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05/10/05 Intervention de Jean DIONIS du SEJOUR lors de la Discussion générale du Projet de Loi d'orientation agricole.

Publication : 05/10/2005  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Ministre,

Cette loi d'orientation agricole aurait pu s'appeler "Désirée". En effet, nos agriculteurs attendent de la nation une réponse claire à une question qu'ils nous posent sur le terrain inlassablement :
avez-vous encore besoin de nous et que voulez-vous faire de nous ?
A tous, nous répondions inlassablement que la réponse viendrait en temps voulu lors du débat sur la loi d'orientation agricole. Et nous mêmes parlementaires avions accepté de patienter et de plonger dans cette loi un peu impressionniste et pointilliste qu'était la loi pour le développement des territoires ruraux en attendant ce rendez-vous capital.

Ayant participé activement à la loi d'orientation en matière d'énergie, je m'attendais à un article 1 qui aurait fixé fortement les objectifs de la Nation en matière agricole comme cela avait été le cas en matière d'énergie.
Or, cet article 1 n'existe pas et c'est une lacune grave de ce projet. A cette question des objectifs que je vous posais en commission, vous avez répondu qu'ils étaient contenus dans l'exposé des motifs du projet de loi.
J'ai donc relu l'exposé des motifs. C'est un texte qui effectivement comporte des axes forts : promouvoir une démarche d'entreprise et améliorer la condition de vie des agriculteurs, consolider le revenu agricole et favoriser l'emploi, etc. Mais en aucun cas il ne peut servir de cadre stratégique à notre agriculture.
Je n'ai rien trouvé sur l'évolution tendancielle ou souhaitée de la démographie agricole en France.
Je n'ai rien trouvé en matière d'indépendance alimentaire dans le domaine stratégique pour la France et pour l'Union Européenne.
Je n'ai rien trouvé non plus sur les objectifs que s'est fixés notre pays en matière de qualité gustative et sanitaire de nos productions dans le contexte d'un marché de plus en plus mondialisé.
Bref, j'ai trouvé dommage que le Premier Ministre s'adresse aux agriculteurs français en prononçant un discours fort le mardi 13 septembre 2005 à Rennes à l'occasion du Salon des productions animales et que le Gouvernement ne saisisse pas l'occasion de ce projet de loi pour parler d'un sujet aussi important pour la Nation que l'orientation à terme de notre agriculture.
Cette impression était encore renforcée par la part faite aux ordonnances dans le projet de loi initial qui laissait au Gouvernement la responsabilité de légiférer dans des domaines aussi politiques que le fermage ou l'organisation des comités économiques agricoles ou encore celle du système qualité de l'agriculture française. Je salue ici l'action vigoureuse du Président de la Commission des Affaires Economiques M. Patrick OLLIER et de notre rapporteur M. Antoine HERTH qui a permis de regagner un peu du terrain perdu par le Parlement sur ces sujets qui lui appartiennent au regard de notre Constitution.
Qu'il me soit permis de souligner à quel point il est maladroit d'habiliter le Gouvernement de légiférer par ordonnance pour reformer le statut du fermage. Ce statut est tout sauf une génération spontanée. C'est le résultat d'une longue évolution souvent conflictuelle organisant les droits et les devoirs respectifs des propriétaires et leurs fermiers. Alors de deux choses l'une :
- ou bien comme vous l'affirmez Monsieur le Ministre : il s'agît d'un simple toilettage de ce droit et à ce moment là rien ne presse. Attendez Monsieur le Ministre prudemment d'avoir un vecteur législatif pour traiter avec le Parlement ce problème.
- ou bien il s'agit d'ouvrir sur le fond le dossier d'une véritable réforme du fermage et à ce moment là la légitimité pour cela est au Parlement et pas au Gouvernement.
Qu'il me soit ensuite permis d'aborder le problème des biocarburants. Je tiens à saluer l'ambition nouvelle affichée en ce domaine par le Gouvernement qui grâce à la volonté conjointe du Gouvernement et de la Commission des Affaires Economiques trouvera sa place à l'article 11 de notre loi avec notamment, un objectif d'incorporation à 5,75 % du volume total des carburants à atteindre dès 2008, et non pas en 2010, et un appel d'offre d'un million 800 mille tonnes lancé dès la fin 2005.
Je présenterai dans ce domaine deux amendements auxquels des agriculteurs en nombre toujours plus grand sont particulièrement attachés.
Il s'agit d'abord d'un amendement visant à garantir un avantage fiscal incitatif à la filière biocarburants et ceci, comme l'affirmait M. de Villepin à Rennes le 13 septembre, pour sécuriser cette filière et pérenniser les contrats d'approvisionnement signés entre les agriculteurs et les usines.
Le deuxième amendement concernera les huiles végétales pures. Certes, l'article 12 reconnaît enfin l'existence légale de cette troisième filière qui permet à partir des graines de tournesol et de colza et d'une pression à froid d'obtenir une huile directement incorporable au gasoil de nos moteurs. Enfin, et ceci après plus de 3 ans de combats législatifs texte agricole après texte agricole, loi de finance après loi de finances !!!
Mais Monsieur le Ministre vous cantonnez les huiles végétales pures dans le ghetto de l'autoconsommation agricole. C'est un combat d'arrière-garde. Déjà la Directive 2003/30 de l'Union Européenne, que la France devra bien un jour transposer, dit clairement - dans son article 2 alinéa 2 - je cite : "la liste des produits considérés comme biocarburants comprend minimum les produits énumérés ci-après, deux points, et en petit "j" :
l'huile végétale pure : huile produite à partir de plantes oléagineuses par pression, extraction ou procédés comparables, brute ou raffinée, mais sans modification chimiques, dans les cas où son utilisation est compatible avec le type de moteur concerné et les exigences correspondantes en matière d'émission".
L'article 12 tel qu'introduit par la Commission des Affaires Economiques introduit une discrimination dans les biocarburants en cantonnant les huiles végétales pures à l'autoconsommation agricole. Ce sera une source permanente de contentieux devant les juridictions européennes et nationales dont la France ne s'en sortira qu'en s'alignant sur l'Europe et en considérant les huiles végétales pures comme carburant à part entière. Je vous demande Monsieur le Ministre instamment d'accepter nos amendements et de ne pas envoyer notre pays dans une impasse juridique et un contresens écologique et économique. Car vouloir cantonner les huiles végétales pures à l'autoconsommation agricole est aussi une faute à la fois au niveau écologique qu'en matière de valorisation de nos productions agricoles. En effet, le bilan des huiles végétales pures aussi bien en ce qui concerne l'effet de serre que le rapport énergie restituée sur l'énergie mobilisée est bien meilleur que celui de filières diester et éthanol. Il est clair enfin que cette filière aux procédés de fabrication très simples contrairement aux unités agrochimiques complexes de deux autres filières ouvre des perspectives à nos agriculteurs et à leurs outils coopératifs. Alors Monsieur le Ministre nous vous attendons à ce rendez-vous. Ne mettez pas la France en retard dans ce domaine en cédant trop facilement à l'amicale pression du Ministère des Finances.
Qu'il soit ensuite permis au député du Lot-et-Garonne, département au riche patrimoine agricole mais aussi exposé à des aléas climatiques fréquents et ravageurs, de saluer le démarrage du dispositif d'assurance récolte. 55000 de nos exploitations se sont assurées par ce biais en 2005 ce qui est un début plus qu'honorable. Il nous faut donc en faire l'outil majeur de la protection de nos agriculteurs contre les aléas. Je regrette à ce titre le caractère lapidaire de notre article 19. Nos débats doivent permettre de tracer des véritables perspectives afin de favoriser le développement de cette protection indispensable à une agriculture moderne.
Je voudrais pour terminer saluer la direction de votre projet de loi en matière d'organisation de l'offre évoquée dans l'article 14 ainsi que dans la nouvelle version de l'article 15. Il n'y pas d'avenir pour nos agriculteurs avec un revenu décent s'ils ne s'investissent pas massivement dans la commercialisation et la transformation de leurs produits. La filière du pruneau d'Agen, bel exemple de réussite moderne, est là pour nous encourager et nous montrer la voie.
Dans la filière fruits et légumes 364 offreurs contre 5 centrales d'achat. Le résultat est connu : les fruits et légumes ont été depuis quelques années un secteur sacrifié par la grande distribution qui y pratiquait des marges excessives fait de prix forts pour nos consommateurs et faibles pour nos paysans. Daniel Soulage au Sénat, et moi-même dans cette Assemblée, avec beaucoup d'autres, et avec votre appui Monsieur le Ministre et celui d'Hervé Gaymard, avons commencé à faire bouger notre législation à l'occasion de la loi de développement des territoires ruraux : gestion de crise, coefficient multiplicateur, etc. Ces outils ont joué leur rôle de dissuasion pendant la campagne de 2005 qui, comme par hasard s'est mieux passée que celle de 2004. Ce projet de loi par ses articles 14 et 15 incite les producteurs à continuer à s'organiser au sein de leurs organisations de production et de leurs comités économiques. Nous vous apportons tout notre soutien et nous ne souhaitons pas qu'au cours du débat, pour prendre en compte des spécificités d'autres filières, ces dispositions soient dénaturées et affaiblies.

Monsieur le Ministre, faisant mon travail de parlementaire en rencontrant les interlocuteurs agricoles de mon département avant le débat j'ai compris qu'ils n'appelaient plus votre loi "Désirée" et qu'il y avait chez eux une certaine déception devant le texte prudent, trop prudent, du Gouvernement. Il reste que c'est un texte important, pour l'essentiel bien orienté.
Avec une bonne dose d'audace que pourraient lui apporter nos débats parlementaires, il pourrait même devenir une bonne loi.
C'est tout le mal que je lui souhaite au début de nos discussions.

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