Fraternité…S’il est un mot chargé d’espérance, de symboles à la fois chrétiens et républicains, mais aussi de désillusion, de rêve brisé parce qu’inaccessible dans notre monde actuel, c’est bien celui de fraternité. Bien des évènements se sont bousculés dans ma vie personnelle en deux ou trois mois qui, de fait, m’ont posé la même question : « Et toi, que fais-tu pour faire avancer la fraternité dans ta ville, à Agen ? ».
20 octobre 2020 : rencontre avec Jean-François Serres, fils de notre Michel « national ». Jean-François a eu un parcours de vie d’homme de terrain et de relations, que ce soit comme responsable habitat dans un quartier sensible, puis comme délégué général des Petits Frères des Pauvres et enfin comme référent national de la mobilisation nationale contre l’isolement des personnes âgées (Mona Lisa). Il est ainsi devenu un des meilleurs spécialistes nationaux de la lutte contre l‘isolement. Or le 20 octobre dernier, Jean-François Serres vient à Agen et nous percute :
« On peut parler d’épidémie de solitude, de solitude de masse. C’est une tendance de fond, mais bien-sûr, la COVID-19 n’arrange rien…En France, une personne sur dix en France est en danger du fait de relations insuffisantes en nombre et en qualité,…Un étudiant sur quatre est isolé…une personne sur quatre chez nos anciens de plus de 75 ans est en situation d’isolement » (cf. JF. Serres « Vaincre l'isolement : Un engagement à portée de main »). Bien sûr, en tant que maire, je rencontre très souvent la solitude chez nos administrés,…Mais, avec Jean- François Serres, je suis passé de sentiments diffus à un constat malheureusement clair et massif.
18 décembre 2020 : découverte du cadavre de Mme Michèle Garene, morte, il y a deux ans, à 100 m de la mairie, où je me rends tous les jours. Lorsque la conseillère en économie sociale et familiale du bailleur social Agen Habitat a frappé à la porte de Michèle Garene, dont la dépouille gisait sur son canapé depuis près de deux ans, seul le son de la radio qui n’avait cessé de fonctionner depuis, lui est parvenu aux oreilles………
Face aux nombreuses questions dérangeantes qu’a soulevées ce drame, la mairie d’Agen et Agen Habitat ont mené l’enquête pour essayer de comprendre comment, en 2020, à une époque où les moyens de surveillance sociale n’ont jamais été aussi nombreux, une femme de 66 ans a pu mourir oubliée de tous pendant près de deux ans, jusqu’au jour où un huissier s’est rendu chez elle pour une affaire d’héritage. » (Sud-Ouest du 23 décembre).
Comme de très nombreuses agenaises et agenais, je prends ce drame du quotidien agenais en « pleine gueule ». Là encore, découvrir des concitoyens décédés seuls dans leur appartement fait partie ce que connait un maire d’une ville moyenne. Mais une femme de 66 ans qui meurt seule et personne ne réagit pendant deux ans ? A quel niveau de solitude et d’indifférence avons-nous sombré ?
Vacances de Noël 2020 : je lis l’encyclique du Pape François, Fratelli Tutti, sur la fraternité et l’amitié sociale. Ce texte, qui se développe à partir du commentaire de la parabole du bon samaritain (lire https://www.paris.catholique.fr/le-bon-samaritain-une-parabole-de.html ). Ce texte n’est pas centré sur la solitude, c’est par contre un plaidoyer argumenté pour une attitude de complète ouverture vers l’autre, proche ou lointain. Il pose clairement la question : « Qui est mon frère ? et que suis-je prêt à faire pour lui ? »
A partir de cette séquence d’évènements, je cherche clairement à transformer l’émotion ressentie en énergie positive d’actions contre l’isolement.
D’abord, prendre acte de la complexité de ce phénomène social.
Lutter contre la solitude exige de respecter la liberté des personnes seules et d'obtenir leur consentement à rompre un isolement non voulu. Mme Michèle Garene voulait être seule. Cette liberté est un droit absolu des personnes que nous nous devons de respecter.
De même, la lutte contre la solitude devra toujours composer avec les précautions à prendre pour protéger les personnes seules, et tout spécialement les personnes âgées, contre les délinquants qui les ciblent.
C’est en partant lucidement de cette complexité, qu’une autre politique publique de lutte contre l’isolement peut être envisagée. Sans naïveté, sans fausse réponse comme celle de l’appel aux familles. Les familles ne vont pas si mal que cela en 2021. Elles font ce qu’elles peuvent. Mais, elles n’ont plus rien à voir avec les familles de la fin du 19ème siècle : logements plus exigus, mais surtout, familles à la fois plus petites et plus éclatées géographiquement. Indispensables quand elles existent, radicalement insuffisantes…
Les réponses efficaces se trouvent dans la proximité des personnes isolées.
Les institutions, en contact avec les personnes seules, mairie, bailleurs sociaux, font déjà du travail social de qualité. Mais elles doivent aller plus loin et prendre leur part dans ce combat contre l’isolement. Les mairies et leurs centres communaux d’action sociale doivent aller plus loin. Nous avons une organisation « canicule » qui fonctionne bien. Pourquoi ne pas s’en inspirer pour suivre de manière plus proche nos anciens ?
Les bailleurs sociaux et offices HLM doivent eux-aussi en faire plus. Leurs services doivent sortir d’une culture de réclamation pour aller vers une culture proactive de visite régulière à tous leurs locataires (au moins une par an !). De même, il faut rouvrir des postes de gardien ou gardienne, de concierge, bref des femmes ou des hommes de proximité et de relations humaines.
Les institutions d’Agen vont s’engager dans ce combat. Avec leurs moyens importants. Avec détermination. Mais soyons clairs, si l’action publique est nécessaire, elle sera complètement insuffisante, si elle n’est pas relayée par un élan citoyen qui aboutisse à refaire de nous, des voisins, des prochains !
Celles et ceux, qui accepteront volontairement de tenir ce rôle de nouveaux voisins, de nouveaux prochains, doivent pouvoir être accompagnés par des associations référentes dans la lutte contre l’isolement, comme les Petits Frères des Pauvres.
Les villes qui comme Agen ont su bâtir une nouvelle approche de la proximité en ville notamment à l’aide de conseils de quartier vivants pourront « passer convention » avec ces conseils de quartier de manière à faire de la lutte contre l’isolement une nouvelle compétence partagée entre la ville et le conseil de quartier avec des moyens renforcés : par exemple, une personne contact, embauchée dans le cadre d’un contrat aidé, dédiée à chaque conseil de quartier volontaire pour s’engager dans cette direction…, mais surtout, volontaires de voisinage pour des visites régulières à nos anciens, aux personnes identifiées comme étant dans une solitude non choisie.
Nous sommes au début de ce combat. Nous sommes déterminés à ne pas laisser la Fraternité devenir une des idées mortes de la République.
Cela se passe au plus proche de nos vies quotidiennes. Fraternité avec mes voisins, en ville….
On accélère à Agen, cette année. Vous venez avec nous ?
Bonjour,
Autrefois les personnes se retrouvaient au marché dominicain, à l'église, chez l'épicier du coin, ... le curé, l'épicier, le médecin de famille... étaient des facilitateurs de liens. Il suffisait au maire comme à eux, d'aller à la messe pour rencontrer tous les villageois et rencontrer ses administrés. Le dimanche il y avait match et on y allait en famille (au sens large) entre voisins, entre amis ... Les familles vivaient dans des habitats plus grands qui accueillaient plusieurs générations. Le dimanche était le jour de grands repas festifs où l'on recevait famille, amis, voisins .... Les personnes avaient besoin d'un coup de main, pas de profit seulement la fraternité !
Aujourd'hui l'éducation oblige les jeunes à quitter le foyer familial le lus tôt possible. S'ils ne le font pas, ils sont culpabilisés, dévalorisés, isolés, en rutpure de liens familiaux pour avoir été mis à la rue ou pour fuir eux-mêmes la vindict familiale ... Alors qu'autrefois, il ou elle quittait le nid pour se marier. Et parfois même, plus tard, au 1er enfant !
Autrefois les jeunes parents étaient accompagnés par les familles, l'école, le curé, les soeurs, les élus, le médecin ... Aujourd'hui ils sont traqués, culpabilisés, fichés, sanctionnés .... et leurs enfants placés.
Qu'est ce qui a changé ? (1) la cellule la famille réduite à minima avec pour conséquence la disparition de l'entraide familiale(2) l'apparition de la notion de profit au détriment de celui de la fraternité (3) malgré les 35 h 00 permettant aux personnes de prendre plus de temps dans les loisirs, la hausse de la pauvreté limitant voir éliminant, l'accès aux loisirs (4) le désintérêt de la religion (5) la disparition des emplois qualifiés de proximité (6) la traque des mauvais parents (7) la destruction du lien intergénérationnel consécutif à la réduction de la cellule familiale.... Bref le désengagement total de l'individu dans la société et le désengagement total de la société envers l'individu ! La famille, l'entraide, la fraternité, l'amitié ... ont succombé au jugement et à la sanction ! Aujourd'hui il faut paraître, sinon il faut disparaître !
C'est peut-être pour cela que tant de gens se réfugient derrière les écrans !
Ceci n'est qu'un avis personnel.
Amicalement