Les communes… heureusement ! C’était exactement la signature du 106ᵉ congrès de l’Association des Maires de France (AMF), la très puissante association qui fédère les 34 945 maires de France et les presque 500 000 élus municipaux. Ce 106ᵉ congrès se tenait, Porte de Versailles, au Parc des Expositions de Paris, du mardi 19 novembre au jeudi 21, en même temps que le salon des collectivités locales, formidable événement commercial présentant la quasi-totalité de l’offre de produits et de services à destination du monde territorial … et j’ai eu la chance et l’honneur d’y conduire une délégation importante de maires du Lot-et-Garonne, mon département.
J’ai aimé la signature de ce congrès, car, enfin, elle tranche avec une communication pleurnicharde des maires inlassablement décrits comme agressés, fatigués et démobilisés, dans laquelle je ne me retrouvais absolument pas, et ceci pour deux raisons :
- Tout d’abord, parce que le mandat de maire reste le plus beau des mandats (et j’ai été député, et je suis président d’agglomération et conseiller régional)…
- Ensuite, parce que personne n’est forcé à être candidat…
Loin de moi l’idée de nier les agressions physiques ou verbales dont certains maires sont les victimes. Elles exigent une réponse pénale très forte. Je constate avec bonheur que, de plus en plus, les services de police et les juges mettent en œuvre cette sévérité républicaine.
Mais il y a une deuxième lecture qui résonne avec notre actualité politique : que nous le disions fortement ou en catimini, la réalité française est bien celle d’un pays en crise politique majeure. Nous rentrons bientôt dans le mois de décembre et les Français n’ont pas la moindre idée de ce que sera le budget de l’État en 2025.
Qu’est-ce qu’une crise politique en France, sans doute le pays le plus centralisé de l’Union européenne ? Chez nous, en France, une crise politique, c’est d’abord un État immobile, et ensuite, un État qui dysfonctionne. Et bien, mes amis, nous y sommes ! Et dans ce contexte, oui, heureusement qu’il y a les communes qui font tourner les services publics de la vie quotidienne (les écoles, les bus, la collecte des ordures ménagères, etc., etc.).
Alors, oui, dans une crise politique de l’État national, dont il y a tout lieu de penser qu’elle ne sera réglée que par l’élection présidentielle de 2027, heureusement qu’il y a les maires et les communes pour nous faciliter la vie au quotidien.
Le hasard (était-ce vraiment le hasard ?) a voulu que je me rende au congrès des maires alors que je lisais le rapport public annuel de la Cour des comptes de 2023, dont le titre est : « La décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver », que m’avait passé un cousin, lui-même conseiller à la Cour des comptes.
Passionnant pour toutes celles et ceux qui s’intéressent au monde territorial (lire la synthèse de ce rapport ici). Passionnant, car ce rapport pointe les faiblesses actuelles de notre organisation territoriale et dessine en creux la future évolution souhaitable de celle-ci.
Ce rapport pointe plus spécialement quatre faiblesses majeures de notre organisation française :
- Le trop grand nombre de toutes petites communes (49,6 % des communes ont moins de 500 habitants), véritable trésor en matière de lien social, mais incapables financièrement de porter le moindre projet.
- L’échec de la réforme du 16 janvier 2015, qui a créé les grandes régions. Celles-ci n’ont pas permis de faire les économies de gestion attendues et elles ont éloigné les citoyens des décideurs régionaux.
- La perte d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, et principalement pour les plus importantes d’entre elles (départements et régions), notamment à l’occasion de la suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de la contribution à la valeur ajoutée.
- L’organisation des services déconcentrés de l’État, trop faibles pour couvrir toutes les missions qui leur sont confiées (contrôle de légalité, animation et diffusion des bonnes pratiques) et avec une chaîne hiérarchique devenue parfois floue entre préfet de région et préfet de département.
Cette chronique n’a pas l’ambition d’approfondir et de porter la contradiction à ce diagnostic. Mais elle me permet quand même de dire que je suis, pour l’essentiel, d’accord avec ce constat.
Un jour, quand la France aura retrouvé un gouvernement fort et durable (espérons que ce soit en 2027 !), il faudra continuer à faire évoluer notre organisation territoriale de manière à corriger ces faiblesses majeures.
En attendant, il faut vivre le mieux possible dans notre pays en crise.
Heureusement qu’il y a… les communes !
@+,
Jean Dionis, Maire d’Agen