Crèches, Noël et Laïcité: Essayons d’y voir clair

Crèche du Conseil Général de Vendée interdite par le tribunal administratif de Nantes, demande du préfet de l’Hérault au Maire de Béziers (proche du FN) de retirer la crèche qu’il a installée dans l’espace accueil de la Mairie, refus du Maire… Les crèches et plus largement Noël, une des fêtes les plus populaires des Français, font à nouveau débat…..

Ce n’est pas un débat insignifiant. Il mérite que nous y rentrions calmement et rigoureusement.

Le tribunal de Nantes a-t-il-eu raison d’interdire la crèche du Conseil général de Vendée ? La réponse – en droit- et c’est la seule que doit faire le tribunal – est claire. C’est oui. Comme le déclare justement, Jean Baubérot, historien de la laïcité : « La décision du tribunal s’appuie sur l’article 28 de la loi de 1905. Celle-ci interdit d’imposer des symboles religieux dans des lieux publics et les bâtiments publics, sauf exceptions, comme les bâtiments religieux ou les cimetières. Cet article fait mention d’une distinction capitale entre les lieux qui symbolisent la collectivité, comme une mairie ou un Conseil général, où il faut respecter la liberté de conscience de tout le monde, et les lieux qui sont au contraire privés, quoique dans l’espace public, comme par exemple les magasins»

J’ai respect et amitié pour Bruno Retailleau, Président du Conseil Général de Vendée, excellent élu local et remarquable parlementaire. Je peux comprendre sa colère devant l’initiative du Président de la Libre Pensée de la Vendée, véritable intégriste de l’anticléricalisme, pas vraiment bien inspiré de relancer (la crèche existe depuis plus de 20 ans !!!) cette polémique en Vendée, département à l’histoire si forte en ce qui concerne son attachement à la religion. Mais tant qu’elle n’est pas changée, la loi reste la loi. Dont acte.
Je n’ai, par contre, aucune affection particulière pour Robert Ménard. Celui-ci installe sa crèche cette année et il est trop fin politique pour ne pas avoir eu connaissance du refus du tribunal Administratif de Nantes et anticipé la réaction de son Préfet. Je crois vraiment – et je le dis aussi clairement en tant qu’élu catholique – que c’est une faute d’instrumentaliser la religion dans la vie politique nationale et locale. En ce qui me concerne, prenant acte de notre loi, je ne proposerai donc jamais à mes collègues du Conseil Municipal d’Agen d’installer une crèche dans le hall d’accueil de notre Mairie.

De manière quasi-symétrique, une anecdote, cette fois, Agenaise, me fait veiller à garder nos pères Noël et tout le fatras du folklore de Noël à distance de nos églises. A Agen, nous avons rassemblé, cette année, les animations de Noël (patinoire, stands de vin chaud et nourriture, etc…) place de la Cathédrale. Cela a d’ailleurs fière allure. Les services de la Mairie avaient imaginé, cette année, un Père Noël sportif, descendant en rappel du toit de la Cathédrale pour rejoindre les enfants ébahis sur la dite place. Courtoisement, mais fermement, notre évêque me rappela que la même loi de 1905 en faisait l’affectataire de ce bâtiment et qu’il ne tenait pas à ce que soit mélangés religion catholique et …Père Noël. Il avait raison. Je me suis donc exécuté, en tant que Maire.

Mais ce strict respect de la loi de 1905 dans ces deux cas précis solde-t-il le débat ? Bien sûr que non… Je dis calmement à tous nos « ultra-laïcs » qu’ils seraient bien inspirés de ne pas enclencher – comme cela s’entend parfois – de chasse aux sorcières contre tous les signes de Noël existants dans nos mairies : Spectacle de Noël offert aux enfants, repas de Noël à nos anciens, etc… La même loi de 1905, qui, dans son article 28 interdit d’imposer des signes religieux dans les lieux publics, a par ailleurs décidé de garder les fêtes chrétiennes, pour tourner le dos à la politique agressive de la révolution française envers la religion, qui avait changé le calendrier et aboli toutes les fêtes chrétiennes. La loi nous autorise donc de «fêter collectivement Noël ». Là aussi, dont acte.

Mais allons, cette fois-ci, au cœur du débat : Tout le monde convient que Noël est devenu la plus grande fête populaire de notre société moderne, fête unanimement adoptée et respectée par tous, chrétiens bien sûr, mais aussi musulmans, juifs, athées, indifférents. Posons clairement la raison de cette popularité. Qualité du plan marketing ? Exigence commerciale en temps de crise ? Tout cela existe. Tout cela est radicalement secondaire. Noël est immensément populaire parce que Noël est une fête vivante, fête de l’enfance bien sûr, mais aussi, fête de la famille et enfin fête de la générosité, du don gratuit, du cadeau. Ces valeurs vont droit au cœur des Français d’aujourd’hui et c’est pour cela d’abord que Noël a un bel avenir devant soi. En soi, ces valeurs créent des liens entre nous quelques soient nos différences. Au sens premier du mot, elles nous relient. Elles font « religion » entre nous.

Mais tout cela n’est pas tombé du ciel, comme le Père Noël. Noël a une histoire. Noël a des racines. Cette histoire, ces racines sont indiscutablement chrétiennes. J’entends dans ce débat que l’on voudrait séparer culture et religion, culture et culte, voir déchristianiser Noël. Je trouve cela monstrueux comme falsification de l’histoire en termes d’honnêteté intellectuelle et condamnable comme appauvrissement culturel. Au contraire, il faut que tous, et spécialement nos enfants aient assez de culture, y compris religieuse pour connaître les racines de Noël pour que cette source, ces racines continuent à faire vivre notre Noël d’aujourd’hui.

Après, chacun sera, en conscience, libre d’apporter sa réponse personnelle à la question de Jésus à ses disciples qui n’a pas fini de résonner dans nos cœurs : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » Une trace insignifiante dans l’histoire ? Un maître de Sagesse ? un Prophète ? Ou Jésus (celui qui Sauve), Christ (celui qui est « Oint » par Dieu), le Messie (celui qui est l’envoyé de Dieu)…..Là se trouve le véritable lieu pour une décision de foi par rapport à une des personnes clés de l’histoire humaine.

Dans ce débat pour Noël, je veux faire partie de ces français raisonnables. Oui la laïcité est un bien précieux. Elle a ses règles. Nul n’est censé ignorer notre loi. Fort bien. Nous ne nous laisserons pas manipuler par tous les pêcheurs dans les eaux troubles de la nostalgie de la religion officielle. Mais d’un autre côté, la laïcité, c’est à la fois la sécularisation de l’Etat, l’entière liberté de croyance et de culte, enfin l’égalité des croyances (religieuses ou non) entre elles. Il est grand temps aussi que les intégristes anticléricaux de la laïcité nous foutent eux aussi la paix (de Noël, cela va de soi  !).

Joyeux Noël à tous !

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