Il y avait du bonheur et de l’envie dans les allées du centre des congrès d’Agen, qui recevait, samedi dernier, l’assemblée générale des 317 Maires du Lot-et-Garonne. Il y avait beaucoup de nouveaux maires (121, soit un taux de renouvellement de 38 % anormalement haut dans un département rural), enfin de nombreuses femmes maires (71, soit 22 % de notre assemblée).
Il y avait, aussi, du bonheur de pouvoir se retrouver, pour faire connaissance, pour commencer à s’organiser après la chape de plomb du COVID et les élections chaotiques que cette épidémie avait provoquées (2ème tour organisé 3 mois après le 1er, campagne électorale fantomatique, participation en chute libre,…).
En cohérence avec ma décision de me représenter à la Mairie d’Agen et à la présidence de l’Agglomération, je sollicitais un nouveau mandat de la part de mes collègues pour être le président de notre vénérable association des Maires du Lot-et-Garonne. Et mes collègues ont eu la gentillesse de me renouveler leur confiance.
Pourquoi faire ? C’est la bonne question.
D’abord pour faire ce que fait notre association depuis 109 ans et qu’elle fait plutôt bien, à savoir le triptyque :
- La défense judiciaire de chacun de nos collègues lorsqu’il est attaqué en justice, en tant que maire,
- La formation et l’information des maires sur des sujets très opérationnels (gens du voyage, défense contre les incendies, etc…),
- La convivialité entre les maires du 47 et la culture générale à l’aide de voyages pour découvrir d’autres cultures, d’autres gouvernances.
Ce socle doit être respecté.
Mais j’ai proposé à mes collègues de devenir une véritable association, influente, au service des exigences de fond des maires du 47.
Pour moi, en effet, après avoir été longtemps ignorés, les temps changent et les maires sont à nouveau écoutés…Que s’est il passé pour que l’appareil d’Etat et la technocratie fassent à nouveau appel aux maires ?
Très simple. Deux crises inédites, toutes deux d’une violence inouïe : les Gilets jaunes et la COVID.
A l’issue de la crise des gilets jaunes, tout le monde avait compris qu’il était impératif de s’occuper enfin des 20 millions de Français qui vivent en dehors de l’Ile-de-France et des 23 métropoles générales.
A l’issue de la crise du COVID, l’Etat a durement éprouvé la solitude de ses services, à l’exception des gendarmes, policiers et de nos pompiers, encore présents sur tout le territoire national, pour faire respecter le confinement et en assumer toutes les conséquences économiques et sociales. Le temps des subdivisions territoriales des Directions Départementales de l’Equipement et celui d’équipes importantes en sous-préfecture, ce temps là est terminé.
Et tout le monde a été très content de pouvoir s’appuyer sur la famille des 317 maires Lot-et-Garonnais, leurs 3 000 collègues, adjoints et conseillers municipaux et leurs 6 000 employés territoriaux pour établir un dialogue efficace entre l’Etat et chacun de nos compatriotes, ceux-ci vivant dans une diversité de situations extrême ainsi que pour maintenir en temps de crise les services essentiels.
L’arrivée de notre Premier ministre actuel, Jean Castex, et son application bienvenue de respecter les territoires sont tout sauf un hasard. Ce choix est d’abord le constat du caractère incontournable de ce lien « Etat- Maires ». Le terrain est donc dégagé pour que nous ayons de la part des autorités nationales une écoute, une attention toutes nouvelles.
A nous maintenant de savoir nous en saisir. C’est très bien d’être écoutés. Encore faut-il que nous ayons, nous les maires, des revendications politiques fortes et partagées par l’ensemble des maires du 47 au niveau départemental et de France au niveau national.
- Première condition nécessaire, il faut que nos associations départementales et l’Association des Maires de France à un niveau national grandissent en ambitions et en moyens pour pouvoir mener localement et nationalement ces batailles : celle de la présence médicale, celle des infrastructures routières et de télécommunications en milieu rural, celle des transports publics, etc…A nous, les maires du 47, d’avoir le courage de nous organiser comme le réclament notre indépendance et nos nouvelles ambitions.
- Deuxième condition nécessaire, l’efficacité sur le terrain des maires. Pour cela, le maire doit rester une figure d’autorité alliant proximité et écoute d’une part et capacité de décision et d’action d’autre part. Comme j’ai pu le dire lors de notre assemblée générale, le maire « à portée d’enguelade » : oui !, mais le maire « paillasson » : non ! . En clair, nous ne serons utiles et respectés que si nous assumons ce beau rôle de chef de village que nous reconnaissent spontanément nos concitoyens.
- Enfin, troisième condition nécessaire, nous devons être des femmes et des hommes de mouvement et d’audace. Notamment sur un enjeu décisif pour le pays et plus spécialement pour cette fameuse France « périphérique » des petites et moyennes villes ainsi que de la ruralité : celui de l’évolution du maillage communal. A nous d’avoir l’audace et le courage de faire émerger les bourgs de services qui permettront aux villages résidentiels de se développer. A nous d’oser, volontairement, « les communes nouvelles » ? Au nom de quelle logique, faudrait-il sanctuariser notre organisation communale de manière intouchable à partir du maillage des paroisses catholiques de 1795 ?
Si nous avons le courage politique de satisfaire ces conditions, et je suis optimiste là-dessus, alors les années qui viennent pourraient bien être celles du « temps des maires ».
Merci tout d'abord aux Maires qui, comme celui de ma commune (Foulayronnes) ont procuré des masques à leurs "administrés" pendant que les représentants de l'Etat disaient n'importe quoi pour justifier leur imprévoyance. Mais je doute que la re centralisation en marche forcée qui s'opère depuis une dizaine d'années soit stoppée :
- la re centralisation et le frein au développement local ont commencé avec la régionalisation des Chambres de Commerce et d'Industrie et l'assèchement de leurs fonds de réserves qui leur permettaient d'investir en appui des entreprises locales (comme par exemple la pépinière et l'immobilier d'entreprises à l'Agropole) ;
-puis la re centralisation a continué par la mise à la charge des collectivités locales des dépenses en augmentations (comme le RSA aux départements) sans participation supplémentaire de l'Etat et même en leur diminuant leurs ressources fiscales avec la suppression de la taxe d'habitation;
-et ça continue, cette fois-ci avec les Régions pour cibles, avec l'annonce par Jean Castex de la suppression de la part régionale (et non pas celle de l'Etat) des taxes de production des entreprises.
Non hélas, le coronavirus n'a pas tué le jacobinisme...