Comme beaucoup de mes collègues maires, je suis allé au 101ème Congrès de l’Association des Maires de France à Paris. J’y vais habituellement pour repérer les « champions de France » des bonnes pratiques municipales ainsi que les innovations mises au point par les entreprises prestataires de nos collectivités locales. Mais, cette année, le haut de l’affiche était tenu par le Congrès des Maires, c’est à dire la partie politique de cet événement et non pas par sa partie commerciale.
Les relations entre les Maires et le Président de la République sont difficiles, heurtées. Cela vient de loin, de très loin, bien avant son accession au pouvoir. Mais, le résultat est sans équivoque. Le sondage réalisé pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (le CEVIPOF) et l’AMF est une excellente photographie psychologique des Maires.
Cette même enquête dessine une famille humaine « entre résignation et inquiétude » et il est très intéressant de lire la synthèse de cette étude (lire http://www.maire-info.com/upload/files/cevipof(1).pdf ). « Selon cette étude, en 2014, lors des dernières élections municipales, 60 % des maires sortants ont été réélus. Quatre ans plus tard et un an et demi avant le prochain scrutin, ils sont déjà près de 50 % à déclarer vouloir « abandonner tout mandat électif » et même 60 % pour ceux qui n’en sont qu’à leur premier mandat. »
La première cible des maires, dans cette étude, est l’Etat et ses services déconcentrés. Je m’attendais à cette expression d’insatisfaction, tout simplement parce que je la vis. Mais l’ampleur de ce qu’il faut bien appeler une fronde m’a surpris. L’enquête CEVIPOF met en évidence que « en matière de réformes institutionnelles, la réorganisation des services déconcentrés de l’État est vécue de manière négative par 68 % des maires, ce chiffre étant plus faible pour les communes de plus de 10 000 habitants. Dans la même perspective, les effets de la loi NOTRe sont encore jugés plus sévèrement par les maires puisque 75 % d’entre eux (chiffre constant quelle que soit la strate de population) considèrent qu’elle a eu des effets négatifs sur leur mandat ».
Les maires veulent une administration d’Etat proche, lisible et si possible à leurs côtés. Ils l’ont de moins en moins sous l’effet d’une recentralisation de celle-ci que ce soit aux échelons régionaux ou nationaux. Et il faudra bien revenir sur les lois qui ont organisé cette recentralisation (lois du Grenelle de l’Environnement, loi Notre, loi sur l’eau, etc…..). J’ai déjà dit sur ce blog que le contentieux le plus violent entre les maires et l’Etat n’était pas budgétaire. Il est sur la vie quotidienne. Il est sur l’urbanisme. Cette compétence-clé des maires est sans cesse vidée de son contenu par la gestion exorbitante faite par l’Etat (et ses services DDT/DREAL) de sa compétence «gestion des risques ».
Même inquiétude avec le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), une des nouvelles usines à gaz enfantées par la loi Notre devant préciser les orientations fondamentales et horizons temporels du développement soutenable d'un territoire régional et ses principes d'aménagement. Mais est-ce que ce sera, une nouvelle fois, au prix de la liberté et de l’autonomie des collectivités locales ?
La deuxième cible des maires est l’intercommunalité. Et soyons honnêtes, cette deuxième source de colère m’a surpris. Ecoutons à nouveau la synthèse du CEVIPOF : « les maires entretiennent une relation méfiante vis-à-vis des intercommunalités auxquelles leur commune est rattachée. Près de 80 % d’entre eux considèrent que l’intercommunalité a beaucoup d’influence sur leur commune alors qu’ils ne sont que 25 % à penser que leur commune exerce une influence sur l’intercommunalité ».
A l’Agglomération d’Agen, nous avons essayé et je crois réussi dans une large mesure de relever le défi démocratique posé par une telle méfiance : bureau de l’Agglomération avec égalité des voix pour chaque commune membre, fonds de soutien territorial aux projets communaux,…et surtout respect de l’autorité des maires sur leurs territoires y compris sur les compétences de l’Agglomération.
Bref, s’éloigner de l’impasse qui fait de l’agglomération une super-commune pour faire vivre l’Agglomération « coopérative de ses communes adhérentes ».
Mais, nous le savons maintenant, nous avons un deuxième défi démocratique à relever du côté de la gestion de nos agglomérations.
Malgré tout, le maire reste et de loin, l’élu en qui les citoyens ont le plus confiance sans doute pour reprendre l’expression juste du Président Macron parce qu’ils « sont à portée d’enguelade» .
Toute recentralisation sera un échec car elle se heurtera à la complexité croissante de nos sociétés, ingérable à un niveau central et à la soif de liberté locale de nos concitoyens. Face à ces tendances lourdes de nos sociétés, la recentralisation est plus qu’un archaïsme. Elle est un contre-sens historique.
La France, si elle veut faire l’économie d’une fronde brutale de ses territoires, serait bien inspirée de construire un véritable pacte girondin à l’image de ce qui existe en Allemagne.
Bonjour Jean,
Bravo. Dans le coeur de la cible.
La perte de prérogatives et de moyens des Maires, et de leurs municipalités, précipite la désertification des centres-villes, vitrines de l’attractivité de nos Communes.
C’est l’annihilation des efforts réalisés sur plusieurs mandats par des hommes et des femmes, comme toi, dévoués à la confiance et aux attentes de leurs administrés.
A l’approche des prochaines consultations électorales c’est un piège programmé contre nos élus. Il faut le désamorcer au plus vite.
Amitiés,
Pierre Martinez
Ce retour en force du Jacobinisme est très préoccupant aussi pour le citoyen qui s'intéresse au développement local durable de son cadre de vie et à l'avenir de ses enfants qu'il voit s'exiler de plus en plus vers les métropoles françaises et étrangères pour trouver du travail. Mais que peut-il faire ? Ce n'est pas le citoyen de base qui va se plaindre de la suppression progressive de la taxe d'habitation et pourtant, à terme avec le gel prévisible des reversements de l'Etat aux communes, ce seront encore un peu moins de services qu'elles pourront rendre à leurs administrés et d'investissements qu'elles pourront faire pour l'amélioration de leur cadre de vie.
Le processus de recentralisation "en marche" est vraiment machiavélique et les habitants des communes rurales et des petites et moyennes villes vont en faire les frais comme leurs élus locaux.
Il ne nous reste plus qu'à "cultiver notre jardin" au sens philosophique de Voltaire et de nous solidariser localement autour des projets de développement durable de nos collectivités locales et des associations qui oeuvrent pour une amélioration de notre qualité de vie agenaise et lot et garonnaise.