Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
La contribution du groupe UDF à la discussion générale du Budget Industrie, Postes et télécommunications se concentre volontairement sur quatre messages politiques forts :
1 – Un soutien sans réserve à votre politique d'amélioration de la compétitivité des entreprises françaises au travers de la R&D et de l'innovation
2 – Une analyse de la situation très dégradée de la Poste et donc des initiatives très fortes à prendre pour la redresser
3 – Un bilan positif de l'action de réformes du gouvernement dans le secteur des télécoms qu'il convient cependant d'amplifier
4 – L'apparition d'une vraie divergence entre les positions de l'UDF et celle du gouvernement en ce qui concerne la politique énergétique de la France.
1 – Un soutien sans réserve à votre politique d'amélioration de la compétitivité des entreprises françaises au travers de la R&D et de l'innovation
Madame la ministre, le gouvernement a clairement identifié la capacité de l'industrie Française à créer les nouveaux produits et services attendus par le Marché comme un des facteurs-clé de la croissance de notre pays et sur ce point, vous avez raison et votre budget est réellement novateur et adapté à la situation actuelle de notre industrie.
Le budget 2004 regroupe clairement l'ensemble des crédits contribuant au financement des programmes de recherche industrielle et si l'on ajoute à ces crédits, les autres sources de financement public, le soutien public sous formes d'aides financières s'élève en 2004 à 500 millions d'euros ce qui est, pour la première fois depuis longtemps, à la hauteur de l'enjeu que représente l'innovation industrielle.
Votre budget met en œuvre 4 leviers principaux:
• la rénovation du crédit impôt recherche
• la mise en place de nouvelles mesures en faveur des business angels , la société unipersonnelle d'investissements à risque pour un montant d'exonérations fiscales d'environ 100 millions d'euros
• la création d'un dispositif d'aide au projet des jeunes entreprises innovantes soit un soutien fiscal d'environ 25 millions d'euros par an
• Le renforcement du rôle de l'ANVAR qui sera le véritable animateur du réseau "Innovation" au niveau régional
Ceci forme un ensemble à la fois cohérent, financé et novateur. Nous tenions à apporter notre soutien sans réserve à ce volet de votre budget. Nous sommes convaincus qu'il cible juste.
2 – Une analyse de la situation très dégradée de la Poste et donc des initiatives très fortes à prendre pour la redresser
Vous le savez, Madame la Ministre, La Poste est actuellement en grand danger, en raison notamment :
• de la diminution de son activité de base, le courrier
• du recul permanent de sa part de marché en matière de services financiers ( de 15 % à 9 % en 20 ans)
• et du retard pris dans sa modernisation.
Comme l'affirme le président de la commission des affaires économiques du Sénat, Gérard Larcher, très bon connaisseur des problèmes postaux, nous sommes probablement arrivés au temps de la dernière chance, avant que la poste française ne devienne une sous-traitante de la poste allemande ou néerlandaise, si nos actions ne sont pas à la hauteur de la dégradation de la situation !
Madame la ministre, sur ce dossier, tout particulièrement, les 300 000 salariés de la Poste, les élus, les citoyens contribuables ont besoin de vérité.
Ils savent que la direction de la Poste devra jouer sur 4 leviers pour redresser la situation extrêmement délicate de l'entreprise :
• Une politique sociale redéfinie
• Le réajustement des tarifs de l'activité courrier,
• Une modernisation du réseau commercial
• La renégociation de certains engagements liant l'Etat à la Poste
Vous venez de boucler la négociation sur le contrat de Plan avec la Poste et c'est à mettre à l'acquis de ce gouvernement, ce dossier ayant été enterré par le précédent gouvernement pour cause d'élections présidentielles proches, mais il est étrangement discret en ce qui concerne la politique sociale à conduire dans les 5 ans à venir.
Nous vous suggérons, nous vous demandons de dire toute la vérité y compris dans ce domaine très sensible.
Oui, La Poste qui a embauché à contre temps 20 000 postiers a particulièrement souffert , en tant qu'entreprise de main d'œuvre de la réforme des 35 heures, parfois bouc émissaire facile, mais dans le cas présent, vraie responsable de l'accroissement d'environ 7 % de la masse salariale de l'entreprise.
Oui, il y aura des départs à la retraite non remplacés et des contrats non renouvelés. Le personnel de La Poste et leurs syndicats, qui connaissent les difficultés de l'entreprise, le comprendront à condition qu'il leur soit présenté un plan lisible qui évacue solennellement la menace de licenciements secs au profit d’une stratégie négociée de réductions d'effectifs par départs à la retraite et par non renouvellement des contrats. Nous insistons également sur la nécessité sociale d’offrir aux postiers des perspectives de carrières diversifiées au sein des trois métiers du groupe pour revitaliser l’entreprise.
La vérité doit être aussi celle des coûts et il faudra bien autoriser la poste à réaligner ses tarifs postaux sur la moyenne européenne notamment en ce qui concerne les tarifs express et internationaux du courrier.
La vérité nous la devons aussi aux élus en ce qui concerne la modernisation du réseau postal si l'on veut qu'ils sortent du double langage, vertueux à Paris et parfois démagogique sur le terrain.
Aux élus, il faut apporter de toute urgence une vision d'avenir et des propositions alternatives crédibles pour faire disparaître l’impression désastreuse d’une « marche en arrière silencieuse » sur l’ensemble des services publics notamment en milieu rural : oui à un réseau postal redéfini, mais en même temps développement du haut débit et de la téléphonie mobile sur tout le territoire, banalisation et encadrement des maisons de service public qui réunissent en un même lieu, pluriactivité et mobilité des fonctionnaires.
Enfin, en ce qui concerne les services financiers, le feu vert donné par l'Etat à la distribution de crédits immobiliers va dans la bonne direction, mais il est franchement insuffisant. En effet, comme le note le rapporteur de la Cour des Comptes : « cette décision a plus une vertu défensive qu’offensive. Ce n’est pas ce service qui va faire gagner beaucoup d’argent à La Poste ». C’est pourquoi l’extension des produits de La Poste aux prêts à la consommation doit être programmée le plus rapidement possible.. L’activité bancaire de La Poste, ainsi élargie, montera en puissance et se diversifiera car ce secteur correspond à la vocation intrinsèque d’un service financier de proximité auquel les Français sont très attachés et lui permettra de rajeunir sa clientèle.
Sur cette route difficile alliant réforme et discours de vérité, vous pourrez compter sur l'aide du groupe UDF.
3 – Un bilan positif de l'action de réformes du gouvernement dans le secteur des télécoms qu'il convient cependant d'amplifier
En matière de Télécommunications, comme pour la Poste d'ailleurs, l'essentiel de l'action gouvernementale se situe en dehors du champ budgétaire. L'essentiel pour l'année écoulée a été l'action exemplaire du gouvernement pour sauver France Télécom ainsi que votre action législative et réglementaire.
Aujourd’hui France Télécom va mieux et nous le devons à votre action aux côtés de celle de Francis Mer, soutenue par le parlement dans le cadre d'un vrai consensus politique.
Le plan de sauvetage mis en œuvre par Thierry Breton et l'ensemble des femmes et des hommes qui font vivre tous les jours France Télécom commence à porter ses fruits et l’Etat a rempli ses engagements avec la dotation de 9 milliards d’euros à l’ERAP.
Avec le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom débattu début Décembre par notre assemblée en première lecture, vous poursuivez la modernisation de l’entreprise dans des conditions que pour l'essentiel l'UDF approuve.
L'Etat ayant fait ce qu'il avait à faire pour sauver France Télécom lors de la crise de 2002, il lui faut poursuivre ce travail de modernisation sans avoir peur de débloquer tous les verrous de l’ancien monopole. Ainsi, pour l'UDF, la possibilité de revente des abonnements en téléphonie fixe est une bonne chose, de même que la mise en place d'un véritable dégroupage ADSL. Ces derniers obstacles à une véritable concurrence sur les services de télécommunications doivent être levés pour que le marché s’en trouve durablement dynamisé.
Pour l'ensemble du secteur des télécommunications, le cadre avait posé par le Premier ministre lui-même avec le plan RESO 2007, le 12 Novembre 2002.
Celui-ci prévoyait trois projets de loi :
Le premier projet de loi , celui de la confiance dans l'économie numérique, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, viendra bientôt en deuxième lecture dans notre Assemblée. Ce texte a été profondément enrichi par l’examen parlementaire et je tiens à saluer votre ouverture d’esprit lors de nos débats. Nous pourrons enfin aller achever et stabiliser le cadre de financement du service universel, et déterminer l'éventuelle possibilité pour les collectivités locales de devenir opérateurs de services.
Un deuxième dispositif législatif visant à la transposition des directives " communication électronique " (le fameux " paquet télécom ") est aujourd’hui sur le bureau de l’Assemblée nationale et il permet de répondre à des questions sur l'organisation de la concurrence dans le secteur des Télécom que la Commission européenne nous demande de trancher au plus vite. Or vous n’avez pu nous indiquer en commission sous quelle forme le Parlement pourrait en discuter : voie d'amendements au projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, voie d'ordonnance, ou voie parlementaire « classique ». Comme l’a souligné Mme Vautrin, rapporteure pour avis sur le budget des postes et télécommunications, il y a une urgence réelle à adapter et à définir le cadre de la régulation pour tenir compte du phénomène de convergence entre les technologies de communication et celles de l’audiovisuel. Merci de nous préciser vos intentions dans ce domaine.
Enfin, un troisième texte, plus axé sur la question de la diffusion et de l'appropriation des nouvelles technologies, devait être présenté par Madame Haigneré au premier trimestre 2003, selon les dires du premier Ministre dans le plan RESO 2007. Or selon, vos propres informations, le travail gouvernemental sur ce texte n'a pas encore commencé, sans doute victime de la rigueur budgétaire actuelle.
Or, ce texte n’est pas le moindre puisqu’il devait être le vrai support d'une politique publique nationale s’attaquant à la fois à la fracture et au retard numérique de notre pays. En effet notre pays accuse aujourd’hui encore un retard trop important dans l’équipement et la diffusion des NTIC. A titre d'exemple, seuls 21 % des foyers français sont connectés, contre 36 % en Grande-Bretagne et 54 % au Danemark. Ceux qui se connectent à domicile restent jeunes et diplômés. Seuls 7 % des internautes sont des ouvriers, alors qu'ils représentent 17 % de la population. Il convient donc d'encourager financièrement et fiscalement l'achat d'ordinateurs et la connexion à Internet, notamment pour les familles françaises les plus modestes. Ces mesures sont urgentes pour que le projet de société que doit porter la France soit adapté à la révolution culturelle et industrielle que nous venons de vivre en l’espace de 10 ans.
Madame la Ministre, le gouvernement a beaucoup travaillé dans le secteur télécommunication dans ses 18 premiers mois d'activité. Il lui faut veiller à garder le souffle initial…..et à faire toute la feuille de route Réso 2007.
4 – L'apparition d'une vraie divergence entre les positions de l'UDF et celle du gouvernement en ce qui concerne la politique énergétique de la France.
Le gouvernement s'est engagé à présenter au Parlement, après l'organisation d'un grand débat national, une loi d'orientation sur la politique énergétique de la nation avant la fin de l'année 2004. Il faut l'en féliciter. L'enjeu est de préparer notre avenir énergétique pour un développement durable de notre pays tout en assurant notre indépendance énergétique. Ce n'est pas une loi de programmation sectorielle banale, compte tenu de la dépendance de l'ensemble de nos activités par rapport à nos approvisionnements énergétiques. C’est en fait un vrai choix stratégique national.
Or le débat vient brusquement de se focaliser sur la question de l'opportunité d'un lancement urgent d'un réacteur nucléaire de type EPR. Pour l'UDF, ce débat est clairement prématuré.
Entendons-nous bien. La France est un des leaders mondiaux de l'industrie électro-nucléaire. L’enjeu industriel est de taille pour Areva, pour EDF et pour tout secteur de notre industrie. Cet enjeu est réel, et il est bien sûr du devoir de la Ministre de l’industrie d’y être attentif.
Mais ce n’est pas la priorité. La priorité absolue, c’est le débat énergétique, c'est notre démarche collective pour prendre de bonnes décisions de long terme pour l'intérêt national.
Pour cela, il nous faut d'abord débattre de nos besoins futurs en énergie, sans démagogie, sans rêver à un peuple de France différent de ce qu'il est, mais avec une volonté farouche de limiter l'effet de serre, de faire la guerre aux gaspillages, de modifier lentement mais sûrement nos comportements pour aboutir à ces résultats.
Il y a urgence à étudier avec transparence les réels besoins de nos concitoyens, les différences entre ces besoins et les habitudes de consommation énergétiques..
Alors de l'audace, encore de l'audace, en matière d'économies d'énergie!
Après et après seulement, viendra le temps de décider de la composition du futur bouquet énergétique, pour répondre à nos besoins futurs….
Nous devons avoir comme toute première priorité de réduire sur le long terme notre consommation de produits pétroliers, et ceci pour deux raisons : pour notre indépendance nationale par rapport à des pays producteurs dont le comportement est instable voir dangereux, et pour limiter l’émission des gaz à effet de serre.
Nous devons avoir comme seconde priorité de développer vigoureusement les énergies renouvelables.Il nous faudra être ambitieux pour l'avenir dans ce domaine. A nous de dégager dès maintenant des crédits significatifs de Recherche et Développement pour demain être en mesure de diversifier notre offre énergétique…
Le parlement devra, ensuite, se saisir en profondeur de l'arbitrage à rendre entre le gaz et le nucléaire, qui resteront à court et moyen terme les deux alternatives significatives au pétrole, chacune avec des avantages et inconvénients qu'il ne faut pas caricaturer.
Pour le gaz, sa simplicité de production et distribution, des déchets réels, mais sans commune mesure avec les problèmes posés par le pétrole et le nucléaire.
Pour le nucléaire, l'indépendance énergétique, son coût raisonnable, son absence de production de gaz à effet de serre.
Cet arbitrage, complexe, mérite un vrai débat démocratique en profondeur.
Enfin, lorsque la place du nucléaire aura été raisonnablement quantifiée en fonction d’objectifs politiques clairement identifiés, nous pourrons aborder en toute sérénité les arbitrages internes à la filière du nucléaire, et notamment celui de l'opportunité de construire un EPR.
Cette décision est, au regard de la politique énergétique, une décision importante, celle de la transition entre deux générations de réacteurs nucléaires, mais il faut impérativement la prendre à la fin de la démarche nationale.
Veillons à respecter le calendrier démocratique de ce débat. Toute attitude contraire réveillera les vieilles postures pro et anti-nucléaires, toutes deux aussi archaïques et figées. La France a besoin de tout sauf de cela. Elle a besoin d'un cap et elle a besoin d'un élan. Cela mérite bien notre patience.
Au regard de l’ensemble de ces chantiers, on voit bien que le ministère de l’Industrie est amené à jouer un rôle clé qu’il n’a sans doute pas connu depuis des décennies : d’une part il doit être capable d’orienter les politiques publiques pour accompagner les entreprises publiques dans l’ouverture à la concurrence tout en maintenant la très forte demande en services publics de nos concitoyens (à ce titre, la réussite de la réforme statutaire d’EDF et de GDF sera décisive). D’autre part il doit anticiper les mutations industrielles et soutenir les nouvelles technologies.
En 18 mois, le gouvernement et votre ministère ont fait avancer de manière significative plusieurs chantiers déterminants pour notre industrie. Ces progrès, toujours difficiles à obtenir, méritent le soutien de l'UDF. Mais, l'UDF saisit aussi l'occasion de cette discussion pour vous alerter très fortement sur les conséquences qu'auraient un vrai-faux débat et une vraie-fausse loi sur la politique énergétique, si une décision prématurée était prise sur l'EPR.
Madame la ministre, C'est donc sur le registre du "oui, mais" que l'UDF votera votre budget.
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13/11/03 Discours Budget pour 2004 Industrie, postes et télécoms
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