Le site officiel
Blogging

› Voir tous les billets du blog

Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Voyage Municipal en Terre sainte...

Publication : 31/07/2023  |  13:53  |  Auteur : Webmaster

 17/07 - Jour 1 : le Voyage  

Nous voilà partis ce lundi matin de juillet pour Arad, qui n’est encore à ce moment-là que la ville jumelle, de notre ville jumelle allemande, Dinslaken.

Nous sommes six : Jean-Marie N’Kollo, mon collègue du conseil municipal en charge des jumelages, Alain Klajman, notre collègue du Conseil municipal, adjoint au sport, et Pierre Dupont, toujours collègue du même Conseil, représentant notre opposition, Valerie Pitous, notre Directrice de Cabinet et enfin Nicolas Castet, notre chargé de mission coopérations extérieures de la Ville d’Agen.

Notre Voyage nous fera transiter par Bordeaux, Francfort, Tel-Aviv et, enfin, Arad.

Ce voyage a une histoire.

Celle de notre rencontre avec Nissan Ben Hamo et la délégation municipale qui l’accompagnait à l’occasion du jubilé organisé par notre ville jumelle commune, Dinslaken,

à l’occasion de son 750ème anniversaire.

Nos amis allemands en se jumelant avec une ville de « l’ennemi héréditaire » que fut la France et avec une ville d’Israël, qui a connu la tragédie ultime avec leur patrie, ont clairement voulu mettre ces deux jumelages sous le triple signe du pardon, de la réconciliation et de la paix.

Comment rester insensibles à leur démarche ?

Et au-delà des symboles, il y a les femmes et les hommes qui incarnent cette volonté de paix. Et, c’est vrai que nous avons tout de suite sympathisé avec nos amis Israéliens et plus spécialement avec leur Maire. Nissan est à la fois brillant et éminemment sympathique.

Bref, nous passons un très bon séjour en Allemagne et en partant, nous nous promettons de rester en contact. Paroles de Gascon ? Eh bien non, nos lettres d’invitation réciproques se croisent et pour des raisons pratiques, c’est à nous Agenais de faire la première visite.

Pour être allé deux fois déjà en Israël, je savais en mon for intérieur que cela ne serait pas si simple. Je connaissais l’âpreté du conflit israélo-palestinien et ce choc de légitimité qu’il est si difficile de dépasser. J’ai donc beaucoup hésité avant de décider de proposer

au Conseil municipal d’Agen de délibérer sur ce sujet.

Ce fut fait lors du Conseil municipal du 26 juillet et comme je l’avais prévu, ce ne fut pas simple à cause de la résonance française du conflit israélo-palestinien. Les fractures, les hésitations, ce soir-là, ne suivirent pas les lignes bien balisées du clivage majorité/opposition. Notre opposition se divisa et notre majorité se lézarda. Mais je veux bien croire que finalement le Conseil municipal, à une large majorité nous a autorisé à nous rendre en Israël tout simplement pour comprendre, pour aller vers l’autre.

Le voyage quant à lui se passe sans encombres. La nuit tombait sur l’aéroport de Tel-Aviv lorsque nous atterrîmes en Israël et c’est donc dans la nuit du désert que nous accueillirent

nos amis Israéliens. Un sommeil réparateur nous attendait. Le choc du désert et de l’histoire d’Israël, ce serait pour le lendemain.

 

 18/07 - Jour 2 : Arad, le choc d’une ville au cœur du désert 

Après une première nuit israélienne, je me réveille, tire les rideaux de ma chambre et… je suis brutalement plongé dans ce désert, plus exactement dans cette zone frontière de deux déserts, le désert de Judée et le désert du Néguev.

De mon balcon, la vision est grandiose mais, elle est, au sens littéral du terme, désertique ; pas un arbre, pas un brin d’herbe, exclusivement minérale.

Bienvenue à Arad, la ville jumelle de notre ville jumelle allemande, Dinslaken. Arad a été fondée en 1962. Elle compte en 2023 plus de 30 000 habitants de toutes origines :

Juifs Sépharades, Juifs Ashkénazes, Beta Israël (juifs d'Éthiopie) Bédouins, et une petite communauté African Hebrew Israelites, plus communément appelée « Hébreux noirs ».

Pourquoi une ville nouvelle, en plein désert et en 1962 ? Arad est clairement le fruit d’une volonté extrêmement forte, celle des fondateurs du nouvel État-Nation d’Israël,

celle de David Ben Gourion, Premier ministre des premiers jours de l’État d’Israël. Ces pionniers s’étaient promis de faire revivre le désert et ils l’ont fait.

Notre matinée fut consacrée à l’urbanisme de cette ville extraordinaire. Nous avions

une guide passionnante, Myriam, architecte et directeur des services techniques de la ville d’Arad. De culture française, parlant couramment notre langue, Myriam nous fit vivre les défis du vivre ensemble dans une ville où la température monte fréquemment au-delà des 40°C et où le ciel ne verse que 150mm d’eau par an, soit environ à peine le quart de ce qui tombe sur notre village d’Agen. Les subtils équilibres entre la volonté de végétalisation et celle d’économiser l’eau, l’ombre créée par des jeux de toile habiles, la circulation de l’air favorisée à chaque fois que c’est possible, les panneaux solaires omniprésents… Oui nous avons pris une sacrée leçon d’adaptation aux changements climatiques.

Après l’urbanisme, le protocole… Enfin, si l’on peut dire, tellement en Israël, les choses sont simples, « casual » comme nous répète Nisan, le Maire, pour nous mettre à l’aise. Nos amis Israéliens nous ont reçus pour cela dans leur Conservatoire municipal de musique. Après un buffet simple, les discours. Le temps de rappeler que nous étions là, grâce et par nos amis allemands, grâce et par leur volonté de tisser au plus profond, au plus obscur de nos nations, des liens d’amitié et de paix pour pardonner et se faire pardonner. L’histoire encore, l’histoire omniprésente en Israël. Et la musique aussi avec les élèves du conservatoire qui avaient imaginé un très beau concert d’accueil. Belle leçon de ce que nous devons faire plus souvent à Agen.

Notre après-midi commença par la visite d’une des usines d’Arad, spécialisée dans les jeux de société et produisant notamment le fameux Rummikub. Nous sommes accueillis par le père du fondateur de cette formidable start-up Israélienne. Je découvre avec plaisir le fameux humour juif lorsque cette personne félicite les Français parce que, eux, ils savent manifester « en cassant et en pillant les magasins » alors que les Israéliens manifestent depuis cinq mois uniquement avec leurs banderoles et leurs gentils chants « We Shall Overcome ». Plus sérieusement, toujours en plein milieu du désert, nous avons trouvé une PME avec un très haut niveau d’automatisation et pleinement concentrée sur sa concurrence-partenariat avec… la Chine.

Nous enchaînons pour la visite du centre culturel de la ville. La municipalité d’Arad mène une politique culturelle très ambitieuse : conservatoire musical, centre culturel ouvert aux résidences d’artiste et aux Art modernes, théâtre de 300 places avec une saison culturelle où l’humour a une place de choix.

Pour le dîner, nous expérimentons une table d’hôte spécialisée dans la cuisine de Tripoli et nous mesurons à quel point Israël mais aussi Arad est un melting-pot forcément ouvert sur le monde comme tous les pays d’immigrants.

Le concept est intéressant et à mon avis transférable à Agen.

Il suppose une famille et une maison qui se consacrent à recevoir des groupes privés

d’une dizaine de personnes et à leur ergot un repas d’une cuisine très spécialisée. A réfléchir.

Le soir, nous prîmes la route pour la forteresse de Masada et pour y assister à un spectacle grandiose en plein air relatant l’histoire de la résistance juive lors de la grande révolte des juifs contre l’empire romain en 70. Cet épisode tragique de l’histoire juive est devenu clairement

un mythe fondateur. J’y reviendrai demain, car nous avons la visite en détail de la forteresse

au programme.

 

 19/07 - Jour 3 :  Massada et l'histoire juïve  

Ce mercredi 19 juillet, nous commençons par nous amuser. Nous amuser cela veut dire pratiquer le folklore local avec la traditionnelle balade en chameau.

Les Israéliens et plutôt les bédouins en ont fait une vraie attraction touristique et nous voilà donc en plein désert de Judée, le matin alors que le soleil cogne déjà très fort, en tandem - J’étais avec Alain Klajman - marchant au pas lent des bédouins dans des décors dignes des meilleurs westerns.

Mais le sommet de la journée fut clairement la visite de la forteresse de Massada. Nos amis Israéliens avaient pris le soin d’une première leçon de culture générale et d’histoire israélienne la veille au soir en nous faisant assister à un spectacle son et lumière qui rappelait l’épopée µ

de la résistance juive à l’oppression romaine.

Il faut absolument lire la page Wikipedia de Massada (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Massada) pour comprendre le déroulé de cette tragédie fondatrice du récit national Juif. Quant à nous, pour la première fois, nous fîmes la descente d’Arad (600 m d’altitude) à la mer Morte (-440m) pour arriver au pied de l’imposante façade de la forteresse. 

Les Israéliens ont bien fait les choses tant sur la Mer Morte avec un complexe hôtelier de haut niveau que pour l’accès à Massada (Musée, téléphérique…). Là-haut, nous attendait Elie, le Directeur de l’office de tourisme d’Arad. Dans un anglais impressionnant, il nous parla des deux histoires de Massada. 

Celle d’abord de sa construction, grandiose, mégalomaniaque, par Hérode le grand, roi juif dans une sorte de protectorat romain, bâtisseur de génie à qui on doit notamment la dernière rénovation complète du temple de Jérusalem… et la construction du palais-forteresse de Massada (entre -37 et -15 av. JC) sur un plateau d’une quinzaine d’hectare avec tout le luxe et le confort Romain et le génie militaire d’un Vauban du Moyen-Orient. 

Si j’ai bien compris, le même Hérode est le père de celui que l’on croise dans les Évangiles lors de la naissance du Christ, que vont interroger les rois mages et qui ensuite déclenche le massacre des Innocents de peur de la concurrence avec un autre « Roi des Juifs ». 

Elie nous expliqua que Massada vit alors sa vie de forteresse et de résidence royale jusqu’à la Révolte des Juifs (66 à 73 après Jésus Christ). Véritable guerre d’indépendance perdue par les Juifs, celle-ci se termina par le siège, la chute et la fin héroïque des combattants de Massada, qui préférèrent le suicide collectif à l’esclavage promis aux Romains pour les vaincus. Massada commença alors sa deuxième vie : celle de la résilience Juive à toutes les épreuves … 

et d’ailleurs, ce fut la conclusion d’Elie notre guide : « Qui a gagné à Massada? Les Romains, on peut le penser à priori. Mais, non, c’est nous les juifs qui avons gagné, car 2 000 ans après, nous sommes toujours là alors que les Romains ont disparu » . 

Après ce moment très fort d’émotions, nous redescendons à la Mer Morte, juste au pied de Massada. Mer morte, ultra salée, donc ultra flottante et nous nous sommes amusés aux photos de cette flottaison surréaliste. Reste que la Mer Morte est effectivement en train de mourir, d’évaporation, de surexploitation par les industries salines, de sous-alimentation en eau potable par le Jourdain. Son niveau baisse de plus d’un mètre par an. Une course contre la montre est engagée pour éviter sa disparition. Des projets existent : un canal de 180 km pour y ramener de l’eau de la Mer Rouge. Trop tard ? L’avenir n’est écrit nulle part. Il est dans la volonté des hommes.

La journée se termine par un dialogue passionnant avec le Maire, Nisan Ben HAMO, sur l’évolution du conflit israélo-palestinien, conflit terrible de deux légitimités territoriales. Nisan gravement nous dit : « la majorité des Israéliens est pour une solution à deux États, abritant l’un, les 9 millions de juifs, l’autre, les 5 millions de palestiniens. Le vrai sujet, c’est la sécurité. Qui garantira la sécurité de ces deux États ? ». Je sens au plus profonde moi-même que Nisan a raison. Il faut chercher dans cette voie un chemin de paix.

 

 20/07 - Jour 4 : Rencontres  

Notre quatrième jour de séjour en Israël fut lui aussi bien rempli. Nos amis Israéliens ont vraiment bien fait les choses en voulant nous montrer ce qu’ils estiment le plus intéressant pour nous et de fait, nous avons multiplié les expériences originales :

Arad a regroupé dans une seule société filiale, une sorte de société d’économie mixte, toutes ses activités commerciales et parmi celle-ci, s’est trouvée une piste de course automobile, une des seules en Israël. Et nous voilà, les uns après les autres, d’abord, faire quatre tours au volant d’une SUBARU de compétition et puis, quatre nouveaux tours, mais cette fois, en étant passager d’un ancien champion de course automobile, Philippe … Émotions fortes garanties !

Nos amis Israéliens nous ont ensuite présenté leur centre d’excellence technologique centré sur trois disciplines : la robotique, l’astronomie, et les biotechnologies. Toutes les écoles d’Arad y vont cinq fois par an suivre une sorte d’éveil scientifique et le Centre, sorte de centre d’activités périscolaires, est ensuite ouvert aux heures périscolaires à celles et ceux qui veulent aller plus loin. Les jeunes d’Arad participent chaque année à des compétitions internationales de robotique et ils se font une fierté d’y briller. Rien d’équivalent chez nous pour stimuler la curiosité scientifique. Faut-il nous en inspirer ? le débat est ouvert …

Arad est aussi une des villes préférées des artistes Israéliens pour qui le désert de Judée est clairement une source d’inspiration. Après le déjeuner sur lequel je ferai ma conclusion, nous voilà dans l’atelier d’Art d’un Ferronnier-sculpteur très connu. Girafe et Dragon immenses, bestiaire à peu près complet, clairement, un immense talent mis en œuvre à partir de matériaux de récupération et commercialisé intelligemment par Internet et les réseaux sociaux bien utiles pour se connecter aux clients susceptibles de payer fort cher ces œuvres extraordinaires.

Mais le plus riche des enseignements de toute cette journée n’était pas dans les activités décrites dessus. Ce fut pour moi les rencontres avec les familles des citoyens d’Arad : En effet, à midi, nous avons déjeuné chez un américain de 75 ans qui s’est marié en Israël à une jeune veuve yéménite ayant perdu son mari dans la guerre du Kippour.

Brigitte, qui fut notre interprète en français, est, elle une étudiante passant quelques mois de vacances dans un kibboutz et y trouvant son mari Israélien.

Le soir, nous dînons merveilleusement bien avec des vignerons israéliens qui s’efforcent de faire pousser les cépages français dans le désert pour en faire de grands vins … biologiques.

Ces destins croisés ne sont pas isolés. Depuis sa création, l’État d’Israël encourage tous les juifs du monde entier à faire leur montée sur le sol israélien (Alyah), prolongeant le mouvement sioniste du 19ème siècle. Et cette volonté d’accueil des Juifs d’où qu’ils viennent a fait d’Israël un incroyable melting-pot d’immigrants d’horizons très différents dont le seul lien est l’attachement plus ou moins fort à la culture et à la religion juive.

La gastronomie est un révélateur de ce melting-pot. Les spécificités Israéliennes n’existent pas en tant que telles, cédant la place aux spécialités de chaque communauté accueillie : marocaine, libyenne, russe…

Incroyable Israël pour les yeux Français, non avertis ! Celles et ceux qui se ferment à cette réalité complexe se condamnent à des discours vides sur ce pays unique.

Nous y reviendrons demain…

 

 21/07 - Jour 5 : Israël  

Ce cinquième jour était construit comme un jour de transition, celle de notre montée d’Arad à Jérusalem.



Mais il commença par un moment magique. J’avais en effet lu dans la documentation sur Arad qu’il était possible de faire du mountain bike dans le désert et me voilà donc suggérer au maire, Nisan, que nous pourrions en faire.

Aussitôt dit, aussitôt mis en musique. Et voilà, Nisan venir nous (Alain, Nicolas et moi) prendre à 6h45 à notre hôtel pour nous embarquer dans le désert. Là, nous avons retrouvé deux jeunes Israéliens, dont l’entreprise de tourisme consiste justement à organiser ces balades dans le désert en mountain bike.

Et oui, ce fut un moment magique, magique par cette alchimie entre une température matinale qui est encore agréable, des paysages somptueux et un effort physique qui comprend à la fois des montées assez sélectives mais surtout des descentes - nous allons vers la mer Morte - où le jeu et l’enjeu sont surtout d’éviter les fameux « cailloux du désert ». Tout se passa bien … Mes camarades de virée et moi garderons longtemps dans nos cœur ce moment d’exception.

Puis, après un dernier moment d’amitié autour d’une dégustation de ces fameux nouveaux vins du Néguev et des Monts de Judée, vint le moment des adieux avec nos amis d’Arad. Le moment de dire merci à Nisan - le Maire - mais aussi à Yara sa Directrice de Cabinet et à toute son équipe à la fois très professionnelle et très chaleureuse : Ila, Myriam, Flori, Shani, David, Philippe, …

Nous nous sommes promis de donner une suite à ce voyage qui était un pari après un premier contact réussi en Allemagne. Nous tiendrons parole. Nous bâtirons une relation forte et durable avec Arad. Je profiterai du Conseil municipal de septembre pour rendre compte de manière détaillée de ce voyage à nos collègues et pour leur faire une proposition d’ensemble sur cette perspective.

Après des effusions de départ très sincères, à nous deux, Jérusalem ! Bien que ce soit mon troisième rendez-vous avec la Ville Sainte, j’étais profondément ému à l’idée

de la retrouver. Nous avons commencé notre séjour à Jérusalem par le consulat général de France et par celui qui en a la responsabilité, notre consul général, René Troccaz. Celui-ci fait part à notre égard d’une grande disponibilité et selon notre souhait, il nous consacre plus d’1h30 pour nous enseigner sur l’histoire et les perspectives du conflit et de la coexistence entre Israël et les Palestiniens.

Il commença par l’actualité, le court terme. Pour lui, à court terme, Israël est fort et contrôle la situation qui de fait n’a pas évolué depuis les derniers accords internationaux d’Oslo (1993). Or, à moyen et long terme, le temps joue contre Israël, compte-tenu notamment des dynamiques démographiques à l’œuvre dans cette région du monde.

15 millions de personnes vivent aujourd’hui dans les limites de l’Etat d’Israël après la Guerre des six jours (1967), 9 millions d’Israéliens dont 2 millions d’arabes israéliens et 5 millions de palestiniens vivant en Cisjordanie. Or la dynamique est du côté des palestiniens avec une fécondité double (4 enfants par femme palestinienne en âge de procréer contre 2 de la part des familles Juives). Notre consul souligne que d’autres difficultés, internes aux Juifs d’Israël, se renforcent et jouent-elles aussi contre la cohésion d’Israël. Il s’agit notamment des vives tensions entre les familles de Juifs orthodoxes (20% de la population des juifs Israéliens) et Juifs séculiers avec là encore, une dynamique démographique défavorables à ceux-ci.



Alors dans ce contexte 2 États, Israélien et Palestinien ou un seul État laïque « à la Française » rassemblant tout le monde, Israéliens et Palestiniens ? Notre consul relaye – normal -la position de la France. Un seul État est difficilement pensable en Terre Sainte (au moins aujourd’hui) compte-tenu des antagonismes religieux présents et des fondements religieux

de l’Etat d’Israël.

Il faut donc oser le chemin extrêmement difficile des deux États. Sur ce chemin, les obstacles sont nombreux : qui assurera la sécurité de ces deux États ? Que faire des 700 000 colons Israéliens en Cisjordanie ? Des 2 millions d’Arabes Israéliens ? Mais c’est sans doute le seul chemin vers une paix durable.

« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples » écrivait le Général de Gaulle en 1929. C’était, à mon insu ou presque, mon cas aussi lors de ce voyage qui nous ramène d’abord à l’humilité et ensuite à l’absolue nécessité de s’inscrire dans le temps long.



Après ce moment très fort d’échange et de réflexions, nous partîmes à la découverte de la Vieille Ville… À suivre demain.

 

  22/07 - Jour 6 : Jérusalem  

 

Cette sixième journée de voyage est notre première journée entièrement consacrée à Jérusalem.



Avec bonheur, nous nous sommes attachés les services d’une guide, Pauline. Celle-ci est une jeune française, pied-noir d’Algérie, la quarantaine, vivant en Israël depuis l’âge de quatre ans. Elle-même se présente à nous, comme juive, sioniste, vivant dans un kibboutz

en Cisjordanie et … de gauche. Pendant deux journées dans la Ville Sainte, elle va être,

pour nous, une indispensable initiatrice à la réalité de Jérusalem et d’Israël.

Avec elle, nous commençons notre visite par le parcours chrétien qui, comme il se doit, part du Mont des Oliviers et se termine au Saint-Sépulcre, en ayant parcouru la Via Dolorosa,

le chemin de croix du Christ. Personnellement, j’ai déjà fait deux fois ce parcours.



Mais l’émotion est intacte.

Dès que commence ce parcours, le récit chrétien sort du champ conceptuel pour s’incarner dans un lieu, Jérusalem et dans un moment de notre Histoire, il y a (à peu près) 2023 ans. Notre guide s’efforce, avec mérite, de faire la part des choses entre les vérités historiques et géographiques établies et celles qui ne le sont pas.

Plus que jamais, en empruntant cette route sacrée, du jardin des oliviers au Saint-Sépulcre, en passant par la Via Dolorosa, j’ai ressenti le conflit fondateur du christianisme au moment où il se détache du judaïsme. Ce conflit oppose la Foi à la Loi, remise à sa juste place derrière les commandements d’amour de Dieu et du prochain, comme le conceptualisera de manière magnifique Saint Paul, quelques années après le départ de Christ. Jésus sait que telle est sa mission, il sait qu’il est le messie de cette bonne nouvelle. Et il sait aussi qu’elle va lui valoir la mort. Et il la trouve sur la colline du Golgotha au Saint Sépulcre…



Comment ne pas réfléchir à Jérusalem, sur nos trois religions du Livre, à commencer par la mienne, le christianisme…

Le Judaïsme, plusieurs fois menacé d’éradication violente et plus que jamais vivant et rayonnant sur la terre de ses ancêtres… à la fois soutenu, protégé et isolé par l’ensemble de ses rites cultuels, vestimentaires, alimentaires…

L’Islam, porté par la soumission au Dieu Grand et miséricordieux et sa dimension planétaire, si éloigné du récit Judéo-Chrétien pour sa partie moderne et si proche… du Judaïsme par

la place qu’il donne aux règles et aux interdits.

Le Christianisme, centré sur la personne de l’Envoyé, Jésus, insistant sur la Foi et l’Amour, relativisant la Loi et les interdits, plus universel, mais plus dilué aussi parfois au risque

de l’insignifiance s’il ne se retrempe pas dans son message originel.

Qui a raison ?

Jérusalem oblige, chacun avec ses convictions, à l’humilité et au respect mutuel. C’est vraiment, pour moi, après ce nouveau séjour en terre sainte, une obligation absolue.

Je sors de mes réflexions pour revenir … à Jérusalem.

Après le récit et le parcours chrétien, direction le quartier Juif et le mur Occidental du Mont du Temple, le fameux mur des Lamentations.

Je suis frappé par la présence nombreuse des Juifs orthodoxes, reconnaissables par leurs manteaux et chapeaux noirs pour les hommes, les femmes et leurs longues robes,

les enfants nombreux, joyeux… J’ai en mémoire toutes les discussions avec Nisan, le Maire d’Arad sur leurs dérogations au service militaire, à la vie professionnelle, etc. et je me sens perplexe et démuni.

Arrive le Parvis et le Mur, seul vestige du temple d’Hérode, splendeur de l’Antiquité, détruit par les Romains en 70. Le site est magnifique, fort et austère. Preuve bouleversante de la résilience Juive. Message porté par tous les Juifs au Monde entier : « Oui, nous sommes là, toujours là, plus que jamais là ». Je m’approche et j’y prie comme au Saint Sépulcre.

J’avais déjà eu, un peu effrayé, lors de mon premier voyage le choc de la complexité de la coexistence des trois religions en voyant le Dôme du Rocher et la Mosquée El Aqsa, construite exactement au-dessus du Mur Occidental. Cette fois, j’ai moins peur. Mais je mesure à nouveau l’obligation vitale du respect mutuel.

Dîner de la délégation. L’alchimie humaine fonctionne bien. Nous sommes heureux de faire ce voyage ensemble et nous passons des heures « de fond de bus » à discuter

de ce que nous devons en faire de retour à Agen.                                               

De notre restaurant, nous voyons à la fois les manifestants contre la réforme judiciaire du gouvernement de Netanyahu et les véhicules de police se déplacer. Par le plus grand

des hasards, nous nous trouvons en Israël à un moment historique où ce pays si singulier est à nouveau à un carrefour existentiel. Quelle place pour la Cour suprême ?

Faut-il une constitution pour Israël ? Sur quoi fonder la nationalité Israélienne et son projet politique ? Le pays bouge dans ses profondeurs et, comme toujours, ce qui se passe ici en Israël, nous concerne tous.

 

  23/07 - Jour 7 : Mémoire et Adieu   

 

Dernière journée à Jérusalem, un dimanche… la fin du Sabbah remet du monde et de la vie dans les rues et nous permet d’aller visiter le troisième lieu Saint de l’Islam, les mosquées du Dôme du Rocher et d’El Aqsa (la falaise). 

Bizarrement, déjà avant ce voyage, ma mémoire de Jérusalem s’était fixée à partir deux points de vue :

Le premier est celui de l’extrême Sud-Ouest du parvis du Mur occidental et qui montre les mosquées du Dôme du Rocher et d’El Aqsa exactement sur le Mur Occidental. Ce point de vue nous appelle à l’humilité devant la complexité de la situation géopolitique créée par l’Histoire.

Le deuxième est à l’Est de la Ville, dans le jardin des Oliviers en regardant vers l’Ouest

Il nous montre toute La vieille Ville et au cœur de celle-ci, la mosquée du Dôme du Rocher avec une beauté à vous couper le souffle.

L’accès à l’Esplanade des Mosquées se fait maintenant sans trop de tracasseries policières et on peut y circuler librement. Les tensions entre communautés juives et musulmanes ont abouti malheureusement à interdire la visite des lieux Saints musulmans aux non-Musulmans depuis quelques années. Reste la splendeur de l’architecture extérieure, pure jusqu’à l’austérité de ses lignes, d’une beauté d’un autre monde comme ce dôme couvert de feuilles d’or.

Les musulmans y vénèrent le sacrifice d’Ismaël par Abraham demandé puis empêché par Dieu ainsi que le départ du Prophète Mahomet vers Dieu pour y recevoir le commandement des cinq prières quotidiennes.

Cette esplanade des mosquées est appelée par les juifs : le Mont du TempleTout est dit dans ce choc des symboles et ce lieu exprime plus qu’aucun autre le choc des deux légitimités historiques qui est non seulement celui d’Israël et de la Palestine, mais aussi de l’Islam et du Judaïsme…

Insoluble ? Désespérant ? J’avoue avoir été, à plusieurs moments de ce dimanche d’exception, gagné par le doute qui vous fait baisser les bras. Mais, en écrivant cette chronique, Cordoue et l’Espagne sont venus me rappeler à l’optimisme (lire ma chronique Andalouse).

Écoutons Maïmonide, grand philosophe Juif cordoban, au temps de la splendeur Arabe en Andalousie (1135- 1204) : « Aujourd’hui, j’ai pu me croire sûr de ma connaissance et demain, obtenir la lumière qui me permettra de reconnaître l’erreur. Parce que rien n’est définitif devant l’avancée continuelle de l’Histoire et de la Science ». La recherche obstinée de la vérité équilibrée par le doute et l’humilité, et donc par l’écoute de l’autre et, enfin, la certitude que l’Histoire et la Science continuent à avancer et nous proposeront des chemins d’avenir.

Mais il était écrit que ce dimanche, nous toucherait au plus profond de nous-mêmes.

Nous voilà partis visiter Yad Vashemle mémorial de la Shoah, de l’holocauste Nazi pendant la seconde guerre mondiale.

Le mémorial est construit à la périphérie de Jérusalem. Il se présente sous la forme d’un grand triangle, choix justifié par son architecte pour nous rappeler que 6 millions de juifs ont été exterminés, soit plus de la moitié de la population juive mondiale des années 1940, le triangle symbolisant cette moitié détruite des deux triangles de l’étoile de David, elle-même symbole du peuple Juif.

Le mémorial est entouré d’un parc planté à raison d’un arbre pour chaque Justecelles et ceux remplissant les trois conditions de cette qualité : avoir sauvé la vie de juifs pendant

la Guerre, avoir pour cela risqué de perdre la sienne et n’y avoir trouvé aucun intérêt financier ou autre… Israël honore 25 500 Justes à travers le monde. Moment d’émotion dans notre groupe lorsqu’Alain, notre adjoint aux sports, retrouve l’arbre des justes Français qui ont sauvé son oncle et sa tante, enfants alors que leurs parents furent raflés et exterminés dans les camps de la mort…

Pour la visite, que dire si ce n’est qu’elle est à la fois leçon d’histoire bouleversante de pédagogie et une question violente sur la possibilité de sombrer dans le mal absolu.  Je croyais avoir beaucoup lu sur la deuxième guerre mondiale et sur la Shoah. Là encore,

Yad Vashem a ouvert mon cœur et mon esprit sur des nouvelles questions vertigineuses. Pourquoi les Alliés qui savaient dès 1942 choisissent de ne pas bombarder les camps de concentration, alors que leurs raids aériens brisent l’effort de guerre allemand ? Pourquoi le Pape Pie XII choisit de ne pas parler à Noël 1942, après avoir beaucoup hésité ? Pourquoi l’Etat Français commet le 16 Juillet 1942 l’irréparable en ordonnant les grandes rafles françaises ? 

Et enfin, comment se vacciner contre le retour, sous d’autres habits, de la folie Nazie ? 

Je n’ai pas d’autre réponse que le message de René Girard, philosophe Français que j’ai eu la chance de croiser. Il faut se méfier, comme de la peste, de toutes celles et ceux qui vous proposent des boucs émissaires trop accessibles lorsque vous souffrez : les juifs pour les Nazis, mais aussi les étrangers, l’Autre…

Notre fin de journée fut plus légère… et plus gastronomique. Notre guide Pauline nous fit faire une balade gourmande dans le marché Mahane Yehuda de Jérusalem.

Nous nous régalâmes à nouveau grâce au fameux melting-pot gourmand Israélien.

La journée se termina par un peu de sieste, de courses … et un très bon repas d’adieu à Jérusalem où Alain, encore lui, nous fit un festival d’histoires juives…

 

  24/07 - Jour 8 : Tel Aviv et la suite  

 

Et c’est déjà le jour de notre retour en France…

Avec d’abord le trajet de Jérusalem à Tel Aviv qui nous rappelle que même petit

(4 départements Français), Israël est divers entre ses monts de Judée, son désert du Néguev,

sa Galilée arrosée par l’eau des Monts Liban… et sa plaine côtière de Haïfa à Tel Aviv, riche, vibrante…

Tel Avivmétropole de 3 millions d’habitants, nous impressionne par sa modernité. Ses tours, sa jeunesse, ses mœurs très occidentales sont la fierté des Israéliens qui lui ont donné le beau nom de « the city which never stops » (la ville qui ne s’arrête jamais).

Au-delà de ce choc de modernité, après nos 4 jours à Arad, Porte du désert, nos 2 jours à Jérusalem, la ville éternelle, Tel Aviv est là pour nous rappeler de ne pas enfermer Israël et la Palestine dans leur passé et présent, fussent-ils grandioses et tragiques. Israël aura un futur qui n’est écrit nulle part et qui sera le fruit de la volonté des femmes et des hommes d’Israël et de la Palestine.

Nathalie Gilbertdirectrice adjointe de l’institut français en Israël, qui nous reçoit pendant plus d’une heure avec beaucoup de bienveillance, nous coach sur le futur de notre initiative :

  1. Attention, la plupart des jumelages entre les villes françaises et Israéliennes vivotent. Vous devrez le fonder solidement sur les réalités d’Agen et d’Arad.

  2. Oui, votre idée d’une initiative trilatérale allemande, française, israélienne de promotion de la paix, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme est une très bonne idée. Elle rencontrera un écho très large et sera aidée financièrement.

Vient enfin le temps du voyage retour, avec ses contrôles de sécurité, nombreux, pénibles, avec le stress des correspondances Tel Aviv - Bruxelles, Bruxelles-Bordeaux, l’A62 entre Bordeaux et Agen…

Retour maison. Je pose les valises et je souffle.

J’en suis sûr. Ce voyage m’a remué, profondément, fortement. Il me reste à en transmettre l’essence à celles et ceux qui me sont chers, à nos concitoyens d’Agen.

Éric-Emmanuel Schmidt m’a brillamment précédé sur ce chemin en écrivant un livre sur

cette essence. J’ai lu son Défi de Jérusalem, pendant le voyage et je vous le recommande vivement. Il vous donnera envie de visiter ce pays unique au monde.

Vive Arad qui nous a offert son amitié !

Heureux d’avoir pu vous faire partager notre voyage,

Shalom à vous et à ceux qui vous sont chers !

Amitiés,

  Jean Dionis  

Maire d'Agen

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.