Je viens de passer une très bonne semaine de vacances en chambre d'hôte à proximité du lac de Vassivière, dans le département de la Creuse.
Vous ne connaissez pas le lac de Vassivière ? Il faut corriger cela au plus vite !
Commençons par la géographie : écoutons Wikipédia nous le présenter : Le lac de Vassivière (Vaciviéra en occitan) est un lac artificiel français de 9,76 km² (à quelque chose près la superficie de la ville d'Agen, ce qui n'est pas rien) qui fut créé par la construction d'un barrage hydroélectrique situé sur la Maulde à la sortie de son vallon encadré par ses deux collines, à l'endroit idéal pour construire un barrage.
Plan d'eau le plus important du Limousin et un des plus grands lacs artificiels de France, il se situe au nord-ouest du plateau de Millevaches, au sein d'une forêt épaisse, réparti sur les départements de la Creuse et de la Haute-Vienne.
Continuons par des commentaires plus personnels : ma femme et moi aimons randonner, sac à dos. Nous avions repéré ce site, je ne sais plus comment, et cette année, nous avions décidé de le jouer « confortable » en prenant l'option « boucles de randonnée » nous ramenant chaque soir dans notre chambre d'hôte où nous attendaient un accueil très « sympa » de nos hôtes et – ce qui n'est pas la moindre des choses – un bon dîner et, le lendemain matin, un solide petit déjeuner. Et nous avons beaucoup marché... dans une nature magnifique, avec notamment des arbres superbes d'une taille extraordinaire (60 m, 70 m de haut ?), le lac immense, mystérieux avec ses îles et ses recoins, un calme, un silence, une solitude rarissimes... C'était en septembre, en dehors des périodes de vacances scolaires. Ce visage de « Petit Canada » sauvage n'est donc clairement qu'un des multiples visages de ce lieu extraordinaire. La présence de plages de sable fin nombreuses était le signe de son visage plus touristique pendant la période d'été. Bref, je vous recommande fortement le (petit) détour pour voir ce coin si original de notre territoire néo-aquitain.
Mais, si j'ai choisi de vous en parler dans cette chronique, ce n'est pas pour ajouter à l'abondante documentation touristique sur ce lac, mais plutôt pour vous parler d'un projet, d'un territoire dont la vocation se transforme avec le temps.
Le lac de Vassivière, c'est d'abord un projet de production d'énergie hydroélectrique dans la France productiviste de l'après-guerre. À l'époque, cette vocation utilitariste est clairement la seule. Nous sommes de 1947 à 1951. Personne ou presque ne conteste vraiment ce projet qui, pourtant, « noie » 1 000 ha de terres agricoles – et quelques fermes – sous l'eau.
Puis, les temps changent, dans les années 1960 et 1970, le docteur Pierre Ferrand, un élu local et régional, surnommé au début de cette décennie « Pierrot le Fou » pour avoir rêvé de faire venir des touristes sur le plateau des Millevaches, va avoir l'audace de faire aménager les bords du lac en site touristique. Il réussit à convaincre divers soutiens, dont le Conseil général de la Creuse... Une autre vocation, touristique, va naître : plages, ports, villages de vacances, restaurants, hôtels et campings vont se développer, attirant du printemps à l'automne vacanciers, plaisanciers, touristes, promeneurs, randonneurs...
Ces dernières années, une dernière vocation émerge : celle de réserve de biodiversité. Le lac de Vassivière présente plus de 7 600 hectares de zones naturelles regroupant 15 petites zones identifiées comme Zones Naturelles d'Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF).
Le lac de Vassivière et ses abords représentent et protègent, dans des conditions optimales, le paysage traditionnel du plateau de Millevaches, avec ses tourbières, étangs tourbeux, landes et forêts ainsi qu'avec toute la faune qui les accompagne, complétée par une population diverse et nombreuse de poissons en tout genre ayant véritablement « adopté » le lac. À juste titre, Alain Rousset, président du Conseil régional, a pu parler du lac de Vassivière comme d'un « Totem de la biodiversité ».
Lac artificiel producteur d'électricité dans les années 1950, pôle nautique touristique dans les années 1970, réserve de biodiversité dans les années 2000. Quel chemin parcouru par ce projet où les hommes et la nature ont su et savent toujours travailler ensemble.
En bon Lot-et-Garonnais, à Vassivière, j'ai pensé à notre lac de Caussade, lieu emblématique du conflit de l'eau qui secoue notre département depuis 2018 (lire ma chronique de janvier 2019).
Et j'ai pensé à Caussade comme le (tout) petit frère de Vassivière : 20 ha de superficie, 900 000 m³ de réserve d'eau pour Caussade, contre 9 760 ha et 110 millions de m³ pour Vassivière. Les deux lacs ne jouent clairement pas dans la même catégorie.
Mais leurs vocations sont les mêmes :
Vassivière a d'abord été un lac artificiel fait pour produire de l'électricité. Caussade est aussi un lac artificiel fait pour l'hydraulique agricole.
Vassivière est devenu un pôle touristique majeur. À son échelle, Caussade est en train de devenir un pôle touristique de proximité avec balades, sports nautiques, etc.
Vassivière est un totem de la biodiversité limousine, Caussade est en train de devenir un foyer de biodiversité de ce pays de Serres Lot-et-Garonnais.
Le lac de Caussade suit clairement le chemin vertueux de son grand frère de Vassivière.
Et c'est très bien quand il en est ainsi.
L'homme et ses projets avec la Nature, le progrès et l'écologie « la mano en la mano »...
Et si c'était cela, la vraie leçon de nos deux lacs ? Il faut en finir avec un rousseauisme de bas étage qui proclamerait que l'état de nature initial est forcément l'état optimal et que l'intervention de l'homme ne peut que l'abîmer, le détériorer...
Vassivière et Caussade témoignent de l'existence d'autres chemins autrement plus vertueux où l'homme et la nature conjuguent leurs efforts pour progresser socialement, économiquement, écologiquement dans un seul et même élan.
En voilà une bonne nouvelle !
@+,
Jean Dionis, Maire d'Agen