Maire d’Agen, ville moyenne (33 000 habitants), je suis régulièrement interrogé sur la fameuse stratégie de vaccination contre la COVID-19 suivie par notre gouvernement.
« Jean, comment tout cela est-il organisé ? »
Ce n’est pas un débat vain et inutile. Et je le dis après m’être situé clairement quant à la pertinence de se faire vacciner : je suis, sans aucune ambiguïté, pour. 100% pour. (lire ma chronique http://jeandionis.com/blog/urgent-se-vacciner-contre-complotisme ).
Mais, organiser la vaccination de la plus grande partie de la population d’un pays de 67 millions d’habitants est un défi organisationnel majeur et celui-ci se construit à partir de choix éthiques et logistiques qui doivent être débattus dans la plus grande transparence citoyenne.
Le président de la République, dès le 31 décembre 2020, a présenté quelques uns de ces choix :
- La vaccination ne sera pas obligatoire et elle sera gratuite. Bons choix ou mauvais choix ?
Bons choix à mon avis. Que cela nous plaise ou non, le France est le pays d’Europe le plus sceptique par rapport à la vaccination, même si les lignes sont en train de bouger dans l’opinion publique en faveur de la vaccination. Convaincre les citoyens opposés à la vaccination ne peut pas se faire, par la violence, contre leur volonté, même si on est obsédé par le fait d’atteindre l’immunité collective le plus rapidement possible. Le choix de la contrainte aurait divisé profondément notre pays.
Même accord sur la gratuité. Ce principe est cohérent avec la prise en charge totale par notre sécurité sociale des maladies graves. Faire le contraire aurait créé des inégalités insupportables en matière d’accès au vaccin.
Autre choix fondamental de notre campagne nationale : celui de partir des personnes les plus fragiles devant la COVID : les résidents dans nos EHPAD ainsi que des plus exposés : personnel dans les EHPAD et personnel de santé (médecins, infirmiers, pompiers, aides à domicile, etc…) de plus de 50 ans ou étant atteints d’autres maladies (les fameuses comorbidités).
Là encore, bon choix ou mauvais choix ? A mon avis, bon choix. Choix de fond, choix d’une éthique résolument humaniste. Soyons clairs. J’ai entendu des choses affreuses sur les radios ou les télévisions que j’écoute et je regarde. Certains discours ont maintenu publiquement qu’il aurait mieux fallu vacciner les plus de 50 ans ou de 60 ans qui auraient 20 à 30 ans d’espérance de vie et laisser nos anciens mourir (seuls) dans les EHPAD.
Je refuse et il nous faut refuser avec la plus grande énergie ces prises de position eugénistes qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire. L’humanisme d’une société, mais aussi d’une politique publique s’évalue, les yeux fixés, sur le sort réservé aux plus faibles (personnes âgées, personnes handicapées, etc…). Il est donc à notre honneur et à celui du gouvernement que de construire une stratégie de vaccination qui aille des plus exposés aux moins exposés.
Et cela n’a strictement rien à voir avec la stratégie du naufrage en mer qui pourrait être mise en avant. Quand chacun est menacé de la même manière de noyade imminente, il est humaniste de dire et de mettre en œuvre le fameux : « Les femmes et les enfants d’abord ! ». Dans de telles conditions, il est humain et digne de protéger celles qui donnent la vie, les femmes et l’avenir, les enfants. Mais avec la COVID, nous ne sommes absolument pas dans cette situation avec les enfants, Dieu merci, épargnés et les jeunes adultes rarement touchés sévèrement.
Mais alors, pourquoi, diable, cela n’avance –t-il pas plus vite ?
Le cœur de problème est celui des doses disponibles et au final des doses administrées en France.
Commençons par l’approvisionnement de ces fameux vaccins. La France a fait le choix d’acheter ses vaccins en passant par une commande groupée de l’Union Européenne auprès du seul producteur opérationnel du moment, Pfizer/BioNtech. Bon choix ou mauvaix choix ?
Bon choix, à mon humble avis. Non seulement pour des raisons commerciales évidentes (on est plus fort dans une négociation commerciale quand on pèse plus lourd au niveau de la commande passée), mais c’est un bon choix surtout pour des raisons éthiques. La solidarité européenne exige que chacun des 27 pays européens ait un égal accès au vaccin. Dès lors, la répartition des vaccins entre pays européens au prorata du nombre d’habitants était la seule règle moralement digne et juste.
Enfin, ce choix semble devoir être efficace à moyen terme puisque après quelques jours de discussion, le principe est acquis : les vaccins européens contre la Covid-19 validés continueront à être répartis entre les 27 au prorata de la population. La France peut donc revendiquer toujours 15 % des doses et l'Allemagne 18,6 % des 300 millions de doses supplémentaires précommandées par l'Union européenne au laboratoire Pfizer/BioNTech (en plus des 300 millions de doses du premier contrat européen). Donc, d'ici fin mars, il n'y aura plus de pénurie sur le sol Français, parce que la France aura commandé 90 millions de doses de ce vaccin et qu’elle aura été livrée régulièrement sur cette base.
L’horizon va donc s’éclaircir rapidement quant à l’acquisition des doses de vaccins. Mais qu’en est-il de la diffusion et au final de la vaccination ? Hier soir, samedi 16 janvier, la France avait été livrée de 1,5 million de doses et seules 410 000 avaient été administrées. Un taux de vaccination effectif de 27,5 % qui est, en effet, bien médiocre, même si une partie de l’explication de ce mauvais chiffre se trouve dans les choix faits ci-dessus que je défends (priorité aux EHPAD, etc…).
Et nous touchons clairement là le point faible de cette stratégie de vaccination : l’organisation de l’aval de cette gigantesque opération de logistique. Je suis bien placé en tant que maire pour voir les lacunes de l’organisation à ce niveau là de la chaine logistique : stratégie de déploiement des centres de vaccination hésitante, mobilisation insuffisante de corps médical et notamment de ses retraités, exclusion incompréhensible de certains professionnels (pharmaciens, etc…), budgets décentralisés de l’Etat , préfectures départementales et ARS comprises, inexistants…C’est sur ce maillon faible de la chaîne logistique qu’il est urgent de porter l’effort. A ce niveau, il est urgent de corriger un certain nombre de mauvais choix.
Et je crois être crédible pour pouvoir le dire haut et fort ayant été depuis le début de cette pandémie l’avocat inlassable du pilotage de cette crise par l’Etat et pour la mobilisation des maires derrière le pilotage effectif des Préfets de département.
Quant on prend de la hauteur et que l’on considère la campagne de vaccination française dans son ensemble, elle est pour l’essentiel fondée sur des principes solides, efficaces et fraternels. Même si je suis minoritaire dans l’opinion publique, je n’ai aucun problème pour le dire haut et fort.
Reste la logistique aval, véritable point faible du dispositif français. Là, il faut bouger ! vite, fort !
Je veux rester optimiste. Le pire n’est jamais certain.
"Rappeler les heures les plus sombres "je trouve que vous y allez un peu fort monsieur le maire. Il s'agit simplement d'une stratégie différente qui consiste à isoler nos aînés et les vacciner dans un second temps afin de vacciner les travailleurs de plus de 50 ans et relancer la machine économique dont l arrêt prolongé a et aura des conséquences terribles dans les mois à venir (je parle là des suicides dépressions décrochage social...). Pas grand monde ne semble s en soucier c est pourquoi la question de vacciner ces personnes en amont se pose à mon avis
Cordialement
Enfin un texte constructif,
Monsieur je vous félicite pour ce message et venant d'un citoyen belge....pays aux multiples facettes et divergences.
Chez nous les débats sont moins soutenus et au quotidien je suis surpris que peu de personne ne s'intéresse aux vaccins, les differents type, l'importance de la vaccination.
Article trs intéressant, prise de position fondée...chapeau bas mr.