année 2004 marque une priorité gouvernementale pour la recherche, c'est que l'investissement sur l'intelligence est le pilier de la préparation de l'avenir et que nous sommes bien conscients de l'effort qui reste à faire.

Au-delà de la recherche publique, le Gouvernement s'attache à encourager les entreprises, à investir dans la recherche et le développement.

Je pense au crédit d'impôt recherche, à la jeune entreprise innovante et au statut du « business angel ». J'aurais bien sûr aimé que ces mesures fassent l'objet d'une loi spécifique, qui marque tout l'intérêt du Gouvernement pour ce domaine, mais l'important est qu'elles soient prises.

Le crédit d'impôt recherche est une mesure phare de ce projet de loi de finances. Non seulement l'accroissement des dépenses en RD sera pris en compte dans l'assiette mais également leur niveau. Le relèvement du plafond, l'élargissement de la base des dépenses éligibles et le fait que les partenariats avec les laboratoires publics comptent double contribueront à doper le CIR, de façon à doubler cette réduction d'impôt et, je l'espère, à toucher sept fois plus d'entreprises.

Le statut de la jeune entreprise innovante vise les entreprises qui se créent autour de projets de RD et d'innovation et qui supportent de lourdes charges d'investissement et de développement avant de commercialiser leurs produits et d'accéder à la rentabilité. Il faut les aider à passer ce cap difficile.

Le statut de « business angel » vise, lui, toutes les jeunes entreprises. Il s'agit d'accroître le nombre des « investisseurs providentiels » qui sont susceptibles de leur apporter à la fois des capitaux et leur expérience de la gestion et du développement. A l'heure actuelle, cette catégorie d'investisseurs est proportionnellement dix à vingt fois moins représentée en France que dans les économies anglo-saxonnes.

Notre volonté, c'est de rendre attrayantes la recherche publique comme la recherche en entreprises. Non seulement nous ne les opposons pas mais au contraire nous encourageons les synergies. J'ai déjà évoqué les partenariats et les primes. Il me semble également important que les jeunes chercheurs connaissent mieux le monde de l'entreprise et soient sensibilisés aux règles de la propriété intellectuelle.

Les moyens de la recherche augmentent de 3,9 % en dépenses, mais avec les dépenses fiscales qui accompagnent ce mouvement de réforme, ce sont en réalité près de 8 % de moyens supplémentaires que nous proposons de mobiliser pour aller vers l'objectif des 3 %. Il reste cependant encore beaucoup à faire et à imaginer, et parmi les pistes possibles, celle évoquée par M. Gantier en vue d'orienter une partie de l'épargne vers des investissements en recherche sera explorée.

Notre stratégie n'aura toute sa cohérence qu'avec la mobilisation de tous les acteurs de la recherche, l'adhésion de citoyens confiants dans les progrès maîtrisés de la science et le soutien des responsables politiques conscients des enjeux que représente l'investissement dans l'intelligence. Dans la société des savoirs qui se met en place aujourd'hui, la recherche est en effet déterminante pour l'avenir de nos enfants et pour la préservation de la planète où ils vivront. Elle a aussi vocation à leur proposer des rêves et des conquêtes à entreprendre avec passion.

Je n'oublie pas l'Europe, Monsieur Gatignol, car l'objectif des 3 %, les thématiques, les stratégies et l'organisation de la recherche dépendent bien sûr beaucoup de nos partenaires de l'Union européenne, qui s'est, elle aussi, saisie de la recherche dans son initiative de croissance. Qu'il s'agisse du secteur spatial ou du projet ITER, vous connaissez tous ma mobilisation en faveur de l'Europe, avec la France comme chef de file. J'aurais aimé vous parler des priorités thématiques de notre recherche et de sa qualité, ce serait passionnant, mais nous n'en avons pas le temps. C'est pourtant le lieu et je souhaite avoir l'occasion de convaincre la représentation nationale du potentiel de notre recherche...

Je suis à votre disposition et j'ai bien volontiers répondu à l'invitation de vos collègues sénateurs des commissions des affaires économiques et culturelles.

C'est avec confiance et lucidité que je vous demande de voter ce budget ambitieux d'actions et de réformes, qui s'inscrit dans une volonté de construire l'Europe de la recherche, je dirais même : un espace européen de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. La proposition que j'ai faite dans le cadre de la LOLF de mettre en place, au niveau national, une mission interministérielle associant enseignement supérieur et recherche relève du même esprit. Il s'agit de faire en sorte que ces deux domaines restent une priorité dans les années à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

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