Il fallait une loi Renseignements.
Hervé Morin, dans son intervention lors de la discussion générale de ce texte (lire http://www.lesbatisseurs-udi.fr/13-04-2015-Intervention-d-Herve ) l’explique très clairement : « depuis la loi Rocard de 1991, la France n’a fait évoluer qu’à la marge sa législation sur les interceptions, comme si les techniques et les technologies n’avaient bougé qu’à la marge.Le numérique, l’internet, les téléphones, les ordinateurs portables, les réseaux sociaux, tout cela n’existait pas ou presque pas en 1990. Et pourtant, dans nos textes et dans notre discours, nous parlons souvent encore d’écoute comme si rien n’avait changé, alors que les nouvelles technologies permettent, c’est une évidence, de mettre en place des dispositifs particulièrement intrusifs et portant en eux des atteintes potentiellement profondes à la vie privée et aux libertés individuelles ».
Ce projet de loi était d’ailleurs en cours d’élaboration lorsque sont arrivés les évènements tragiques de janvier 2015 et le gouvernement a conclu à la nécessité de le faire adopter en urgence…ainsi qu’à l’opportunité politique de le faire adopter avec un débat politique a minima en utilisant la procédure d’urgence.
Première faute grave.
Hervé Morin a raison lorsqu’il souligne « que ce texte n’est pas un texte anodin et il revient à mettre des procédures d’exception dans le champ du droit commun ». Or toute modification de l’équilibre forcément instable, forcément fragile entre les dispositions veillant à garantir notre sécurité et celles visant à préserver nos libertés individuelles mérite un débat serein, lent, prudent.
Ce n’est absolument pas le cas du débat actuel et la saisine étrange du Conseil constitutionnel par le Président de la République pour un projet de loi qui n’est autre qu’une de ses initiatives personnelles dont on peut espérer qu’il ait au préalable vérifié la constitutionnalité ne fait qu’ajouter de la confusion à ce débat bâclé.
Or, qu’on le dise ou qu’on le taise, la France, par ce texte, est en train d’écrire son Patriot Act. Or ce texte aux USA a fait de terribles dégâts permettant notamment l’interpellation sans raison valable de 70 000 personnes, et ce parce qu’il n’y avait pas les contrôles nécessaires sur les services de renseignement. La France a donc une ardente obligation à produire un texte fort, efficace et équilibré.
Or le Bureau exécutif de l’UDI qui a légitimement débattu de ce texte lors de sa dernière séance a mis en évidence la critique de fond qui est faite à ce texte : il ouvre la porte à une surveillance de masse généralisée.
La Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge numérique, dont je suis membre en tant que personne qualifiée désignée par l’UDI, ne s’y est pas trompée. Dans sa recommandation portant sur ce projet de loi, la Commission met en garde le Parlement contre le risque d’aller, pas à pas, d’une surveillance ciblée à une surveillance généralisée.
En effet, la Commission est fortement préoccupée par l’usage préventif de sondes et d’algorithmes paramétrés pour recueillir largement et de façon automatisée des données anonymes afin de détecter une menace terroriste (« signaux faibles »).
Elle estime, par ailleurs, que l’article L. 851-4, dans sa rédaction proposée par le projet de loi, ouvre la possibilité, à des fins de prévention du terrorisme, d’une collecte massive et d’un traitement généralisé de données.
Enfin, la Commission est particulièrement attentive à éviter des « effets de brèche » qui conduiraient à l’élargissement de ce dispositif à d’autres finalités que la prévention du terrorisme.
La Commission s’est interrogée sur la possibilité d’un encadrement strict de ce type de technologie de surveillance. En l’état des informations disponibles, cet encadrement ne lui est pas apparu envisageable. C’est pourquoi la Commission appelle de ses vœux la suppression de l’article L 851-4 (celui qui légalise la surveillance généralisée) du projet de loi.
Nécessité absolue d’« armer notre pays » dans des temps dangereux contre volonté de préserver, quelques soient les circonstances, les libertés individuelles fondamentales et notamment le droit à une vie privée, c’est un choix lourd que chacun de nos parlementaires devra faire en conscience.
Pour ma part, et à titre personnel, je pense vraiment que la surveillance de masse peut être un premier pas faire une société totalitaire. Député, je n’aurais pas voté ce texte.
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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
« Loi Renseignements : Dangers non maîtrisés »
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