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03/02/04 - "Pourquoi je voterai pour la loi Laïcité" - Discours de Jean Dionis lors de la discussion du projet à l'AN

Publication : 04/02/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis





PROJET DE LOI RELATIF A LA LAÏCITE


DISCOURS DE JEAN DIONIS DU SEJOUR



Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,



Ce soir, Osons dire les choses !

Faut-il autoriser la présence de filles voilées dans les écoles de la République ? Voilà la question à laquelle nous avons à répondre ce soir au-delà de l'habillage équilibré du projet de loi ?

Je tiens à m'exprimer à ce sujet à titre personnel, puisque, valable pour chacun des votes, le principe du vote en conscience est à fortiori la règle ce soir dans notre groupe UDF, et j'en suis sûr sur tous les banc de l'assemblée.

Ecoutons d'abord à ce sujet Chahdortt Djavann, l'auteur Iranienne de "Bas les Voiles". Elle nous prévient en introduction : " J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort". Je sais de quoi je parle"

Ecoutons-la poursuivre : " Que des jeunes femmes adultes portent le voile, cela les regarde…..Mais Imposer le voile à une mineure , c'est au sens strict , abuser d'elle, disposer de son corps, le définir comme objet sexuel destiné aux hommes,. La loi française, qui n'interdit rien aux majeures consentantes, protège les mineures contre tout abus de ce genre. /…../ péché contre l'Esprit et péché contre la société assurément. Ne commettons pas la même erreur, la même faute à propos du voile islamique. Ce n'est pas au nom de la laïcité qu'il faut interdire le port du voile aux mineures, à l'école ou ailleurs, c'est au nom des droits de l'homme et au nom de la protection des mineures."

Comment ne pas entendre un tel plaidoyer….

Le port du voile signifie un conditionnement social des jeunes femmes mineures et leur enfermement dans un statut d’infériorité par rapport aux hommes. Rares, en effet, sont les jeunes filles qui portent le voile spontanément, en dehors de toute pression de leur famille ou du milieu dans lequel elles vivent. Certains prédicateurs utilisent d’ailleurs les prétextes de la religion et de la pudeur pour imposer aux jeunes filles le voile, qui est en fait l’instrument de leur propre aliénation. Le parcours scolaire de ces jeunes filles voilées peut en subir de graves conséquences, hypothéquant leur avenir social.

Dès lors, accepter le port du voile par des mineures à l'Ecole ferait de nous les complices d’une lecture intégriste du Coran contre laquelle de nombreuses femmes musulmanes se battent. C’est pourquoi le voile ne doit pas être accepté dans l’enceinte de l’école, dans le lieu où sont enseignés les droits et les valeurs de la République. C’est notre devoir et notre dignité, en tant que représentants du pays des droits de l’homme, de l’égalité de l’homme et de la femme.

En interdisant le port du voile à l’école, nous donnerons un signe fort de refus du communautarisme et de l’intégrisme islamiste. Nous soutiendrons l’émancipation des femmes musulmanes dans notre pays, mais aussi nous favoriserons la lutte des femmes musulmanes en faveur de la laïcité dans les pays islamiques. Nous étions opposés à la pratique de l’excision et de la polygamie ; nous les avons interdites. De même nous faut-il interdire le port du voile par des mineures à l'Ecole, au nom d’un principe d’émancipation et de liberté.

Et s'il est un lieu où notre république laïque ne peut pas tolérer une pratique aussi frontalement contraire à ses principes, c'est bien l'école.

La laïcité est un des fondements de notre pacte républicain, un principe fondateur de notre République, consacrée par la Constitution, un des piliers de notre patrimoine national, au-delà des clivages politiques et religieux. La laïcité n’est pas, pour nous, un instrument idéologique de combat, elle est une philosophie de tolérance, de neutralité, de respect. Non seulement la laïcité n’est pas le contraire de la religion, elle est ce qui rend possible la coexistence des religions, car elle affirme que ce qui est en droit commun à tous les hommes est plus important que ce qui les sépare en fait — c’est, à peu près, l’idée qu’exprime Régis Debray.

Or les brèches dans les valeurs de la laïcité à l’école interviennent aussi sous des formes beaucoup moins spectaculaires que le port des foulards islamiques : on assiste à un effritement de la laïcité. Par exemple, une grande tolérance s’est installée concernant les pratiques liées aux fêtes religieuses juives et au ramadan. L’absentéisme des élèves le jour des fêtes religieuses, le refus d’aller à la piscine, la demande de locaux de cantine séparés pour les musulmans, ou, plus grave, le refus des élèves de passer devant un examinateur du sexe opposé, sont des faits qui se multiplient subrepticement, et qu’un Etat laïc ne peut tolérer.

Or, en toile de fond, il y a le fondamentalisme religieux. Et, à mon avis, il est temps d'y mettre un coup d'arrêt. La plupart des spécialistes de l’islam sont d’accord sur ce point : le voile, en Arabie saoudite, en Iran ou dans les pays d’Europe, n’est pas le signe d’une appartenance religieuse musulmane, il est une référence exclusive aux courants fondamentalistes. On a constaté d’ailleurs que l’extension du port du voile est parallèle aux crises internationales qui touchent l’islam. Ainsi peut-on parler d’un « voile idéologique » : le voile est devenu un signe idéologique et de propagande politique ; il est la conséquence du travail de prosélytisme que mènent les islamistes dans les quartiers, dans un contexte social très défavorisé. Madame Hanina Chérifi, la médiatrice de l’Education nationale pour les problèmes liés au port du voile, l’affirmait elle-même devant la mission d’information parlementaire sur les signes religieux.

C’est pourquoi la laïcité doit être traduite dans les faits de manière permanente et vigilante, par une loi conciliant à la fois la liberté individuelle et la liberté d’expression. Une conviction m’anime : c’est à l’école, lieu de formation des futurs citoyens, qu’il faut en priorité assurer l’équilibre consacré par la Constitution entre le caractère laïque de la République et la liberté de conscience.

Le principe de laïcité constitue à mon sens un projet, à la fois politique et social, d’intégration des Français dans une communauté nationale une et indivisible, à l’inverse d’une conception de la société où se développeraient, côte à côte, des communautés distinctes. Assurer le respect du « pacte laïque », c’est éviter les revendications de la différence, tout en permettant la reconnaissance de la diversité, ce qui doit conduire à enrichir la communauté nationale dans l’accomplissement d’un projet commun.

Il faut donc à mon avis une loi pour répondre au bon niveau juridique et symbolique au vide créé par la dévalorisation de la circulaire écrite par F.Bayrou, que je salue comme le premier législateur français en la matière, par le Conseil d'Etat.

Mais , avant de conclure ayons l'humilité d'entendre les questions de ceux qui doutent ou contestent l'opportunité de la loi.

La loi ne serait pas applicable ? Ils ont raison s'ils entendent par là qu'elle ne remplacera pas le discernement du principal et du proviseur. Mais ce n'est pas pour rien que ceux qui sont en première ligne, les principaux de collège et les directeurs, disent à la fois qu'ils savent que la loi ne les aidera pas à apprécier chaque cas personnel, mais qu'ils en ont besoin, comme point d'appui juridique et symbolique.

La loi est mal ressentie à l'étranger? A notre diplomatie de faire les efforts de pédagogie, mais cet argument ne peut être poussé trop loin sans avoir de forts relents munichois. La France ne peut arrêter sa position sur un sujet aussi important que celui-là par rapport à d'éventuels dégâts collatéraux diplomatiques, voire pire des intimidations à peine "voilées", si je peux me permettre ici ce brin d'humour?

La loi, enfin, aurait des effets pervers, générant un réflexe de solidarité des musulmans modérés vers les musulmans intégristes. Peut-être à court terme…
Mais, sur le long terme, la loi de ce soir n'est qu'une pierre d'un chantier beaucoup plus vaste qui est celui de l'adaptation de l'islam à la république française. Ne nous trompons pas, nous commençons aujourd'hui un long chantier, un très long chantier…..Quelle en sera la durée ? 20 ans ? 50 ans ? l'histoire nous le dira, amis aujourd'hui, en votant cette loi, nous n'avons pas le droit de mentir. La loi de ce soir n'est qu'un point de départ d'un long chemin, d'un long chantier.

Oui, il y aujourd'hui tension et difficulté entre l'Islam et la république française. Le nier, c'est nier la rue Française, la réalité française.

Mais, qu'il soit permis de dire à un catholique pratiquant, ayant en mémoire la longue histoire difficile, mais aujourd'hui apaisée de l'Eglise catholique avec la république française, que je suis profondément optimiste sur le terme de cette évolution. Oui, la communauté musulmane s'adaptera à la république française.

A la république Française, de construire une laïcité moderne, dépassant le modèle anti-religieux de son apparition en face d'une Eglise catholique toute-puissante, enfin ouverte au fait religieux, élément constitutif fondamental de l'humanité. Que la voix de Malraux résonne içi aujourd'hui : "le 21 ième siècle sera religieux ou ne sera pas". Mes chers collègues, la solution n'est pas dans un repli frileux vers une laïcité nostalgique du 19 ième siècle. A nous d'avoir comme projet de société, celui de construire une laïcité ouverte, tolérante , mais aussi forte et ferme.

A la communauté musulmane de faire son aggiornamento théologique, politique. A la lumière de notre histoire catholique, je dis aux musulmans de France que je leur fais pleinement confiance pour cela.

Oui, la communauté musulmane , proche de 10 millions de personnes, vivra un jour sereine et tolérante, en France.

Encore faut-il le vouloir….Ce soir, commence une longue marche. A nous d'avoir du souffle, à nous d'avoir la force et le rayonnement pour attirer tous les Français vers notre modèle Républicain, refondé, ressourcé pour répondre aux enjeux de ce siècle à venir.

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