Le site officiel
Blogging

› Voir tous les billets du blog

Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Note de Lecture : « Pour en finir avec la démocratie participative », vraiment ?

Publication : 07/10/2024  |  12:17  |  Auteur : Webmaster

Nicolas Lacombe, Maire de Nérac, avec qui j’entretiens une relation amicale malgré nos engagements partisans différents, m’a offert cet été un petit bouquin vert dont il savait que le titre me ferait réagir : Pour en finir avec la démocratie participative (auteurs : Manon Loisel et Nicolas Rio, éditions Textuel, « Petite encyclopédie critique »).

Il avait raison. Ce titre, ce sujet m’ont interpellé et intéressé. J’ai donc lu ce livre. Son sujet est tout ce qui est rassemblé sous le vocable de démocratie participative : les conventions citoyennes nationales ou locales, les comités ou conseils de quartier, les différentes formes de concertation à l’occasion d’un grand projet d’État, etc. En somme, tout ce qui concerne les efforts de mobilisation et de participation des citoyens au débat et à la décision, à l’initiative de l’exécutif.

Les deux auteurs défendent une thèse simple et forte : la démocratie participative est une fausse piste. Ils développent deux arguments centraux pour appuyer leur parti pris :

  1. En aucun cas, ces procédures de démocratie participative ne mobilisent le corps social dans sa diversité et son hétérogénéité. À juste titre, les auteurs parlent du syndrome « TLM » (acronyme pour « Toujours les mêmes ») pour souligner que des groupes entiers ne se sentent ni concernés, ni mobilisés. Ma longue pratique des réunions de quartiers, notamment, m’oblige à reconnaître la justesse de cette critique. Il est difficile pour une mère célibataire ou pour un couple de doubles actifs de participer à des réunions « post-journée de travail » de 18 h à 20 h, pour ne prendre que cet exemple. Les auteurs en concluent donc que ces exercices de démocratie participative ne sont en rien démocratiques, puisqu’ils laissent sur le bord du chemin de la délibération politique tous les « invisibles » fabriqués par nos modes de vie.

  2. Dans la très grande majorité des initiatives dans ce domaine, les préconisations faites par les citoyens ne sont pas mises en œuvre par l’exécutif, national ou local. Les auteurs soulignent qu’il faut beaucoup de naïveté pour penser que les élus et l’administration, recevant la copie de ces préconisations citoyennes, allaient les appliquer sans les modifier (au mieux) profondément.

Reconnaissons-le en praticiens de cette démocratie participative : ce sont deux critiques fortes et vraies dans de nombreuses circonstances. Faut-il pour autant jeter la démocratie participative avec l’eau du bain de ces deux critiques justes ? Je ne le crois pas.

Commençons par rappeler des évidences. La démocratie – locale ou nationale – « de Papa » a vécu. Celle qui rassemblait la totalité du débat politique d’abord dans les sphères resserrées de l’exécutif, puis enfin dans les séances plénières de l’assemblée délibérante compétente, est morte et enterrée, et c’est tant mieux.

Pas un Président de la République, pas un maire ne pourra faire l’économie de réunions publiques de présentation de son projet, de dialogues parfois rugueux avec des collectifs plus ou moins spontanés opposés à son projet.

Vous me direz, avec les auteurs du livre : « D’accord pour l’information, mais arrêtez la concertation ! Ce sont toujours les mêmes qui viendront à votre invitation à concerter et, au final, vous ne tiendrez pas compte de leur avis. »

Eh bien non, je crois à l’utilité sociale de la démocratie participative à condition qu’elle soit à sa place, ayant valeur d’avis et non de décision, et qu’elle s’inscrive en amont d’une démocratie représentative revigorée. Je me permets pour cela de vous recommander la chronique que j’avais faite à l’occasion de la convention citoyenne sur le climat.

Alors, comment améliorer notre démocratie représentative ? C’est vraiment l’angle mort de ce livre qui est pourtant un plaidoyer vibrant pour celle-ci. Je me permets de poser sur la table quatre propositions :

  1. Au plus près du terrain, je plaide pour faire des conseils de quartier une véritable instance de démocratie représentative avec une élection au suffrage universel de liste. Agen expérimente cela depuis plus de 16 ans, à sa plus grande satisfaction.

  2. La représentation de tous les courants politiques qui composent la société doit être améliorée. C’est bien sûr le grand chantier de la proportionnelle au niveau national. Au niveau local, et notamment pour les mairies, il faut envisager de diminuer l’actuelle prime majoritaire (50 % pour les municipales) donnée à la liste arrivée en tête, car ce système aboutit à la surreprésentation de la majorité.

  3. Le cadre très restrictif de l’utilisation du référendum mérite d’être élargi, tant au niveau national que local. Pour donner la parole aux invisibles et leur permettre de la prendre, rien de mieux que le suffrage universel direct, notamment si la participation franchit un certain seuil (25 % ? À débattre).

  4. Enfin, je crois qu’il faut relancer le débat sur le vote obligatoire, tellement il est constitutif de la démocratie ainsi que de son corollaire, la reconnaissance du vote blanc. Comment ? Les auteurs proposent de compléter les assemblées avec des membres tirés au sort en fonction du pourcentage de votes blancs. C’est une idée nouvelle pour moi. Je la trouve intéressante et méritant d’être approfondie.

Au final, tout part d’une conviction forte : la démocratie est un bien précieux. Or, elle est fragile !

Nous ne pouvons pas nous mettre la tête dans le sable et refuser de voir ses signes d’essoufflement, notamment la croissance continue et tendancielle de l’abstention, sauf dans de rares sursauts républicains, comme lors du second tour des dernières élections législatives de juillet 2024.

N’opposons pas démocratie participative et démocratie représentative. Remettons-les simplement à leur place !

Et apportons tout notre soin à faire vivre, et mieux vivre, ce trésor national qu’est la démocratie représentative. Ce soin permanent est notre meilleur vaccin contre les régimes autoritaires.

@+,

Jean Dionis, Maire d’Agen

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.