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04/07/05 - Discours de Jean Dionis, porte-parole du Groupe UDF sur le débat sur la loi en faveur des PME à l'Assemblée Nationale.

Publication : 04/07/2005  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,


Saluons d’abord les efforts consentis ces dernières années par le gouvernement en direction des entreprises.
Saluons ensuite le retour d’un ministre dans des fonctions qu’il a occupées avec bonheur.
Saluons enfin le travail parlementaire de la Commission des Affaires Economiques, Monsieur le Président Ollier, de la mission d’information parlementaire. J’atteste du sérieux et de la profondeur de son travail. Je salue également spécialement mes collègues Luc-Marie Chatel, Jean-Paul Charié et Michel Raison.

La loi Dutreil est en effet un succès : 220000 entreprises ont été créées depuis deux ans avec une augmentation notable de 11,9% en 2003 et 12,7% en 2004. Même si Hervé Novelli a fort justement éclairé le chemin qui reste à faire en matière de financement des PME. :
- démarrage laborieux des F.I.P. (Fonds d’investissement de proximité).
- fiscalité restant prédatrice pour les PME. Et puisqu’il a évoqué 2007, l’UDF compte bien remettre le débat sur les charges et sur la refondation du financement de notre sécurité sociale - c’est la fameuse TVA sociale, chère à Jean Arthuis – au centre du débat national.
- réécriture du droit du travail pour les PME.
Mais les entrepreneurs ont répondu présent et c’est tant mieux. Les perspectives démographiques laissent en effet présager, dans les années à venir, des départs massifs à la retraite de chefs d’entreprises. Selon le Conseil Economique et Social, ils seront près de 500000 d’ici 2010 à quitter leurs fonctions et en l’absence de mesures destinées à compenser ces départs, ce sera tout le dynamisme de notre économie et la croissance de notre emploi qui seront atteints.

Mais aider la création ne suffit pas. Il faut également concevoir les conditions de la pérennisation des entreprises. L’assureur crédit Euler Hermes Sfac, dans son dernier rapport, enregistre en effet une très forte augmentation des faillites, de l’ordre de 11,7%, en 2003. Une entreprise sur deux ferme au bout de cinq ans et dans 90% des cas, il s’agit d’entreprises de moins de 5 salariés.
C’est donc bien l’ambition de cette loi d’agir non seulement sur la création mais aussi sur le développement, la vie et la transmission des entreprises afin de les renforcer et de consolider le tissu des PME.
Les dispositions des titres I, II et IV relatives à ces différentes étapes vont pour nous, dans le bon sens, comme celles concernant le conjoint de l’entrepreneur.
Enfin le titre VII organise une modernisation du financement et du fonctionnement des Chambres de Commerce et d’Industrie. Les mesures proposées, fruit d’une vraie concertation avec l’ACFCI, sont, à notre avis, pertinentes et utiles.

« Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes des PME » ?

Et bien l’UDF n’est pas dans l’état d’esprit de Candide et c’est le titre VI qui nous rend offensif ce soir.

Commençons d’abord par regretter vivement que le problème des relations commerciales n’ait pas été traité dans son ensemble, c’est-à-dire relations distributeurs – producteurs en même temps que les règles d’urbanisme commercial. Celui-ci est en effet clairement identifié, par le rapport Canivet notamment, comme l’une des principales causes du processus de concentration qu’a connu la grande distribution. Et c’est cette concentration qui constitue aujourd’hui le cœur du problème des relations commerciales et de la hausse des prix.
L’analyse de la concurrence ne doit pas se faire que d’un point de vue sectoriel, comme elle se pratique au niveau national et européen. Elle doit absolument être menée géographiquement, par bassin de vie. Les grands distributeurs français ont une implantation géographique très spécifique les uns par rapport aux autres, créant de véritables situations de monopole dans nos régions. Ces situations sont une des causes de l’inflation à la française.
Ceci dit, vous avez choisi de traiter le problème d’urbanisme commercial par la proposition de loi Fouché déjà examinée au Sénat. Vous nous l’annoncez pour l’automne 2005 à l’Assemblée Nationale. Nous comptons sur vous pour tenir ces délais.
Et ce, d’autant plus que l’ambition du Gouvernement en rédigeant ce projet de loi était bien, à côté d’un soutien aux PME, de lutter contre la vie chère. Il est clair, en effet, que dans un pays où les marges de manœuvre budgétaires sont très réduites et où les hausses salariales sont très modérées, seule la baisse des prix à la consommation peut relancer la croissance de notre pays.

Venons-en maintenant au titre VI.
Le diagnostic nous est commun à tous : à côté d’effets positifs (suppression des prix prédateurs et équilibre distributeurs – producteurs), la loi Galland a permis des dérives aux effets ravageurs :
- d’abord l’inflation à la française : la fixation des prix s’est progressivement transformée en une opération d’entente entre les grands industriels et les grands distributeurs et tout ça au détriment des consommateurs. La coopération commerciale a ainsi été progressivement réduite à la négociation des marges arrières et est devenue un système complètement malsain où le prix du produit n’a plus grande place dans la négociation et où, en outre, les services facturés dans ce cadre sont la plupart du temps fictifs et n’ont aucune réelle contrepartie de la part du distributeur. Le rapport Canivet a bien mis en évidence l’effet pervers d’un tel fonctionnement : la dérive inflationniste des prix dans la grande distribution.
Et c’est un fait : les prix à la consommation ont évolué plus vite en France qu’en Europe : c’est le cas pour les produits alimentaires et les boissons non alcoolisées dont l’indice a augmenté plus vite en France que l’indice d’ensemble de l’Europe.
Forts de leur pouvoir d’entreprises oligopolistiques, les distributeurs ont ainsi progressivement augmenté leurs marges arrières jusqu’à atteindre aujourd’hui, en moyenne, 33% du prix. Ecoutez la dérive : 1998 : 22%, 2000 : 27%, 2002 : 30%, 2003 : 32%. Jusqu’où irons-nous ?

- ensuite, osons le dire, ces marges arrières, c’est un des nids de la corruption à la française. Or cette double pratique de la coopération commerciale et des marges arrières est particularité franco-française qui n’existe nulle part ailleurs.
Elle a un perdant clair : le consommateur français, sommé de payer avec son pouvoir d’achat le développement à l’international des grands groupes français.
Elle a ses gagnants : les distributeurs, les grands industriels et peut-être les petits commerçants.

- elle terrorise enfin de très nombreux acteurs de l’économie : PME, artisans, agriculteurs. Quand je lis aujourd’hui certains appels au statu quo de la FNSEA, de la CGPME ou de l’UPA et que je garde en mémoire les témoignages bouleversants de patrons de PME, d’artisans ou de paysans devant notre commission venant nous dire comment ils avaient été broyés par ce système, j’ai envie, soit, pour les faire rire, de leur répéter les meilleurs moments de « La Vérité si je mens » ou, plus sérieusement, de leur dire que le moment est venu d’oser un système nouveau.

Alors que nous propose le gouvernement ?
- un certain nombre de choses utiles que nous soutiendrons : inversion de la charge de la preuve…
- mais pour l’essentiel, une solution qui, dans les faits, n’en est pas vraiment une : fixer un taux maximum de marges arrières de 20%. Mais, tous autant que nous sommes, nous avons bien compris qu’une telle mesure aura pour effet non seulement de donner un fondement législatif à une pratique considérée comme malsaine mais d’entraîner également un alignement de tous les distributeurs sur ce taux, quelles qu’aient été leurs pratiques antérieures. C’est un compromis mi-chèvre, mi-chou qui ne satisfait pas grand-monde :
- ni la Commission des Affaires Economiques qui a adopté un amendement visant à réduire progressivement ce taux sur les années à venir pour le ramener à 10% en 2008 ;
- ni les distributeurs, conscients que le défi du hard discount les oblige à revenir à leur modèle économique initial : celui des prix bon-marché
- ni les consommateurs, plumés ces dernières années et qui espèrent enfin une vraie réforme.

Alors l’UDF proposera une série d’amendements de suppression pure et simple des marges arrières et de la coopération commerciale, de façon immédiate.

D’abord parce qu’en réunion de la Mission nous n’avons trouvé aucune raison de fond qui justifie les marges arrières : que ce soit les catalogues, la formation du personnel, la place dans les gondoles, tous ces éléments de négociation doivent et peuvent trouver leur place dans la négociation du prix d’achat. C’est pour cela que nous sommes intimement convaincu que la solution la plus efficace pour lutter contre la hausse des prix et la corruption dans la grande distribution réside dans la suppression pure et simple de la coopération commerciale. Nous proposerons donc un amendement de suppression de la coopération commerciale.
En cela nous suivons la Cour de Cassation qui, en 1990, avait affirmé qu’il s’agissait d’« obligations particulières exorbitantes des relations contractuelles habituelles ». Nous suivons également l’exemple américain qui, dans ses lois fédérales anti-trust, interdit les « reciprocal dealings », accords de vente réciproque lorsqu’ils résultent d’un abus de puissance de l’une des deux parties. Et éventuellement, nous suivons Jean-Paul Charié qui a déposé un amendement de la même teneur.

Restent les marges arrières. En toutes rigueur, elles sont composées de :
- ristournes conditionnelles
- services spécifiques prévues aux Conditions Générales de Vente
- la coopération commerciale
Nous avons dit nos convictions sur la coopération commerciale. Ce sont les mêmes pour les ristournes conditionnelles et les services spéciaux. Cette pratique est la racine d’un double mal : - l’inflation franco-française
- des pratiques de corruption condamnables
Nous devons donc la supprimer. Si j’osais dire : « Delenda sunt ! ». Le plus tôt sera le mieux.

Certains nous prédisent la guerre, voire l’apocalypse des prix. Nous n’y croyons pas une seconde. L’analyse des résultats nets des distributeurs montre une marge de manœuvre limitée par rapport à des actionnaires qui tiendront à ce que ces résultats restent positifs.
L’idée, chère au rapporteur Chatel, d’une suppression progressive de ces marges arrières peut retenir notre attention à condition qu’elle aille à son terme à savoir la suppression.
L’idée, toujours chère à Luc-Marie Chatel, d’un aménagement spécifique pour les commerçants de détail indépendant peut aussi retenir notre attention à condition qu’elle ne soit pas alibi à l’immobilisme.

En ce qui concerne le Seuil de revente à perte, nous réaffirmons son utilité sociale et nous avons donc choisi de privilégier la première des deux solutions proposées par la Mission d’information sur les relations commerciales et rappelées par Luc Chatel en Commission : il s’agit d’une modification du calcul du seuil de revente à perte par l’application du prix dit « triple net », c’est-à-dire net de rabais, de ristourne et de coopération commerciale, d’un coefficient de « distribution » englobant les frais incompressibles du distributeur. Ce coefficient est fixé à 1,15.
Nous proposerons un amendement dans ce sens. Il est de bon sens. Quand un distributeur va-t-il commencer à perdre de l’argent ? Quand il vendra en dessous du prix triple net augmenté de ses frais de distributeur.


CONCLUSION

Cette loi sera utile.
Cette loi sera un progrès, au moins dans sa partie PME.
Il reste au Parlement, à avoir le souffle et la liberté de ne pas manquer le rendez-vous de la modernisation et de l’assainissement des relations commerciales dans ce pays.
Le gouvernement, dont le métier est bien difficile, a besoin d’être poussé, encouragé.
Il a besoin d’audace.
Alors mes chers collègues, l’UDF vous propose d’avoir de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace.

Dans sa grande sagesse, elle attendra de voir souffler cet esprit d’audace avant de se prononcer sur l’ensemble du texte.

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