Bizarre, très bizarre, ce débat sur le Train à Grande Vitesse dans notre Sud-Ouest…
Faisons un point froidement de l’état du dossier en ce début du mois de Novembre :
Il ne s’agit ni plus ni moins de la connexion du Sud-Ouest de la France à l’ensemble du réseau grande vitesse ferroviaire. Ceci se ferait par la construction de deux lignes grande vitesse, Bordeaux-Toulouse, puis Bordeaux-Dax, qui pourrait être prolongé ensuite jusqu’en Espagne.
Un grand merci au préalable à Jean Castex, notre Premier Ministre sans lequel ce dossier GPSO serait encore enterré. C’est lui et lui seul qui a pris l’initiative de remettre de la vie et du mouvement dans ce dossier en engageant l’État à hauteur de 4,1 milliards d’euros et en ouvrant la perspective d’un soutien de l’Union Européenne à hauteur de 2 milliards d’euros supplémentaires.
En ouvrant à nouveau le dossier de ce projet, je suis partagé entre deux sentiments contraires :
D’abord, bien sûr, la pleine conscience du caractère stratégique, primordial de tels projets. Ses projets hors-normes sont rares. Ils exigent de nous une vision territoriale à très long terme, que ce soit au niveau de l’utilité sociale du projet, ou de son financement.
Bien évidemment, à Agen nous avons toujours accepté cette exigence de « très long terme » lorsque les opportunités ou les événements le commandaient (je pense notamment aux efforts consentis par notre ville dans la lutte contre les inondations ...). Cette fois encore, nous serons au rendez-vous.
Mais comment ne pas ressentir aussi méfiance et lassitude devant un projet dont on parle maintenant depuis plus de 30 ans... et pour lequel encore une fois les élus Agenais, de 1990-2020 - toutes sensibilités confondues (et je veux saluer mes prédécesseurs) - n’ont manqué ni de lucidité, ni de vision, ni de courage.
Je m’inscris donc dans la continuité de la position Agenaise depuis 30 ans sur ce dossier. Ainsi, je saisirai donc le Conseil d’Agglomération d’Agen en décembre prochain et je porterai devant lui une délibération forte et claire qui exprime simplement :
D’une part l’Agglomération d’Agen approuve le projet GPSO et d’autre part l’Agglomération d’Agen rejette la demande de financement exorbitante qui lui est faite (28,9 Millions d’euros).
Reprenons les deux points de notre position:
1- J’approuve le projet GPSO
J’approuve ce projet d’abord pour des raisons économiques.
La très grande majorité des territoires traversés par la LGV ont connu une véritable accélération de leur développement et le Lot-et-Garonne, actuellement classé 80ème département en ce qui concerne le ratio « revenus déclarés par habitant en 2019 », peut-il s’offrir le luxe de dédaigner un tel accélérateur de croissance et d’emploi ? Mon avis est clairement qu’en agissant ainsi, nous ferions une faute aussi grave devant les futures générations Agenaises que celle qui a pu être faite au XIXe siècle par certaines villes qui ont refusé le chemin de fer.
J’approuve ce projet pour des raisons écologiques :
Sur ce point, l'avenir appartient clairement au train. Il a, de loin, le meilleur équilibre en CO2.
En moyenne, un avion émet 214 grammes de CO2 par kilomètre et par personne. Les voyages en train sont beaucoup plus respectueux de l'environnement. Un passager de train n'en émet qu'un septième, soit 29 grammes par kilomètre. Les voyages en voiture, suivant l’âge et le modèle de la voiture, produisent entre 100 et 150 g par km et par personne (Source : https://www.greenly.earth/blog/empreinte-carbone-comparatif-transports).
Et dans ce débat, les écologistes, et en premier lieu le Maire de Bordeaux, Pierre HURMIC, perdent leur boussole et un peu de leur âme.
La priorité en matière d’écologie est la lutte contre le réchauffement climatique et donc la diminution des gaz à effet de serre. Or s’il est un domaine où les gens sont prêts à changer de mode de mobilité, c’est bien de l’avion ou de la voiture individuelle vers le train à grande vitesse.
Et argumenter, comme le font certains, qu’il suffirait, pour cela, de faire passer plus de trains sur l’actuelle voie Bordeaux-Toulouse est purement et simplement un vœu pieu.
Enfin j’approuve ce projet pour des raisons sociétales :
La mobilité désirée, pour des raisons familiales ou touristiques, est une des vraies avancées sociales de notre époque. Personne ne fera revenir en arrière nos concitoyens.
2- Je rejette la demande de financement exorbitante qui est faite à Agen (28,9 Millions d’euros)
Dans cette affaire, depuis 30 ans, Agen a eu un comportement citoyen exemplaire :
Nous avons versé 10 millions d’euros pour faire la ligne Tours-Bordeaux
Nous avons préfinancé pour le compte de la SNCF des acquisitions foncières indispensables pour le tracé (à hauteur de 3,7 millions d’euros).
Nous avons considérablement optimisé le tracé sur le territoire de l’Agglomération d’Agen (faisant faire des économies de plusieurs dizaines de millions d’euros à la SNCF).
Bref, nous n’avons de leçons de morale à recevoir de personne et nous pouvons donc dire le plus calmement possible : Nous ne laisserons pas surtaxer les agglomérations traversées par la LGV sous prétexte qu’elles vont bientôt être un pays « de lait et de miel » grâce à la LGV.
Participer à ce financement, oui, mais à un juste prix... Nous en sommes très loin.
L’Agglomération d’Agen ne se laissera pas entraîner dans des engagements financiers qui remettraient en cause ses propres priorités (et d’abord le pont et le barreau de Camélat) ou qui l’entraînerait vers une augmentation d’impôts spécifiques pour ce chantier, ce que nous ne ferons pas.
De manière plus globale, les parties prenantes du financement de la région Occitanie ont travaillé, ont négocié entre elles et sont arrivées à un accord. On ne peut que féliciter de ce résultat chacune des 16 collectivité impliquées et notamment le trio constitué par le préfet coordonnateur - Monsieur Etienne GUYOT, la présidente du Conseil régional d’Occitanie - Madame Carole DELGA, et le Président de Toulouse Métropole - Jean-Luc MOUDENC.
La situation est nettement moins réjouissante en Nouvelle-Aquitaine. Les désaccords entre les 11 collectivités concernées sont profonds. Les négociations entre les parties prenantes accusent un retard très important et, pour le moment, il n’existe pas d’animation ou de leadership de cette négociation.
Et dans cette situation, je comprends la colère de Carole DELGA stigmatisant un certain égoïsme bordelais, et d’abord l’égoïsme de la part de son Maire, qui bénéficie d’une desserte ferroviaire mettant Bordeaux à 2h de Paris, (desserte partiellement financée par la région Occitanie - 300 millions excusez du peu...) et qui maintient le pied sur le frein lorsqu’il faut terminer ce chantier vers Toulouse (encore à 4h de train de Paris).
Il va falloir que la Région Nouvelle-Aquitaine et la Métropole de Bordeaux avec l’aide du préfet GUYOT sortent de leur torpeur ambiguë, négocient vraiment et enfin fédèrent leurs territoires constitutifs. Cela ne peut se faire que sur une ligne de rassemblement : Pour la LGV... au juste prix. En Nouvelle-Aquitaine, il y a urgence.
@+
Jean Dionis
Maire d’Agen
Conseiller Régional Nouvelle-Aquitaine
Merci pour cette analyse complète sur un dossier stratégique pour le Lot et Garonne et plus largement pour le grand sud-ouest. J'y ajouterai un argument complètement délaissé par les tenants de la rénovation de la ligne existante et de l'augmentation du nombre de trains. Les usagers réguliers de cette ligne, qu'ils travaillent ou étudient à Bordeaux ou Toulouse ou bien qu'ils se rendent régulièrement à Paris, connaissent par coeur les problèmes de ponctualité et de fiabilité de cette liaison pour de multiples raisons plus ou moins imputables à la SNCF. Des statistiques existent forcément sur ce point, il faut les rendre publiques pour nourrir le débat.Or, lorsque l'on se déplace pour des raisons professionnelles, la fiabilité du moyen de déplacement est l'argument premier. Bien plus encore que le gain de temps que supposerait la LGV. Dés lors, il va de soi que la création d'un deuxième "cordon" entre Agen, Bordeaux, Toulouse et Paris fiabilisera grandement le choix du train au détriment d'autres moyens de transports comme la voiture ou l'avion. C'est ce changement de logiciel que devrait promouvoir les écologistes raisonnables.
Je suis d'accord avec votre analyse mais en attendant ce futur radieux, pouvez vous nous expliquer pourquoi il y a de moins en moins de TGV directs entre Agen et Paris. En fait articuler il es inadmissible que le TGV inouï 8505 qui part à 10h48 de Paris s'arrête à Bordeaux, Montauban et Toulouse mais pas à Agen. Ceci oblige les lot et garonnais à changer de train à Bordeaux puis à prendre un TER qui s'arrête 11 ou 12 fois entre Bordeaux et Agen.
lors de l'abandon de la desserte aérienne d'Agen vous aviez annoncé avoir obtenu un renforcement des liaisons directes SNCF. Il n'en est rien.
Réagissez ou vous sera aussi peu crédible sur la LGV qu'actuellement.
JN Mirabaud
tout à fait d'accord avec vous une nouvelle fois.
Ne lachez rien
Cordialement