Pub à la télé après 20h : Les coulisse d'un couac gouvernemental

La fin de semaine dernière a été le théâtre d’un couac gouvernemental sur un dossier que je connais bien pour y avoir travaillé comme parlementaire : la présence de la publicité après 20 h sur l’audiovisuel public.

C’est d’ailleurs une des lois de la Présidence Sarkozy contre laquelle j’ai voté et qui m’a valu une convocation et une explication en règle de N.Sarkozy lui-même à l’Elysée (je me permets de vous renvoyer à mon intervention à l’assemblée le 16/12/2008 « Suppression de la pub à la télé ? Pas maintenant et pas comme ça ! http://www.jeandionis.com/info.asp?id=503 )

Je vous propose de vous amener dans les coulisses de ce couac, très éclairant sur le fonctionnement du gouvernement actuel.

Commençons par les faits :

Depuis 2009, la publicité a été supprimée sur les chaînes de l’audiovisuel public entraînant un manque à gagner estimé récemment par le Sénat à plus de 620 millions d’€ par an. Pour le pallier, l'Etat avait mis en place deux taxes sur les opérateurs télécoms et les télévisions privées. Depuis, la Commission européenne souhaite que la France supprime ces deux taxes au nom d'une distorsion de concurrence entre acteurs privés et publics. La France a contesté cette position auprès de la justice européenne.

Début du couac : Jeudi dernier, Jérôme Cahuzac n'avait pas exclu le retour des écrans publicitaires en soirée, trois ans après leur disparition décidée par la précédente majorité. Sur BFMTV et RMC, il avait précisé qu'il ferait cette recommandation en cas de censure, par les instances européennes, de la taxe sur les opérateurs censée financer – en partie - le manque à gagner de la suppression de la publicité, estimé à 450 millions d'euros.

Le lendemain, Vendredi, Aurélie Filippetti, sa collègue de la Culture, le taclait sèchement sur les ondes de France Inter, rappelant que c'était elle la patronne du secteur et que, forte du soutien du président et du Premier ministre, elle n'autoriserait pas de retour de la publicité en soirée sur le service public, avec des mots particulièrement durs pour son homologue, estimant que "le ministre délégué au Budget peut avoir des idées personnelles, qu’ il fait la démonstration de la preuve de son 'imaginativité » (sic). Violente attaque au point que J.Cahuzac estimait « avoir été vitriolé en public »

Et pourtant Samedi à son arrivée à la Rochelle, Jerôme Cahuzac fait profil bas, estimant que l'incident était clos, juste avant que Jean-Marc Ayrault ne siffle la fin de la partie. En effet, le Premier ministre a rappelé que la suppression de la publicité faisait donc l'objet d'un contentieux qui n'est pour l'instant pas jugé "et qui ne le sera pas avant l'année prochaine". "Il n'y a pas besoin de faire des spéculations"…..circulez, M.Cahuzac, il n’y a rien à voir. Fin du couac…..pour le moment.

Et maintenant essayons-nous à une petite analyse :

Sur le fond, Cahuzac a raison. L’Etat Français va perdre l’an prochain son contentieux contre les opérateurs télécom devant la justice Européenne concernant la taxe sur les opérateurs Télécom et la justice Européenne présentera à l’Etat Français une facture d’environ 1 Milliard d’€ . Tous les observateurs de ce secteur d’activité estiment très probable cette issue. Gérer en bon père de famille, c’est donc s’y préparer en envisageant toutes les options ouvertes :

1 ère option : On accepte de pérenniser le manque à gagner (environ 450 millions d’€). Il faut alors le dire et accepter la diminution du volume et de la qualité de la production de l’audiovisuel public (comment gérer autrement une baisse de 15% de son budget d’environ 3 Milliards €)

2ième option : On refuse la dégradation de l’audiovisuel public et on augmente sa recette fiscale affectée à savoir la redevance télévisuelle (123€ par an et par foyer, un produit global de 2,1 Milliards). Il faudrait donc envisager une hausse comprise entre 20 et 25% de la redevance ….qui passerait de 123 € à 155 €/an et par foyer). C’est clairement l’option la plus raisonnable …..Mais la plus difficile au niveau politique. Notons juste pour l’instant que J.Cahuzac n’en a pas dit un mot.

3ième option : Celle proposée par J.Cahuzac …..Le retour de la pub après 20h30 sur les chaînes de l’audiovisuel public.

Résumons-nous :

Jeudi soir, Cahuzac fait « son boulot » de ministre en se prononçant pour une des trois vraies options ouvertes par rapport au problème qui nous arrive « droit devant », même si il ne fait pas preuve d’un grand courage politique en ne mentionnant même pas comme option possible, la hausse de la redevance.

Vendredi et Samedi, Aurélie Filipetti et JM.Ayrault adoptent sciemment la politique du déni de réalité appelée communément « politique de l’autruche »

Samedi soir, J.Cahuzac, le grand chevalier blanc de nos finances publiques…..se couche, mettant en œuvre avec application la belle maxime de J.P.Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne »….En l’occurrence, il décide de fermer sa gueule !

Quelles leçons tirer de ce couac :

1-Les tensions entre le Ministre du budget et de la culture sont très vives. Ce n’est d’ailleurs pas incompréhensible.

2-JM Ayrault a préféré arbitrer pour ce qui est une vieille lune de la gauche – la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public – plutôt que pour le redressement de nos finances publiques. C’est un mauvais signe.

3-J.Cahuzac qui, au départ, avait une position juste, s’est bien vite aligné sur la position arbitrée. Vous avez dit faux dur ?


Pour le reste, les faits sont têtus. Je vous donne rendez-vous lors du délibéré prochain de la cour de justice de l’Union Européenne, sans doute début 2013. Pour un nouveau couac ?

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