Critique de décisions de justice
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Élisabeth Guigou. Un principe fondamental de notre droit et de notre démocratie interdit de commenter, encore plus de critiquer, les décisions de justice. Ceux qui ne respectent pas ce principe de séparation des pouvoirs risquent une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Or, ces principes et ces lois ont été piétinés par ceux-là même qui ont la responsabilité de les faire respecter.
M. François Grosdidier. Et M. Huchon ?
Mme Élisabeth Guigou. Vendredi dernier, nos concitoyens ont assisté, effarés, à un spectacle désolant et choquant après une décision du tribunal de Bobigny condamnant sept policiers qui ont tourné le dos à leur mission en fabriquant des preuves contre un innocent, faute gravissime qui aurait pu faire condamner cet innocent à la prison à perpétuité.
Le métier de policier est difficile, spécialement en Seine-Saint-Denis, alors que les policiers subissent les réductions d'effectifs et la politique du chiffre du Gouvernement. Mais il est inadmissible que le ministre de l'intérieur ait, une fois de plus, critiqué la justice et confirmé ses propos, après la réaction pourtant bien prudente et tardive du garde des sceaux.
La sécurité est un problème grave dans notre pays. Ceux qui attisent les oppositions entre police et justice sont irresponsables, et nuisent à la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre des mesures concrètes pour laisser la justice travailler et exiger des représentants de l'État qu'ils respectent la loi de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Avant de répondre à votre question, je voudrais, au nom du Gouvernement, rendre hommage aux forces de l’ordre qui ont permis l’issue heureuse de deux prises d’otages, l’une à Besançon hier, et l’autre ce matin à Mulhouse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur les bancs du groupe SRC.)
Ma responsabilité est de veiller au bon fonctionnement de nos institutions, et donc au respect de la justice. Mais ma responsabilité est aussi d’essayer de comprendre ce qui a pu pousser des fonctionnaires de police, et leurs organisations syndicales, à manifester comme ils l’ont fait leur désarroi et leur colère devant une décision de justice.
Nous savons tous que la situation en Seine-Saint-Denis est difficile. Nous savons tous que les forces de l’ordre y affrontent chaque jour une violence qui rend leur mission très éprouvante. C’est dans ce contexte que sept policiers ont été condamnés pour des faits, je le répète devant l’Assemblée nationale, injustifiables. (Applaudissements sur tous les bancs).
Ces faits ont d’ailleurs été révélés par la hiérarchie du commissariat d’Aulnay-sous-bois, qui a donc fait son devoir conformément à la déontologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mesdames et messieurs les députés, l’honneur de la police exige un comportement exemplaire, et sur ce sujet, le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux n’a jamais été complaisant, lui qui a déclenché l’enquête de l’Inspection générale des services sur cette affaire. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le parquet a fait appel de cette décision, estimant la peine trop sévère. Madame Guigou, attendons ensemble sereinement que la justice tranche.
Passé l’émotion, je ne peux pas admettre que des magistrats et des policiers donnent le sentiment de se dresser les uns contre les autres. À qui profite cet affaiblissement de l’État ? Certainement pas aux magistrats, ni aux policiers, et encore moins aux citoyens. Finalement, cela ne profite qu’aux délinquants et aux criminels.
Michel Mercier et Brice Hortefeux ont toute ma confiance et celle du Président de la République pour assurer la protection de nos concitoyens. Avec le garde des sceaux, je dis que le respect de la justice est un des fondements de l’État. Avec le ministre de l’intérieur, je dis que nous ne progresserons de manière décisive dans la lutte contre la criminalité et la délinquance que si la chaîne pénale tout entière montre sa cohérence, ce qui n’est pas toujours le cas.
Policiers, magistrats, élus de la République, nous devons tous ensemble garantir l’ordre public et l’État de droit.
Mesdames et messieurs, la justice est rendue au nom du peuple français. Le peuple français attend que la République soit forte face à la délinquance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Formation des maîtres
M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, nier l’évidence ne sert à rien. Depuis 2000, la situation n’est pas stabilisée, elle s’est même dégradée – ce n’est pas nous qui le disons –, et cela ne nous réjouit pas du tout.
Je voudrais revenir plus spécialement sur la formation des enseignants que nous estimons inadaptée voire sacrifiée.
M. Jacques Myard. C’est votre faute !
M. Michel Vergnier. Apprendre à enseigner ne s’improvise pas. C’est un impératif sur lequel on ne peut faire d’économies si l’on souhaite que les élèves soient au centre du dispositif et du système éducatifs.
Un enseignement universitaire, théorique, aussi complet soit-il, ne remplacera jamais une formation globale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Cette année, dès le début du mois de septembre, les jeunes enseignants recrutés ont dû exercer à temps plein, trop souvent dans des établissements sensibles, alors qu’ils n’avaient jamais été confrontés à une classe. Ne croyez-vous pas que les bases leur faisaient défaut : meilleure connaissance de l’enfant, psychologie, psychopédagogie, techniques d’apprentissage, relations parents-enseignants ?
Pour ajouter aux difficultés, la formation en alternance, que vous recommandez dans toutes les autres branches professionnelles, a totalement disparu dans les écoles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
En outre, le tutorat est en panne. C’est une réalité !
Les universités indépendantes ne disposent pas toutes des mêmes moyens, ce qui entraîne encore plus de fractures territoriales.
Monsieur le ministre, l’ensemble de la communauté scolaire vous demande des changements. Même vos services vous disent que votre réforme n’est pas bonne et ont du mal à l’appliquer. C’est à l’école maternelle et à l’école élémentaire que se jouent, dès le départ, les chances des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C’est pourquoi nous vous demandons de revenir à une formation complète et adaptée. Ne parlez pas sans cesse des moyens. Ce n’est pas ce dont il est question : la formation ne se brade pas, elle se fabrique, jour après jour.
Alors, monsieur le ministre, acceptez-vous de reprendre le dialogue en vue d’une véritable formation des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, le Gouvernement a voulu allonger d’une année la formation des enseignants. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est un signal très fort que nous adressons à l’ensemble de la communauté éducative. Élever le niveau de formation initiale, l’aligner sur ce qui se pratique dans tous les grands pays développés est une marque de reconnaissance à l’égard des enseignants, qui seront mieux formés et mieux préparés aux réalités qu’ils rencontreront ensuite dans leurs classes.
M. Michel Ménard. Sans formation professionnelle !
M. Luc Chatel, ministre. Au cours de cette année supplémentaire, les futurs enseignants sont confrontés à la problématique de la recherche, qui leur servira tout au long de leur carrière, quoi que vous en pensiez. Ils pourront ainsi progresser, remettre en cause leur formation, améliorer leur pédagogie au cours de leur activité professionnelle.
Bien sûr, au niveau bac +5, il nous faut recruter les meilleurs spécialistes dans les diverses disciplines mais il nous faut aussi recruter des professionnels de la pédagogie. À cet égard, monsieur Vergnier, il me semble que vous tirez un trait sur les procédures que nous avons mises en place. Je rappelle qu’en année de mastère 1, les étudiants bénéficieront de 108 heures de stage d’observation.
M. Michel Vergnier. Sans formation pédagogique !
M. Luc Chatel, ministre. Par ailleurs, en année de mastère 2, cinquième année d’études, ils auront 108 heures de mise en responsabilité. Enfin, les professeurs-stagiaires, contrairement à ce que vous indiquiez, sont pris en charge par les académies dans le cadre de stages d’accueil après leur réussite au concours. Un tutorat permet d’accompagner en temps réel les étudiants en premier degré, qui, jusqu’à la Toussaint, travaillent en doublon. Quant aux étudiants de second degré, ils bénéficient d’un système de tutorat avec une formation continue tout au long de l’année.
M. Michel Vergnier. Ça ne fonctionne pas !
M. Luc Chatel, ministre. C’est ainsi, monsieur le député, que nous tenons compte de la progression de la formation de nos enseignants. Nous attendons vos propositions si vous souhaitez améliorer le système. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Semaine scolaire de quatre jours
M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Pascal Deguilhem. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, à l’évidence la semaine de quatre jours à l'école primaire est un échec. La décision prise par votre prédécesseur, en 2008, sans concertation, vous place aujourd'hui dans l'obligation d'apporter une réponse associant l'ensemble des acteurs de la communauté éducative.
Le temps scolaire doit avoir pour objectif principal l'épanouissement et la réussite de tous les élèves. Si la question des rythmes scolaires n'est pas l'unique cause de la difficulté scolaire, elle fait partie de la politique éducative désastreuse menée par votre majorité depuis huit ans maintenant : suppressions massives de postes qui entraînent aujourd'hui des difficultés insurmontables pour assurer les remplacements nécessaires ; augmentation du nombre d'élèves par classe quand la difficulté scolaire se traite avant tout par une pédagogie différenciée ; abandon de la formation des enseignants.
Deux ans seulement après la fin de la semaine de quatre jours et demi imposée par Xavier Darcos, un véritable consensus se dégage pour dire que l'école n'est plus dans le bon rythme. Parents, chronobiologistes, enseignants, inspecteurs de l'éducation : tous les avis confirment que l'organisation sur quatre jours conduit à des journées trop chargées.
C'est bien de l'intérêt de l'enfant qu'il s'agit, de l'intérêt de tous les enfants car en réalité la semaine de quatre jours a aggravé les inégalités sociales déjà fortement présentes à l'école.
Repenser la journée scolaire ne peut être traité sans une large concertation. Cela exige de travailler sur l'ensemble des temps éducatifs, d'avoir une vision éclairée des missions des enseignants et en même temps de ne pas évacuer la question des moyens à mobiliser pour permettre une offre éducative de qualité sur tous les territoires.
Qu'allez vous faire, selon quelles modalités et selon quel calendrier qui ne place pas les collectivités dans une urgence insupportable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, vous posez une question de société qui nécessitait une large concertation publique. C’est la raison pour laquelle j’ai installé, il y a plus de quatre mois, une conférence nationale sur les rythmes scolaires qui permettra d’examiner l’ensemble des contributions, et nous attendons la vôtre avec beaucoup d’intérêt et d’attention.
La question des rythmes scolaires ne se résume pas à celle des quatre jours ou quatre jours et demi dans le primaire. Sur ce sujet, votre commission parlementaire vient de rendre ses préconisations. À cet égard, je tiens à saluer le travail qui a été mené sous l’autorité de Mme Michèle Tabarot, qui permet une véritable contribution intéressante et qui sera examiné.
Mais nous devons nous poser la question plus globale de l’organisation du temps scolaire tout au long de l’année. Je rappelle que nous sommes le pays qui a le plus grand nombre d’heures de travail de cours réparti sur le plus petit nombre de journées de classe par rapport à d’autres pays.
M. Albert Facon. Il faut faire du sport !
M. Luc Chatel, ministre. Nous devons aussi nous poser la question de l’organisation de la journée. Vous évoquez le sport ou les activités culturelles à l’école. Nous devons nous interroger sur la mise en place de ce type d’activité. Vous savez que nous expérimentons actuellement, dans 124 collèges et lycées, un rythme partagé entre les activités pédagogiques le matin et le sport et la culture l’après-midi.
Vous le voyez, monsieur le député, j’ai voulu qu’il y ait une conférence globale qui travaille pendant de nombreux mois. Je rappelle que les assemblées des collectivités locales sont associées à cette démarche. Dès le mois de janvier, les premiers éléments des consultations me seront transmis, et c’est seulement à la fin de cette année scolaire que l’ensemble des préconisations me seront remises, ce qui nous permettra de décider de l’organisation nouvelle de nos rythmes scolaires pour un meilleur équilibre entre ce qui se passe dans et à l’extérieur de l’école.