Le site officiel
Blogging

› Voir tous les billets du blog

Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Coronavirus : scientifiques et politiques, ensemble au front

Publication : 30/03/2020  |  11:00  |  Auteur : Jean Dionis

Quand je ne suis pas absorbé par la gestion au quotidien des impacts de la crise sanitaire due au COVID19 à Agen, je m’intéresse, comme citoyen, à la gestion de cette crise à l’échelon national.

Une des originalités du pilotage gouvernemental de cette crise a été indiscutablement l’installation, par le ministre de la Santé Olivier Véran et à la demande du Président de la République, le jeudi 12 mars d’un conseil scientifique de 11 membres. Sa composition est intéressante.

Elle a obéi à une double exigence :

  • D’abord la compétence thématique de chacun de ses membres, chacun avec un curriculum vitae impressionnant dans un des domaines sollicités par la crise du COVID-19 : anthropologue, réanimatrice, modélisateur, responsable de l'unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses, médecine générale, épidémiologiste, infectiologue…
  • Ensuite une volonté claire de pluridisciplinarité

L’ensemble des décisions importantes (maintien des élections municipales, fermeture des écoles, confinement, etc…) ont été préalablement instruites par ce conseil scientifique et à plusieurs reprises, le Président de la République et le Premier ministre ont mis en avant l’avis préalable de cette instance.

Que faut-il penser de cette innovation majeure en tant que gouvernance ?

D’abord du bien.

L’épidémie du COVID -19 a été, au niveau mondial, un évènement absolument imprévisible et d’une violence extraordinaire. Il est parfaitement pertinent que le Président de la République soit éclairé, avant décision de sa part, par une instruction préalable par des personnes compétentes sur les sujets traités. Et je pense très honnêtement que le conseil scientifique a permis une prise de conscience brutale, mais salutaire quant à la diffusion extrêmement rapide du virus à partir du jeudi 12 mars.

Jusque-là, donc tout va bien…Mais souvenons de la phrase clé de Karl Popper, grand épistémologue autrichien, qui affirmait : « Toute résolution d’un problème existant entraine l’émergence de nouveaux problèmes ».

Oui, « l’explosion » du coronavirus entre le lundi 9 mars et le dimanche 15 mars, initialement sous-évaluée, a pu être, malgré tout, réévaluée brutalement à la hausse, et ceci est un résultat majeur clairement à mettre au crédit de la gouvernance partagée « scientifiques-politiques ».

Mais, quelles en sont aussi ses limites, à la lumière de la remarque générique de Karl Popper ?

Pour ma part, j’en vois deux principales qui peuvent se résumer très facilement en deux questions clé :

 

  1. Que se passe-t-il lorsque la communauté scientifique n’est pas unanime ?

On vote à la majorité ? On suspend la décision jusqu’au moment du consensus ? Attention, ce ne sont pas des cas d’école, c’est exactement ce qui se passe sous nos yeux actuellement avec le Professeur Didier Raoult et sa fameuse chloroquine.

Il y a eu, sous nos yeux un peu stupéfaits, sur cette affaire de chloroquine, un malentendu de nature philosophique sur la question de la vérité. En clair, le consensus dans un groupe de 11 membres est une garantie de légitimité, mais il n’est en aucun cas une garantie de vérité. Et de toute évidence, le conseil scientifique s’est divisé sur la personne de Didier Raoult et son plaidoyer sur l’efficacité de la Chloroquine. Cette division a débouché sur le départ de fait de M. Didier Raoult de ce conseil scientifique.

Par nature, l’invention est une percée intellectuelle par rapport aux systèmes de pensée établis. Et il existe toujours un laps de temps où l’inventeur génial est bien seul à défendre son point de vue. L’histoire des sciences apporte un éclairage fort sur ce point-là et on peut, dans cette querelle, se rappeler utilement le « et pourtant, elle tourne ! » de Galilée bien seul devant les tribunaux de l’Inquisition.

La vérité viendra des sciences expérimentales et de l’essai clinique européen - Discovery - où 3 200 patients vont recevoir 5 traitements différents dont la chloroquine. Bientôt, mi-avril ? Nous saurons qui a raison sur la chloroquine…grâce à Discovery.

C’est une première limite à poser et à accepter comme fondement d’un tel conseil scientifique.  

  1. Quelles sont les limites de la compétence de ce Conseil scientifique ?

J’ai déjà dit tout le bien que je pensai de cette gouvernance lorsque les scientifiques peuvent donner leur avis sur le cœur de leurs compétences : expansion de l’épidémie, opportunité des stratégies de confinement, réponses hospitalières, etc…

Mais je crois sincèrement qu’il faut faire attention à ce que les scientifiques restent des scientifiques, à leur place et ne s’aventurent pas sur le domaine politique…

Le confinement est la bonne réponse pour enrayer la progression de l’épidémie. La nation est rassemblée autour de cette conviction forte.

Mais Karl Popper nous rappelle fortement que la résolution d’un problème central, la progression de l’épidémie grâce au confinement, fera nécessairement émerger d’autres enjeux énormes :

  • sanitaires d’abord, que se passe-t-il sur le front des autres maladies quand leur traitement est décalé, reporté ?
  • psychosociaux, ensuite. J’ai entendu, avec effroi, les cris d’alerte des psychiatres sur les risques d’un confinement trop longs.
  • socio-économiques, enfin.  Mettre des millions de travailleurs en chômage partiel est un autre risque majeur.

Bref, si l’avis de scientifiques sera aussi très pertinent sur les stratégies médicales d’accompagnement de la sortie du confinement, il appartiendra bien sûr aux politiques, Président de la République, Gouvernement, Parlement, d'en décider toutes les modalités.

 

Bref, organiser la réponse de la Nation après avis de scientifiques compétents est une avancée pertinente majeure pour piloter juste dans le « brouillard de la guerre ».

A une condition : que chacun reste à sa place.

 

 

 

Les réactions

En tant que scientifique, comment pourrai-je ne pas saluer la remise sur la scène de nos savants, intellectuels et chercheurs ? Dans ce monde de populistes où toutes les paroles se valent. Oui, il faut s'entourer des avis de nos meilleurs experts, et la France continue à avoir de grands savants reconnus ( nous avons toujours des prix Nobel et des médailles Field). Pour autant, je partage votre avis sur la nécessaire indépendance entre le politique et les experts. Le président écoute et ensuite il décide. Cette décision peut et doit être différente des experts car le président est élu par tous les français, les experts ne le sont pas.

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.