Quitter les réseaux sociaux ? Quelle drôle d’idée, me direz-vous pour quelqu’un qui anime un blog depuis 2006 et qui est un « twittos » depuis 2009, avec des statistiques très honorables de 3,4 tweets par jour, 364 personnes suivies par moi-même et 6 155 abonnés.
Mais je l’avoue… l’idée a traversé mon esprit pendant ces vacances d’été et moi, qui pour le débat public, ne crois qu’au débat contradictoire à condition qu’il soit vrai, j’ai pensé utile de partager cette question avec celles et ceux qui, depuis des années, suivent mon blog.
Essayons d’abord de poser clairement le débat. Les réseaux publics concernés ne sont pas ceux centrés sur des cercles familiaux ou amicaux très resserrés, telles les boucles Whatsapp, qui ne posent pas du tout les mêmes types de problèmes.
Je me concentrerai sur ceux qui ont vraiment vocation à être ouverts au public, librement…..ou presque, nous y reviendrons.
Commençons donc par le début. Qu’est-ce qui m’a fait aller sur les réseaux sociaux en 2009 ? Soyons clairs, cela tient en un mot, la désintermédiation. L’idée que je pouvais suivre les réactions, les écrits, les vidéos de personnes qui comptent pour moi dans des domaines divers, la politique, la religion, le sport, la culture, et cela de manière directe et instantanée, sans la médiation de journalistes ou de tiers quelconques, m’a séduit et, de manière symétrique, que le parlementaire que j’étais ou le maire que je suis puisse être suivi directement par des personnes qui s’intéressent à son travail parlementaire ou municipal…. oui, ce concept initial m’a séduit et a séduit des millions de personnes…
Alors pourquoi cette question quant à la pertinence de quitter les réseaux sociaux, pourquoi ces états d’âme pratiquement onze ans après ?
- D’abord parce que je passe trop de temps sur les réseaux sociaux : Pas pour écrire mes 3,4 tweets par jour, non mais en y « surfant », c'est-à-dire en y trainant paresseusement… Suis-je plus paresseux, plus curieux que le « twittos » moyen ? Je ne crois pas. J’ai par contre acquis la conviction que Twitter, comme les autres grands réseaux sociaux publics (Facebook, Instagram, …..) sont devenus de redoutables pièges à attention. La lecture du livre « la civilisation du Poisson rouge » de Bruno Patino (lire ma chronique http://jeandionis.com/blog/civilisation-du-poisson-rouge-notes-lecture-addiction-au-numerique) a fait tomber bien des écailles de mes yeux. Twitter 2020 est loin, très loin du concept simple de désintermédiation de 2009. Twitter est devenue une machine à capter mon attention (propositions de personnes intéressantes à suivre selon mon profil, publicités ciblées, élargissement sans fin du périmètre vous concernant, etc.…..).
Bien entendu, le contenu que je lis ou regarde sur Twitter peut être intéressant, mais Twitter agit comme le divertissement au sens pascalien du terme, en vous détournant de vos sujets de travail, de réflexion prioritaires.
Je n’ai pas à partager avec vous mes statistiques de temps d’écran, mais sachez juste – pour être dans la litote – qu’elles posent problème.
2. Parce que la contradiction sur Twitter n’a rien à voir avec l’essence même du débat public lorsque celui-ci est ouvert et honnête intellectuellement. Je ne m’arrête même pas sur le fait que la contradiction sur les réseaux sociaux soit inutilement méchante, agressive et excessive. Mais, elle est aussi bien souvent lâchement anonyme, empêchant tout travail de rapprochement entre la personne émettrice d’une idée et le contenu de cette idée, ce qui vide le débat, en grande parte, entre le contradicteur et le contredit.
Et donc, je quitte twitter ? Et bien non, pas tout de suite….
Je ne quitte pas tout de suite :
- Parce que le concept initial, se « brancher » directement sur le gazouillis – à savoir la réaction immédiate à l’actualité - de personnes qui vous intéressent, reste un concept intéressant , même dilué et enseveli sous les publicités et autres propositions de contenus bien éloignées des personnes que vous avez présélectionnées.
- Mais surtout, je reste sur Twitter parce que Twitter en 2020, c’est un peu comme le Métro en 1970. C’est devenu un lieu social majeur et on y rencontre le corps social dans sa diversité et notamment les jeunes, qui sont les grands absents de votre vie politique, de nos campagnes électorales, C’est à nous d’aller vers eux… et donc d’aller sur Twitter à la rencontre de ces jeunes adultes.
L’élan du départ, sur Twitter, s’est bien calmé. Moins d’enthousiasme de ma part, plus de maturité. Plus de maîtrise de l’outil et de ses dérives… J’y reste au final parce que les gens y sont et qu’un élu, qui se respecte, va au devant des gens, de l’opinion publique. Et parfois, au hasard de journées banales, il y a la grâce de rencontres imprévues, comme celle qui nous amenés à réfléchir et à changer notre politique d’accueil des cirques à animaux sauvages, qui, sans twitter, n'aurait pas été aussi vite à notre Agenda.
Reste le problème du poisson rouge… et de son impossibilité à rester concentré plus de quelques secondes sur un sujet donné. Je crois qu’il me faut lutter, qu’il nous faut lutter contre ce poison qu’est la consommation au fil de l’eau de temps d’écran. Les remèdes, par forcément efficaces chez tout le monde, s’appellent : limitation volontaire du temps d’écran, un bon film, un bon livre, une bonne balade entre amis…
A chacun, les siens, certes. Mais vos conseils m’intéressent…..
Le syndicat des « twittos » libres, mesurés et respectueux de ses contradicteurs reste à construire.