Je n’ai jamais été en Nouvelle-Calédonie. Je n’ai pas de connaissance approfondie des réalités de ce pays. J’assume donc pour cette terre lointaine un regard de Français métropolitain, donc forcément sommaire, forcément incomplet et faux à bien des égards. Mais je crois profondément à l’influence de ce regard de métropolitain, comme moi, sur le destin calédonien.
J’ai regardé avec intérêt et une pointe d’inquiétude, les résultats du référendum de ce dimanche 4 novembre 2018.
Avec intérêt et avec inquiétude car je suis de la génération qui a vu la situation néo-calédonienne dégénérer dans les années 1980, aboutir à une situation de guerre civile larvée, au drame d’Ouvéa en 1988 et éviter la guerre civile de justesse (lire notamment : https://www.francetvinfo.fr/politique/referendum-en-nouvelle-caledonie/recit-nous-sortirons-avec-la-paix-ou-la-guerre-comment-la-nuit-du-25-au-26-juin-1988-a-mis-fin-a-la-crise-en-nouvelle-caledonie_2977865.html ) grâce aux hommes de paix que furent Michel Rocard, Jean-Marie Tjibaou, et Jacques Lafleur, signataires des accords de Matignon en 1988 et grâce à la promesse d’un référendum sur la question de l’indépendance trente ans plus tard en 2018.
Je savais donc que cette histoire calédonienne avait un potentiel tragique, non sans ressemblance avec le drame algérien qui secoua la France au plus profond d’elle-même dans les années 1960. Il n’était juste pas possible d’avoir pour la Nouvelle-Calédonie la désinvolture excédée dont avait fait preuve Raymond Barre pour la Corse avec son fameux : « Si les Corses veulent l’indépendance, qu’ils la prennent ! ».
Et nous y sommes à ce fameux 4 novembre 2018.
Et d’abord, comme l’a souligné le Président de la République, Emmanuel Macron dans son allocution forte et optimiste, la promesse de ce rendez-vous démocratique a été tenue, malgré les très nombreux changements de majorité à Paris et à Nouméa. Ce rendez-vous s’est tenu dans des conditions de sincérité démocratique saluées par tous (observateurs ONU, représentants des deux «camps »,etc …).
Ensuite, le rendez-vous a été honoré par le peuple calédonien. Celui-ci a participé en masse à ce référendum clair et décisif puisque la participation y a atteint plus de 80 %.
Le résultat est maintenant connu. C’est une victoire du « Non » avec 56,4% des suffrages exprimés. Cette victoire donne donc une légitimité indiscutable aux partisans de la Nouvelle-Calédonie Française, dans le cadre des accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998), qui ont donné une très large autonomie à la Nouvelle-Calédonie, mais aussi à ses trois provinces (Nord, Sud et îles Loyauté). La réussite de cette décentralisation « extrême » où l’Etat national ne conserve que les compétences strictement régaliennes (Défense, Affaires étrangères, Justice et sécurité,…) devrait d’ailleurs faire réfléchir les chantres d’une recentralisation, archaïsme mortifère, en Métropole.
Et maintenant, que va-t-il se passer ? L’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie nous apprend que « là-bas, plus qu’ailleurs la vie ne connait pas l’immobilité ». L’histoire calédonienne ne restera pas bloquée sur le 4 novembre 2018. Et la situation surréaliste à Nouméa ce soir, où l’on voit les indépendantistes faire la fête à leur 43% et les loyalistes être discrets et humbles le soir de leur victoire, pourrait bien nous l’annoncer de manière cryptée.
Les accords de Nouméa prévoient d’ailleurs que de nouveaux référendums sur la question de l’indépendance puissent être organisés dans les années à venir. Et au vu de leur progression confirmée dans les urnes ce soir, on voit mal les indépendantistes renoncer à ces futurs rendez-vous avec l’Histoire.
Alors un référendum pour rien, ce fameux 4 novembre 2018 ? Non, ce référendum a une conséquence majeure et ô combien positive, il donne à tous les Calédoniens du temps.
Du temps pour continuer ensemble leur longue marche qui devrait les mener, un jour quand ils le décideront et s’ils le décident, de la large autonomie dont ils bénéficient aujourd’hui à l’indépendance qui reste à imaginer et à construire, notamment dans une relation fraternelle avec la France, mais de nation souveraine à nation souveraine.
Doux rêve impossible ? Pas du tout. C’est même exactement ce que la France et le Général de Gaulle ont réussi à faire avec ses limites et ses échecs en 1960, avec ses anciennes colonies de l’Afrique Française Occidentale.
En osant ce rappel historique, je n’ignore pas les spécificités calédoniennes (population Kanak aujourd’hui minoritaire, etc…). J’émets un avis personnel sur la dynamique historique dans laquelle les évènements de ce soir doivent être replacés.
Ce soir, les Calédoniens, majoritairement, ont réaffirmé leur volonté de rester « Français ». Nous, les Français de la Métropole nous devons prendre cette main tendue et travailler au développement économique et social de l’ile, de toute l’île…
L’avenir, lui, appartient aux Calédoniens. Et nous savons qu’il n’est écrit nulle part.