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02/09/06 - Discours de de François Bayrou : « Nous pouvons gagner l'élection présidentielle »

Publication : 04/09/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


Mes chers amis,

Le moment que nous vivons ici est exceptionnel. Ont été frappés les trois coups qui commencent une période historique dans notre pays.

Ce qui commence, c’est un moment impressionnant, émouvant, deux cent quarante jours, au cours desquels un peuple, notre peuple de France, va choisir son chemin, et donc son destin.

Vous le savez bien, mais c'est peut être utile de le souligner, ce n’est pas une élection ordinaire, pas même une élection présidentielle ordinaire. Cette élection-ci est une élection présidentielle moins ordinaire encore que celles que nous avons vécues, parce que c’est un changement de cycle. Ce qui s’achève à l’horizon de 2007, c’est le long cycle ouvert à la fin du siècle dernier, en 1981, long cycle politique qui a vu les amis et les héritiers de François Mitterrand, partager le pouvoir, se succéder au pouvoir, avec les amis et peut-être les héritiers de Jacques Chirac.

Et la question qui se pose, la question qui est devant nous - militants, engagés - et devant chacun des citoyens français, c’est de savoir si ce long cycle qui dure déjà depuis vingt-cinq ans, va se perpétuer ou non. Si l’on va continuer comme cela, ou non.

Cette période depuis 1981 a été une immense période historique. C'est une période fascinante, pendant laquelle le monde a changé de face, le mur de Berlin est tombé, le communisme soviétique a rendu les clés de la Russie à un tsar, autoritaire et audacieux, la Chine, comme l'avait promis Alain Peyrefitte, s’est éveillée, l’Amérique a affronté sa puissance et le démon de sa puissance, l’Europe s’est faite puis défaite, Internet a tendu sa toile et irrigué l’univers, et l’Islam intégriste a surgi sur l’horizon de nous tous, avec quatre avions détournés un matin de 11 septembre. Pendant cette période, nous avons découvert avec stupéfaction que l’air que nous respirions était aussi fragile que la terre où nous avions nos racines, et que les espèces vivantes qui sont nos compagnons d evoyage sur cette planète étaient aussi atteintes par le débordement de nos productions…

Pendant cette période, la France n’a pas réussi à endiguer la malédiction du chômage ; nous avons inventé le RMI sans avoir jamais su ce que signifiait le I, qui aurait voulu dire insertion et qui veut dire exclusion ; l’extrême droite, qui pesait moins de 1% est parvenue, sans jamais se faire entendre en plein jour, au deuxième tour de l’élection présidentielle ; et si l’extrême gauche n’en a pas fait autant, c’est parce qu’elle est restée désunie. Pendant cette période 1981-2006, un quart de siècle, la dette de la France, plus faible en 1981 que celle d’aucun autre pays développé, est montée comme une marée, sans que ni l’un, ni l’autre, des deux partis dominants ne songe à l’arrêter. Pendant cette période, de frustration en frustration, il se fait qu’à chaque élection, sans exception, comme compères en foire, des deux partis dominants, les seconds ont remplacé les premiers qui avaient remplacé les seconds le coup d’avant. Immense frustration française, devenue une fable pour tous nos voisins, tous nos collègues les pays européens, tous nos rivaux…

Les institutions de la démocratie française se sont détériorées une fois qu'a été rompu, par la cohabitation, l’équilibre un peu anachronique qui faisait dépendre par l'invention du Général de Gaulle, l’immense pouvoir du président de la République de la confiance directe, vérifiée à intervalles réguliers, du peuple souverain.

« Jugez l’arbre à ses fruits… » disait l’Ecriture. Si l'on juge à ses fruits l'expérience politique conduite depuis vingt-cinq ans, la question d'y rester ou d'en sortir devient une question centrale.

La question est de savoir si les Français vont choisir que continue, sous de nouveaux visages, ce monopole à deux, cette entente implicite, jamais avouée mais qui se résume aisément « un coup pour toi, un coup pour moi… » ou si les Français, comme le grand peuple qu’ils sont, comme un grand peuple avec une grande histoire, vont s’affranchir de cette longue série d’échecs et de frustrations pour commencer d’écrire une page nouvelle de cette histoire, pour renouveler le paysage, envoyer le grand ballon d'oxygène dont la démocratie française a besoin, et je crois les Français aussi.

Je vais vous dire ce qui me frappe : c'est pas le découragement des élites (ils ont une part de responsabilité, même si les choses leur sont imposées, ils les acceptent), ce qui me frappe c’est le regard des victimes de tout cela, des pauvres gens que tout devrait conduire à secouer cette fatalité, ce sont eux les pauvres gens qui trinquent, en première ligne, chaque fois.

Ce qui me frappe, c'est la résignation dans leur regard.

Parfois, ils veulent hurler, alors ces dernières années, pour hurler ils ont voté Le Pen, ou à l'extrême-gauche. Et ils ont découvert, un peu tard, que ce vote prétendument destiné à bouleverser les choses n’avait comme effet que de conforter les mêmes dans un pouvoir devenu, cette fois, absolu.

Ils voulaient secouer le cocotier. En fait ils ont renforcé ceux qu’ils voulaient secouer. Et pour longtemps ! Puisque désormais, à chaque élection, on va nous refaire le coup de l’épouvantail.

Alors, beaucoup de ces victimes ont cessé de croire tout court. Ils ont l’impression que le rapport de forces est trop déséquilibré. Ils ne croient même plus qu’il existe un chemin. Ils ne croient même plus que leur bulletin de vote, leur choix de citoyens, souverains dit-on, puisse changer les choses.

Dans ce système si bien rôdé, ils ne voient pas l'issue : plus ça change et plus c’est la même chose. Si ce n’est pas les uns, c’est forcément les autres, et si on veut sanctionner les seconds, on est obligé de reprendre les premiers !

Donc, je dis ça avec une trace de sourire mais c'est la réalité, j'ai fait peut-être 150 réunions publiques en forums citoyens cette année en France, la question qui se posait toujours était : « Monsieur Bayrou, c'est bien ce que vous nous racontez, mais comment vous voulez qu'on y arrive ? »

Quand le peuple ne voit plus le chemin, alors commence la désespérance collective.

La question qui se pose est forcément celle-là : « est-ce qu’on regarde ce système au fond des yeux, est-ce qu’on lui enlève sa capacité de nuire, est-ce qu’on brise le monopole à deux, est-ce qu’on trace pour la France un chemin nouveau, ou bien est-ce qu’on se résigne à consacrer la domination des mêmes pour un nouveau cycle de vingt-cinq ans ? »

Il y a beaucoup d’universités d’été en France en ce moment. Il n’y en a qu’une où l’on puisse poser la question en ces termes… et c’est ici à la Grande Motte.

Car dans la vie politique française, il n’y a aujourd'hui qu’une seule alternative.

À La Rochelle, à Marseille, ce sont les partis du monopole, les deux partis dominants, dominants minoritaires - 28% les bonnes années, 18% les mauvaises - ils ont tous les pouvoirs depuis un quart de siècle. Ailleurs, dans des mouvements intéressants, on peut être d'accord ou pas d'accord, chez les Verts, c’est l’acceptation de la domination du grand frère socialiste.

Ailleurs encore, ce sont les extrêmes, c’est-à-dire les meilleurs alliés du maintien du monopole, l’assurance tout risque contre toute contestation, l’épouvantail qui sert à jeter les moineaux dans le filet des chasseurs.

Il n’y a donc qu’un seul chemin possible, et je le dis sans forcer le trait, un seul chemin possible pour les millions de Français qui rêvent d’un autre destin, et c’est ici que ce chemin commence.

Je le dis sans orgueil ! Et je ne suis pas rassuré d’avoir à vous le dire.

Je préfèrerais qu’il y ait d’autres réponses, et on choisirait entre nous la meilleure !

Mais la vie a fait que les autres ont renoncé. Peu à peu, tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont songé un jour ou l’autre à contester le monopole à deux, tous ceux qui ont formulé le même constat que le nôtre, ceux qui ont voulu offrir, un jour ou l’autre, à leur pays, un autre choix et un autre destin l’un après l’autre, ils ont été obligés de renoncer.

Je pense à eux, à Valéry Giscard d'Estaing, je pense à Raymond Barre, je pense à Jacques Delors, je pense à François Léotard, je pense à Alain Madelin même si ça vous surprend, je pense à Simone Veil, je pense à Bernard Stasi avec qui j'étais hier et à qui j'envoie une pensée affectueuse, je pense même à Méhaignerie égaré dans son actuelle fonction, je pense à Michel Rocard que nous recevions hier, tous ceux qui ont voulu faire mentir cette fatalité, tour à tour "deuxième gauche" ou "deuxième droite".

Et je sais, en disant leur nom, que là où chacun se trouve, parfois en ce moment assez loin de nous, il entendra l’écho de ces mots et peut-être il y reconnaîtra l’écho du combat qui fut le sien.

Et je vais vous dire ceci. Ce n'est pas un hasard s'ils ont été amenés à renoncer ou à éluder le combat qu'ils ont mené. C’est un combat dur. Les femmes et hommes que je viens de nommer sont des femmes et hommes de qualité, intellectuelle toujours, morale souvent. Mais c'est difficile, parce qu'il faut supporter les sarcasmes de ceux qui se croient puissants. Il faut supporter l’état de minoritaire, avant d'espérer devenir majoritaire, dans un pays où seules les majorités ont voix au chapitre.

Eh bien, de tous ceux-là, je n’ai rien oublié de leurs combats, de ce qui fut parfois leur victoire éclatante en 1974. Et même s’il leur arrive, pour quelques uns d’entre eux, d’avoir tourné la page sur ce combat, je veux leur adresser en votre nom, depuis le front où nous allons nous battre, le salut et l’amitié de leurs compagnons de combat.

Ne vous trompez pas ! Pour nous aussi, pour nous plus que jamais, le combat sera dur, et âpre, et plein de coups bas, visibles et invisibles, les plus attendus des coups bas, et je vous le promets les plus inattendus.

Mais je crois cependant qu’il faut livrer ce combat, que c’est comme ça, que c’est notre devoir et qu’on ne se dérobe pas une fois quand on est une femme ou un homme debout, une fois qu’on a compris où était le devoir.

Et je crois que, ce combat - je vais utiliser un verbe qui pour moi a tout son sens - je crois que ce combat nous pouvons le gagner.

Vous entendez bien : non pas figurer, même honorablement, non pas seulement faire un bon score.

Je crois que nous pouvons gagner , gagner l’élection présidentielle, construire une majorité nouvelle, non pas la majorité d’hier, ou celle d’avant-hier, gagner dès l’instant que les Français auront démêlé les ficelles du jeu, les ficelles par lesquelles on les transforme en marionnettes. Nous pouvons gagner, et nous le devons.

Parce qu'une fois qu’on a compris la réalité du jeu, l'utilisation des ficelles, on a recouvré sa liberté. Et quand on a trouvé sa liberté, alors rien ne résiste, en tout cas, rien ne résiste longtemps.

Le combat sera âpre, d’abord parce que le déséquilibre des moyens est spectaculaire.

Je ne parle pas seulement des moyens financiers, c'est déjà beaucoup, puisque par rapport aux deux partis dominants et minoritaires, le rapport de nos moyens est de un à huit avec l'un, de un à dix avec l'autre.

Il y a plus grave et plus profond.

Je parle de l’influence. Je parle de l’orchestration. Je parle de l’organisation qu'on ne voit pas vraiment, d'un enchaînement subtil en quatre temps, télévision-sondages-médias-et retélévision.

Il a suffi d'assister à l'été médiatique des deux dominants-minoritaires pour comprendre comment ça marche. Il dépend des Français qu'ils le comprennent. Les minutes de télévision font les sondages, les sondages font les médias qui justifient à leur tour que vous repassiez à la télévision. Et ainsi la mécanique apparaît impossible à contredire.

Et cela qui paraît déjà préoccupant, ne le serait pas tout à fait autant si ne se mêlait à ce système quelque chose de plus préoccupant encore : le lien d’intimité et d’intérêt entre ces puissances et le pouvoir, actuel ou futur.

Imaginons, en effet, je vais prendre une hypothèse totalement absurde, que de grands groupes de médias soient liés à de grands groupes industriels qui aient avec l’État des rapports de client à fournisseur…

Il paraît que cela se produit dans certains pays. Je lisais dans un grand journal du matin, qui s’en émouvait à juste raison en disant que la démocratie est en péril, que cela se produit non loin de nous, sur notre continent… en Russie.

Alors - on est toujours bien entendu dans l’imagination - quelque chose d’autre peut traverser la tête de ceux qui seraient dans ce type d’influence. Alors la tentation peut être grande d’assurer le destin en présélectionnant non pas comme en 1995 un candidat (c'était d'ailleurs le nôtre, ce qui nous arrangeait), mais deux favoris, un dans chaque camp, en les protégeant d’étoiles bienfaisantes. De former la boule de neige qui va rouler, rouler, jusqu’à la première page des magazines, pour illustrer les jolis maillots de bains de l'été…

Disons que c’est plus facile pour la suite. Ça s’appelle "assurance tout risques".

Eh bien je pense qu’il y a là quelque chose de risqué pour la démocratie de l’avenir.

Cela est pour moi un sujet de préoccupation.

Nicolas Sarkozy assume publiquement cette proximité, et même cette intimité avec les détenteurs de ces immenses puissances, de ces forces de frappe industrielles et médiatiques qui jouent un si grand rôle dans la formation de l’opinion.

Mais la gauche connivente, dite « caviar » a fait de même pendant très longtemps, même si c’est plus discrètement.

Berlusconi en a fait la clé de sa puissance, sans même, lui, avoir à s’embarrasser d’intermédiaires. Mais faites attention : le même Berlusconi a prouvé rirs des élections italiennes que la force de ces organisations était immense, pour à une poignée de voix, lui garantir la victoire, alors qu'il était en situation de rejet profond.

J’ai une approche toute différente de celle de Nicolas Sarkozy, de Berlusconi, et de la gauche connivente.

Je pense qu’il est de la plus haute importance, pour la démocratie, pour la République, de mettre de la distance entre le pouvoir et les puissances d’argent, financières et médiatiques.

Au XVIIIème siècle, Montesquieu a théorisé la séparation des pouvoirs, à l’intérieur du politique. Il a dit : il y a l’exécutif, le législatif, le judiciaire, à l'intérieur. Dieu sait qu'en France cette séparation n’est pas achevée.

Puis la France a choisi, avec mon camarade Henri IV d'abord, avec l’édit de Nantes, puis les grands combats de la laïcité, nous avons choisi de séparer l’État de la religion.

Eh bien il faut aujourd’hui une autre séparation des pouvoirs : il faut séparer la politique de l’économique et l'économique qui tient le médiatique.

Il faut que le citoyen (parce qu'il ne s'agit pas de nous dans cette affaire, ou très accessoirement) il faut que le citoyen ait la certitude, que le pouvoir politique n’est engagé dans aucune autre solidarité que celle qu’il doit à ceux qui l'ont délégué pour exercer la fonction de responsabilité, à ses concitoyens.

Je proposerai dans mon programme de campagne que cette garantie de séparation soit apportée par la loi.

Naturellement, il faut du capital aux entreprises de presse. Mais ces intérêts doivent être indépendants de l’État, comme c’est le cas dans toutes les grandes démocraties de la planète.

Alors je ne suis pas tout à fait dans l’ignorance de ce qu’une telle affirmation fait courir comme risque, médiatique en tout cas, en France en 2006, à quelqu'un qui souhaite être candidat à l'élection présidentielle.

Mais si nous voulons rendre à la République et à la démocratie l’adhésion des citoyens, l’adhésion des Français, alors il faut réconcilier la République et la démocratie avec les principes que l'on enseigne aux enfants avec l'éducation civique dans les écoles.

Et c’est plus important, en tout cas, c’est préalable à bien d’autres réformes.

Parce que le principe de la démocratie, ce qui fait qu'elle vit ou qu'elle meurt, c'est la confiance, que le citoyen ait la certitude que les cartes sont sur la table, que tout le monde peut les voir, que tout le monde, simple citoyen, peut être averti des raisons des grandes décisions d’État. C’est la transparence qui préside aux choix nationaux. Nous choisissons les cartes qui sont sur la table, non pas celles qui sont sous la table.

La transparence, contre la connivence. Et la connivence doit être écartée, doit devenir impossible.

La France a vécu et souffert de connivence, il est temps qu’elle en sorte. C'est pourquoi nous voulons cette séparation de la politique, de l'État, des intérêts financiers et des médias.

Ces principes-là, ce sont ceux qui ont fait la France républicaine !

Ce sont les instituteurs de la République, avec leurs idées droites, avec leur idée toute simple de l’instruction civique.

C’est le général de Gaulle quand il disait, tout simplement, avec hauteur cette phrase transparente et éclairante : « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille » de la Bourse.

C’est Raymond Barre, quand il défendait avec nous l’État impartial ! L’État impartial, qui est un recours pour tous, et non pas un compère dans le jeu économique…

Nous, citoyens, nous avons le droit que les choses de la République soient droites.

Nous avons droit à ne pas avoir à soupçonner constamment que quelque chose se passe par dessous, que les décisions d’État sont influencées ou influençables…

Et si « rupture » il y a, si on veut une rupture, eh bien mes amis, voilà une rupture !

Voilà une alternative au système.

Mais sortir du monopole, clarifier les rapports de l’État avec les influences qui pourraient s’exercer le plus aisément sur lui est une chose.

Encore faut-il que nous trouvions les garanties pour ne pas recréer un monopole quand les Français auront tranché !

Nous ne devons pas contester le monopole à deux de l’UMP et du PS pour recréer, à supposer qu’on puisse y parvenir, un autre monopole, le monopole de l’UDF.

Je pense que les monopoles du pouvoir sont nuisibles en eux-mêmes et que, quand on n’est pas obligé de se préoccuper du citoyen, de son avis, de son information, de sa conscience, alors on est sûr de se tromper.

C’est pourquoi la démocratie, ce n’est pas le pouvoir, ce sont les contre-pouvoirs, ce sont eux qui protègent les citoyens. Et ce sont eux qu'il faut rebâtir en France.

Et la première garantie de la démocratie, c’est le pluralisme.

Il est scandaleux que notre Parlement soit non pas la représentation des Français, mais seulement la représentation des seuls Français majoritaires, électeurs des partis dominants. C'est scandaleux et nous voulons que ça change.

Si les élus ne représentent que les majoritaires et les dominants (minoritaires en voix), ils ne peuvent pas être des législateurs impartiaux, et ils ne peuvent pas organiser le débat, exercer le pouvoir, ou plutôt le contrepouvoir du contrôle.

Voilà pourquoi il est de la plus haute importance républicaine, du plus haut intérêt général que les Français soient également, au même rang, représentés à l’Assemblée nationale.

Et je ne le dis pas seulement pour nous, ou pour les Verts, je le dis aussi pour ceux que j’ai combattus et que je combats : l’extrême droite et l’extrême gauche.

Je n’hésite pas à dire qu’il est anormal qu’avec des millions de voix l’extrême droite et l’extrême gauche ne soient pas représentées à l’Assemblée nationale.

Je préfère les combattre à visage découvert, franchement, plutôt que de voir ces idéologies funestes ou dangereuses cheminer souterrainement, progresser à bas bruit et surgir en un instant, pour que tout d'un coup la démocratie française ne puisse plus s'exercer.

Et il n’est pas normal que le débat ne puisse s’organiser en France, du fait du droit de passage en force que le 49-3 donne au gouvernement.

Il est de la plus haute importance démocratique que ce droit de passage en force soit abrogé et que parallèlement soit organisé le droit de résistance de l’opposition à un texte.

C'est un petit peu technique, mais je veux en dire un mot en partant d'un exemple, le débat dans les jours qui viennent sur la privatisation de GDF.

Comme beaucoup de mes amis députés UDF, je ne voterai pas le projet de privatisation de Gaz de France.

La planète se trouve en effet devant deux crises menaçantes, liées l’une à l’autre étroitement.

Une crise menaçante sur l'épuisement des énergies fossiles. Une crise menaçante du climat.

Quelle est la portée du risque qui monte devant nous ? Personne ne le sait exactement.

J’ai rencontré depuis des mois les scientifiques les plus éminents, j’ai lu beaucoup de contributions, publiques et plus discrètes.

Je n’ai rencontré aucun scientifique, aucun expert, pour considérer que ces deux immenses risques n’existeraient pas, ou qu'ils seraient négligeables.

Tout le monde sait qu'il y a un risque d’approvisionnement. Le nombre de pays producteurs de gaz, à la différence du pétrole, est extrêmement réduit. Deux sur trois de ces pays sont en situation instable et susceptibles, on l'a vu récemment avec l'Ukraine, de considérer leur précieuse matière première non pas comme une richesse économique, mais comme une arme politique.

Il y a parallèlement un risque écologique. Le gaz est l’énergie fossile la moins polluante pour l’effet de serre (une fois et demi moins de gaz à effet de serre que le pétrole, deux fois moins que le charbon).

Dans un tel contexte de risque, le principe de précaution exige à mes yeux, à nos yeux, de conserver une capacité d’action publique forte.

Ça n'est pas en dire du mal que de rappeler qu'une entreprise privée, privatisée, agit d’abord dans l’intérêt de ses actionnaires. Une entreprise à majorité publique peut entendre à condition qu'on le veuille, d’autres raisons, d’autres préoccupations. Par exemple, s'il intervient une crise, si on est en situation tendue, elle peut arbitrer ses choix de stockage, ou de déstockage, non pas par la seule considération du prix de marché, mais en considération de l’intérêt national traduit pour elle par la puissance publique.

Et cela explique que l’UDF défende les engagements pris il y a quelques mois par le gouvernement et par la majorité, de ne pas descendre au-dessous de 70 % des parts dans Gaz de France, et dont il n’y a aucune raison de faire litière : la parole donnée par la loi, par les parlementaires, mérite qu’on la défende, du moins de la part de ceux qui, comme nous, ont voté la loi en conscience !

GDF, comme hier les autoroutes, a été édifié par les Français. C’est l’effort des Français qui a construit le réseau, jusqu’au plus petit village. Et je trouve qu'il n’y a aucune raison de l’oublier.

Nous jugeons donc que cette décision est mal inspirée.

Mais il nous paraît que le Parti socialiste est aussi mal inspiré aussi en choisissant de déposer des dizaines de milliers d’amendements dont le but est d’empêcher non pas l’adoption du texte, mais l’examen du texte.

Si vous voulez bien y réfléchir avec moi, cette décision du Parti socialiste, contrairement aux apparences, ne dessert pas le gouvernement, elle le sert.

Car vous savez bien que ce gouvernement, ne veut pas le vote. Il veut tout, sauf le vote. Au sein de son parti des voix se font entendre pour défendre le même point de vue que le nôtre.

Et donc le PS lui rend le signalé service de lui servir le 49-3 sur un plateau, de lui apporter en même temps l’obligation du 49-3 et le prétexte de son utilisation. Et je vous laisse décider, vous qui êtes des connaisseurs, si c’est totalement un hasard…

Et dans ce cas, le Parlement n’est pas un contrepouvoir, il justifie lui-même l’évitement du débat.

Le Parlement de l’avenir, le Parlement que nous voulons, ne connaîtra pas le passage en force, mais il ne connaîtra pas non plus l’obstruction insurmontable qui oblige au passage en force.

La règle devrait être que l’opposition a droit, c'est légitime à mes yeux, à une période de blocage, pour attirer l’attention de l’opinion, pour que mûrisse la réflexion des citoyens, ce qui peut être utile et juste, mais qu’au bout de cette période, par exemple au bout de quinze jours, le vote est de droit que le texte ait pu être entièrement examiné ou pas. L’opposition a droit à imposer des prolongations, mais elle ne peut pas supprimer le match que constitue l'examen d'un texte.

Quand je dis alternative au système qui est en place depuis vingt-cinq ans, voilà les éléments concrets de cette alternative

Je veux apporter un autre élément de cette alternative.

Il y a cinquante ans que la France se vit camp contre camp.

C’était fondé pendant une longue période ! À l’époque où l’idéologie des uns s’accommodait et parfois niait la dictature soviétique et même parfois défendait les principes de cette dictature, et où les autres combattaient la dictature, il y avait entre les deux camps de l’irréductible.

Mais l’histoire est passée par là. Les alternances sont passées par là. Et nous avons découvert, ce que nous soupçonnions depuis longtemps, qu’il y avait des gens compétents, réalistes et généreux dans les deux camps.

Et nous avons vérifié que l’antagonisme aveugle des partis dominants, droite contre gauche, empêchait l’évolution, les réformes justes dans notre pays.

Il faut donc changer de perspective et proposer une nouvelle démarche politique.

Camp contre camp, avec interdiction de se parler entre les camps, c’est absurde pour deux raisons. D'abord parce que cela empêche de parler et de travailler ensemble des hommes qui sont en fait d’accord sur tout ! Surtout cela oblige ces hommes qui sont d'accord sur tout à travailler avec des gens avec qui ils ne sont d'accord sur rien !

Cela oblige Rocard, ou Kouchner, ou Strauss-Kahn à faire semblant d’être plus près de Besancenot que de moi. Alors que bien sûr, ils n’en croient pas un mot…

Et le même sectarisme m’obligerait, si j’acceptais encore de telles obligations, ce qui je vous assure est derrière moi, à me sentir plus près de l’extrême droite que de ces hommes du centre-gauche, avec qui sur les valeurs nous sommes en accord profond.

C'est cela que nous devons changer, qui ne doit pas perdurer, pour la France.

Je suis décidé à proposer aux Français une autre démarche politique, une majorité nouvelle, une majorité d’ouverture.

J’ai invité avec bonheur à cette université Nicolas Hulot, Michel Rocard, Michel Barnier.

Une personnalité écologiste, une personnalité socialiste (lui n'a jamais employé le mot « socialiste », il a dit « social-démocrate », ça me va), une personnalité UMP (il a dit « gaulliste, social, et européen », ça me va très très bien).

Vous qui avez assisté au débat: au cours de cette journée, dans les heures de débat que nous avons eues ensemble, sur des thèmes difficiles, la protection de la planète et de la biodiversité, le développement durable, la réforme de l’Éducation nationale, l’avenir de l’Europe, si quelqu’un a entendu le moindre couac, la moindre divergence, celui-là qu'il se montre, je lui paie un sonotone !

Comme vous l'avez senti, nous n’avons pas fait semblant. Nous avons seulement exprimé la vérité.

Et comme eux, ils sont légion. Légion dans la vie politique française. Ils le disent tout bas. Ils le chuchotent dans les couloirs, ou quand on parle vraiment dans les couloirs de l'Assemblée nationale ! À gauche comme à droite. Je sais gré à nos invités d'avoir assumé, publiquement. Les autres, pas encore, mais ça viendra.

Je veux faire sauter ces murs et ces barrières d’un autre temps.

Ma conviction est celle-ci. Il faut former un gouvernement non plus à partir des étiquettes, mais à partir des compétences. Il faut laisser derrière nous le sectarisme. Il faut former un gouvernement pluraliste qui représente non plus un seul clan, mais des sensibilités différentes, et compatibles entre elles, qui font la réalité du peuple français. Il faut former une majorité non plus à partir de la domination d’un parti, mais à partir d’un contrat de majorité, discuté, négocié, ou personne ne perdra la face, afin que le pays comprenne qu’il va être entendu dans la diversité de ses attentes.

Je vous le disais, l’UMP, le PS, dans les bonnes années c’est entre 20 et 25% des Français, les grandes années c'est 28%. On ne fait pas une base pour soutenir les réformes et l’évolution de la société avec des partis à ce point minoritaires en voix.

Il faut élargir cette base, et c'est essentiel pour redresser le pays. Il y a des moments dans l’histoire d’un peuple où il a besoin que tous ceux qui, en son sein, ont la capacité et la volonté de construire ensemble, même s’ils se sont opposés hier, se réunissent pour reconstruire le pays.

En 1945, le Général de Gaulle a jugé qu’il était de son devoir de le faire, y compris souvenez-vous, avec les communistes.

En 1958, le Général de Gaulle l’a fait, cette fois sans les communistes, mais en obligeant tous les grands partis de l’arc démocratique français à faire ensemble les premiers pas de la reconstruction du pays.

Je suis heureux que nous ayons pu montrer, naturellement, simplement, franchement, que nous pouvions parler ensemble avec ces personnalités qui sont venues nous voir, proposer ensemble. Je serai encore plus heureux le jour où tous ceux-là pourront assumer publiquement, coram populo , face au peuple, leur accord de fond et enfin agir, et gouverner ensemble pour reconstruire notre pays

Mes chers amis, pour ceux qui cherchent une rupture, alors voilà une rupture !

Mais je voudrais que nous comprenions tous ensemble que cette démarche de gouvernement n’est pas fondée sur « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ».

C'est une démarche politique, ce n’est pas du scoutisme. C’est, ce sera si nous gagnons, le fruit d'un accord de gouvernement.

Et c’est les grandes lignes de cet accord de gouvernement que je voudrais tracer devant vous.

Il y a 6 piliers pour un accord de gouvernement, autour de quoi tout s'ordonne.

L’action demande de la cohérence, et des priorités.

Il faut que l’on sache autour de quoi tout s’ordonne.

La France a besoin d’être forte parmi les nations. La France a besoin d’être armée face à la mondialisation. La France a besoin d’être inventive. La France a besoin de cohésion nationale. La France a besoin d’égalité des chances. La France a besoin de conscience. La France a besoin de développement humain, autant que de développement économique.

Et on croirait, après avoir énoncé ces besoins, que tout cela fait un programme en mille chapitres. En réalité, cela fait un projet en une ligne.

Pour moi, ce qui ordonne tout cela, ce qui en fait une vision, la force, la justice, l’humanité, la capacité dans la compétition, la conscience, c’est une seule et unique priorité, dont nous faisons la priorité absolue de notre projet : c'est l’éducation. Et naturellement, en prolongement de l’éducation, la recherche.

Savoir, science, conscience.

Et même la sécurité ! Au XIX° siècle, le grand Victor Hugo disait : « quand on ouvre une école, on ferme une prison ! » Et au XXI° siècle, il est toujours vrai de dire que la meilleure des préventions, et peut-être la seule prévention efficace, en tout cas la plus efficace des préventions, c’est l’éducation.

On dit « caïds », on dit « voyous », on dit « racaille ». Et c’est souvent des échecs de l’école qu’il s’agit ! Illettrisme ; mésestime de soi - besoin donc de prendre sa revanche ; transgression de règles dont on ignore tout ; culte de la seule consommation, des biens matériels, des marques (il faut réfléchir sur cette affaire des marques à l'école - on a souri de ma réflexion sur un uniforme à l'école, qui empêcherait les marques… Si vous êtes un élève et que vous ne trouvez votre affirmation que dans la marque des fringues, des chaussures… Obsession d'autant plus grande qu'on appartient à des familles plus pauvres !), culte de l’argent ; tout cela est profondément lié…

Et voilà pourquoi un pays comme la France doit se fixer un objectif : devenir, ou redevenir, le premier pays dans le monde pour l’éducation de ses enfants et de son peuple tout entier !

J'entre en contradiction frontale avec une partie de notre société qui vit avec l’idée que c’est dans le budget de l’éducation qu’il faudra qu'on taille, le jour où l’on voudra revenir à l’équilibre des finances publiques.

Je pense exactement le contraire. Je pense qu'il faut faire des économies, j'en parlerai dans une seconde, qu'il faut retrouver un budget en équilibre, mais qu'il faut garantir l’investissement dans l’éducation.

Et en échange de cet investissement, il faut un grand contrat entre l'école et la Nation, qui garantisse, de manière précise, chiffrée, rapide, des résultats que notre système éducatif peine à atteindre, notamment des résultats pour les acquis fondamentaux à l’école primaire, des résultats en expression, dans la maîtrise de la langue, des vocations scientifiques, l’entrée dans l’enseignement supérieur, la réconciliation avec la recherche, la généralisation des technologies de l’information.

Société de la connaissance. Société où la connaissance est la condition de la performance, où la connaissance est le domaine de la performance.

Le deuxième pilier, pour moi, c’est l’exclusion : chômeurs de longue durée, Rmistes, jeunes en rupture, entre 4 et 5 millions de personnes qui vivent hors les murs, que nous ne voyons presque plus. Que nous avons abandonnés au point que nous ne songeons même plus à les ramener à l’emploi puisque la politique officielle du gouvernement, c'est d'annoncer tout de go que dans un pays où il y a quatre millions de chômeurs et de Rmistes, c’est vers l’immigration qu’il faudra se tourner pour le travail !

Nous ne pouvons pas accepter que se perpétue cet exil de l’intérieur.

On ignore, et même on n’imagine pas, les richesses humaines qu’il y a dans le monde de ceux qui se trouvent ainsi relégués, les capacités à l’abandon.

J'ai reçu un message hier soir parmi mes mails : « Au chômage depuis 4 ans, j’ai 44 ans (une jeune femme), j’ai été obligée de me réinstaller chez mes parents suite à des problèmes financiers importants, je commence à désespérer sérieusement de reprendre un jour une vie sociale normale. Le gouvernement actuel nous propose sans cesse de nouvelles lois, de nouveaux contrats en tout genre, de nouvelles aides par ci- par là..., mais si les mentalités et les modes de recrutement n'évoluent pas sérieusement, tout ceci ne servira pas à grand chose..!!

Chaque fois - dit cette jeune femme, et beaucoup vont se reconnaître - que j'adresse un curriculum vitae en réponse à une annonce, le plus souvent je n'ai aucune réponse, de temps en temps une réponse négative et lorsque par miracle j'arrive à obtenir un rendez-vous pour un poste en relation ou non avec ma profession, on m'explique que je suis trop expérimentée, que je suis trop veille (44ans), que je viens de Paris et que je m'adapterai mal en province, ou encore que je n'accepterai jamais d'exercer un métier moins bien rémunéré et moins intéressant que celui auquel me destinaient mon expérience et mon niveau de formation. Lorsque j'explique à mon interlocuteur qu'effectivement le poste proposé n'est pas en relation avec ma profession, mais que je veux l’assumer parce qu'il faut bien que je travaille, je me trouve confrontée à de véritables préjugés de sa part.

J’ai une formation supérieure. Je vis aujourd'hui avec 14 euros par jour. »

Et comme ça - il y en a des millions.

C’est cette spirale infernale qu’il faut rompre quand elle est établie et prévenir avant qu’elle ne s’installe !

Alors je propose deux grandes politiques publiques, deux grandes politiques de la nation. En direction des adultes, ce que j'appelle l’activité universelle. En direction des jeunes, le service civique universel.

Au lieu de considérer que l’on est quitte avec ces millions de Français quand on leur a fait un chèque de quelques euros par jour et que dès lors on peut les oublier. On considère au contraire que cette aide à la subsistance n’est que la première étape du devoir d'insertion, et que l’action de la société doit être de créer les conditions pour ramener ces innombrables femmes et hommes à l’utilité sociale et à l’estime de soi.

L’idée est celle-ci : il y a de grandes richesses chez les plus pauvres, vous entendez ? Il y a de grandes richesses chez les plus pauvres ! Ils peuvent sortir de l'exclusion, mais ils n'en sortiront, surtout après 15 ans ou 20 ans aujourd'hui, que si on les aide, si on les conduit, et même parfois, je n'hésite pas à le dire, si on les force, à passer de la situation de demandeur à la situation de celui qui est utile à la société.

Il y a, dans notre société, mille et mille aides, fonctions, bénévolat, surveillance, services, qui ne sont pas assumés, parce qu'elles sont trop peu rémunératrices pour qu’elles puissent donner lieu à un rapport marchand.

Et il y a des millions de personnes qui se terrent, coincés dans le chômage de longue durée ou les minima sociaux.

Eh bien c’est une grande politique que celle-là. Une politique à la dimension de la générosité et du réalisme français. L’activité universelle, décentralisée, au niveau du conseil général qui gère le Rmi, de la commune, du quartier, au niveau de l’association où sont les vrais besoins.

Le contrat, c’est celui-ci. Tu as un Rmi, un minimum social, ce Rmi doit ouvrir le droit à une activité dans la société, activité accompagnée d’une indemnisation, pour retrouver les habitudes du travail, dans une collectivité, dans une association, dans le secteur non marchand.

Tu maîtrises l’informatique : tu transmettras ce que tu sais à des personnes qui veulent découvrir cet univers. Tu as le permis de conduire, tu peux aider des gens démunis. Tu peux surveiller la sortie des écoles. Tu peux aider des personnes handicapées dans les gares ou les aéroports. Vous avez essayé d'être personne handicapée dans les gares ou les aéroports ?

Et peu à peu, tu réapprends le travail, tu réapprends les consignes et la sociabilité.

Nous ne pouvons pas accepter, tout simplement pas accepter un monde dans lequel l’exclusion définitive, l’exclusion à vie s’installe comme un cancer !

C’est un très grand effort. Mais justement il y a des armées de bénévoles, je pense aux jeunes retraités, qui peuvent aider à organiser, quartier par quartier, ville par ville, cet effort.

Et le principe est le même pour les plus jeunes.

Le service civique universel, c’est retrouver le brassage, permettre aux milieux sociaux de se découvrir : il n’y a pas pire ghettoïsation que la ghettoïsation des plus jeunes, condamnés à ne pas sortir de leur quartier, les pauvres avec les pauvres, et ce qui est peut-être encore pire, les riches avec les riches.

C’est en même temps apprendre quelque chose de fondamental : sortir de la société de consommateur. C’est apprendre le « je reçois, OK, mais je donne »…

L’UMP nous dit : ça coûte très cher… Mais la ghettoïsation dans les villes, et l’absence de surveillance dans les trains, la vigilance dans les lieux sensibles confiée à l’armée, parce qu'on n'a que l'armée …? Chaque fois que je vois une patrouille de militaires professionnels, parfois hautement spécialisés, assignés à des tâches de surveillance, dans les gares ou dans les aéroports pendant Vigipirate, je me dis que c'est un gâchis.

Et l’ignorance des gestes élémentaires du secourisme, ou de la sécurité routière, est-ce que vous pensez que ça ne coûte pas cher ?

C’est à mes yeux, vous savez que je défendais déjà cette idée en 2002, un impératif pour retrouver dans les faits, dans la vie, et non pas dans les mots la cohésion sociale dont un pays comme la France a besoin.

Troisième pilier, on en a parlé avec Nicolas Hulot, une politique active de défense de l’environnement et de sauvegarde du climat de la planète.

Nous avons accepté qu'une haute autorité du gouvernement soit chargée du long terme et des politiques durables.

Un plan progressif et de long terme d’économies d’énergie.

Un plan progressif et de long terme de transfert des charges sociales vers les carburants qui polluent.

Par exemple, sur dix ans : ce n'est pas la même chose si on vous assomme d'une politique nouvelle, ou si vous avez un calendrier qui vous permet de prévoir les choses.

Q uatrième pilier : une politique intransigeante, sérieuse, avec un échéancier, de retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Si l’on rapporte la dette de la nation à chaque foyer français, une famille de cinq personnes, deux parents, deux enfants, une personne âgée, cette famille est endettée pour 100 000 € ! par l'Etat ! Chacune de vos familles va devoir assumer le remboursement de 100 000 € ! chaque famille qui travaille, quelque chose comme 150 000 € ! voilà ce que c'est que la dette de la France !

Beaucoup de gens pensent que ça n'a pas beaucoup d'importance.

C’est qu’ils sont les héritiers d’un système de pensée d’avant l’euro !

Autrefois, quand la dette pesait, on faisait deux, trois dévaluations… On effaçait la dette avec une gomme.

Aujourd’hui, nous avons une monnaie sérieuse.

Nous ne disposons plus de cette facilité.

Voilà pourquoi le laxisme en matière de finances publiques est la préparation méthodique de l’asphyxie de la société française dans cinq ans, dans dix ans…

Ce plan comporte un préalable. C’est de dire clairement qu’on ne peut pas continuer dans cette période à faire semblant de baisser les impôts, à multiplier les avantages fiscaux, de toute nature, avant qu'on ne baisse la dépense publique.

Il y a cinq ans, on nous promettait de baisser massivement les impôts : de 30%. J'avais dit ce soir-là : "promesse mirobolante". Et effectivement, on l'a vérifié : d'abord on n'est pas à 30%, ensuite on n’a cessé de reprendre d’une main ce qu’on faisait semblant de donner de l’autre : !es prélèvements obligatoires ont monté de plus d’un point du produit national !

Il faut faire des économies. Il faut inventer de nouvelles manières d’organiser l’action publique, de manière plus légère, par exemple avec des agences qui permettent de cibler un secteur d'activité.

Le gouvernement est pléthorique : je n'en connais pas la moitié. Il y a des cabinets ministériels de plus de cent collaborateurs ! Changer cela, ce seront des symboles qui montreront que l'Etat a la volonté de donner l'exemple pour que la nation comprenne ce qu'on lui demande.

Cinquième chapitre : l’entreprise .

Une politique de croissance n’ira pas sans une reconnaissance et un soutien de l’entreprise.

Il me semble que la reconnaissance de l’entreprise recule en France, au lieu de progresser.

Pas tant dans le peuple, que dans la réalité qu'on leur impose, dans les administrations…Nos règlements, nos charges sont adaptées aux grandes entreprises, avec leurs DRH, avec leurs avocats, notamment en matière sociale ; ce n'est pas adapté aux petites entreprises.

Il faut faire en France ce que les Américains ont fait chez eux : un small business act .

Je propose le premier article de ce pacte, qui est tout simple, un immense ballon d’oxygène pour la création d’emplois : toute entreprise aura le droit de créer deux emplois réellement sans charges !

J'ai cru que le Premier Ministre annonçait quelque chose de cet ordre, l'autre jour à la télévision, pour le SMIC : mais je me suis aperçu que ce n'étaient pas les charges, c'était le 2,1% résiduel de la partie des charges qui va à l'URSSAF, soit 24€ par bulletin de salaire ! On est dans "faire semblant".

Je propose deux emplois sans charges, garantis pendant cinq ans, quel que soit le niveau de salaire de cet emploi, pour que les chercheurs, les commerciaux, les designers, ceux qui ont plus de cinquante ans et qu'on ne veut plus embaucher parce qu'ils coûtent trop cher, puissent accéder à l'emploi.

Je vous parlerai des 35 heures une autre fois. Nous avons proposé en 2002 qu'on règle cette question qui taraude la société française, de la manière la plus simple.

Beaucoup de Français et beaucoup de Françaises ont trouvé un équilibre à leur vie personnelle avec les 35 heures : on ne supprimera pas les 35 heures.

Mais beaucoup de gens aimeraient réellement améliorer leurs fins de mois et il faut leur laisser la liberté de le faire.

Et je propose que les heures supplémentaires, qui sont payées de manière discriminatoire au détriment des salariés des PME, soient payées au moins 25% à tous les salariés, prime défalquée des charges sociales, neutre pour l'entreprise, avantageuse pour le salarié, et chacun organise son temps de travail comme il veut.

Sixième chapitre : l’Europe .

On en parlait avec Jean-Louis Bourlanges hier soir : comme il lui arrive quelquefois, il était pessimiste.

Quelque chose est en train de se passer.

L’Europe n’intéresse plus les peuples qui la forment, ce n’est plus un rêve,ce n’est même plus une entreprise, c’est une construction lointaine, au mieux subie, souvent ignorée, au pire rejetée. Et il est spectaculaire pour moi, et pour vous si vous faites attention, il est spectaculaire de voir combien l’Europe est redevenue complètement affaire de diplomates, on vous présente le conseil européen dans la série juste après le G8, juste avant le quintette, sur le même plan, au même niveau, comme l'ONU, quelque chose où on va négocier en secret des stratégies que l'on ne comprend pas !

Cette crise de l'Europe, il n'y a qu'un élan français qui puisse la transformer en nouvel élan pour l'Europe.

Nous allons le faire en partant du concret, de cet épineux problème de la Constitution européenne.

Nous allons proposer, en quelques pages, sans changer les principes, ce que pourrait être un texte débarrassé des pages interminables qui rendaient ce texte illisible. Considérant que ce devrait être une affaire de citoyens et pas d'experts. Nous mettrons ce texte sur la table pendant la campagne présidentielle.

C'est très important de relancer l'Europe pour nous, pour l'Europe, et c'est très important pour le Proche-Orient.

Le chemin ouvert jadis par Schuman et Monnet - pour moi qui aime Israël, qui aime le Liban, qui aime et respecte la Palestine - c'est le seul chemin disponible pour qu'ils sortent de la guerre et retrouvent la paix. L'édification d'une communauté où chacun garderait sa souveraineté, j'allais dire de manière fédérale. Passer directement de la guerre à la maison commune, dans laquelle chacun a son espace, dans laquelle, épuisés de se faire la guerre pour des choses tellement sensibles qu'il n'y a pas de fin à cette guerre, on décide que ces choses sensibles on les gérera ensemble : l'eau, les réfugiés, les Lieux Saints. Nous avons géré comme ça le charbon et l'acier : on s'est fait cent ans de guerre pour le charbon et l'acier !

Je ne crois pas qu'il existe de moyen terme entre les deux : ou bien on se fait la guerre, ou bien on choisit de vivre ensemble, et il n'y a qu'un modèle pour faire ce chemin, c'est le chemin de la communauté puis l'Union Européenne.

Voilà, mes chers amis, les six piliers d’un contrat de gouvernement pour une nouvelle République.

Cette action politique n’a qu’un but : y croire, y croire à nouveau. Recommencer à y croire pour chacun des Français découragés, et se remettre en chemin.

J’ai dit combien ce serait dur. Mais nous avons une arme : c’est une formidable équipe, attachante, soudée, qui a traversé le désert, qui a l’intelligence et la générosité, qui a si je puis le dire, moi qui m'efforce de résister à leurs pressions perpétuelles, qui a de la beauté d’âme, c'est rare en politique, la beauté d'âme des bédouins, comme je dis. Je voudrais qu'ils montent à la tribune avec moi, Marielle, Michel, Hervé, Jacqueline, et tous les parlementaires de notre maison.

Je veux dire avec orgueil que pour la compétence, pour la générosité, pour la cohésion, c’est la meilleure équipe et la plus solidaire. C'est pas la plus nombreuse de France, mais c'est la meilleure, et de solidarité, ils vont en avoir besoin… Et je vais avoir besoin d'eux. Et j’en suis fier.

Alors je voulais vous dire mes chers amis, que - je n'ai pas fait exprès - ces six piliers-là, éducation, exclusion vaincue, environnement durable, équilibre des finances, entreprise, Europe, commençaient tous par un E.

Comme espoir, comme espérance, comme ensemble.

Merci beaucoup.

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