Avec la déclaration de candidature d’Emmanuel Macron, la campagne présidentielle est (enfin) lancée.
Tant mieux.
J’ai sincèrement craint que la campagne soit « écrabouillée” entre cette épidémie du COVID qui n’en finit pas depuis 2 mois et la guerre en Ukraine que nous n’avons pas su, pas voulu voir venir.
Ce ne sera pas le cas.
Nous avons 6 semaines de campagne et de débats jusqu’au deuxième tour. C’est le minimum syndical, mais le débat national peut et doit avoir lieu. C’est une condition nécessaire de première importance pour que la présidente ou le président choisi par les Français ait toute la légitimité du suffrage universel.
Cette condition sera remplie.
Ce qui est certain, enfin, c’est que cette campagne ne ressemblera à aucune des précédentes. Plus qu’aucune autre, elle sera confrontée à la contrainte des événements, à la guerre d’agression livrée par la Russie à l’Ukraine. Jamais une campagne présidentielle de la 5 ième république ne s’était déroulée avec la guerre aux portes de l’Europe.
La nature même de cette campagne en sera profondément transformée. Toutes les mesures de l’opinion publique nous annonçaient une campagne dominée par quatre thèmes : le pouvoir d’achat, l’environnement, la sécurité et l’immigration. bizarrement, ces quatre thèmes vont rester dominants dans la campagne, mais, pour chacun d’entre eux, les attentes de l’opinion publique vont être profondément transformées par le conflit Russo-Ukrainien.
Le pouvoir d’achat d’abord : il était menacé par la croissance inflationniste de rattrapage de la crise du COVID. Ce n’est plus le cas.Les prévisions de croissance mondiale vont être revues à la baisse du fait de l’impact de la guerre sur le commerce mondial (sanctions, fermeture de marchés....). Le pouvoir d’achat sera d’abord menacé par les secteurs où nous sommes directement dépendants de l’Ukraine et de la Russie , à savoir les matières agricoles et l’énergie (gaz russe). Nous devrons débattre de la stratégie de résilience et de souveraineté alimentaire et énergétique évoquée par Emmanuelle Macron dans sa lettre de candidature.
L’environnement, ensuite : A juste titre, nous étions mobilisés sur l’adaptation et la limitation du réchauffement climatique. Cet enjeu doit rester au cœur de la campagne. Nous devons y veiller. Mais la guerre nous a renvoyé en pleine figure notre dépendance énergétique (40% du gaz consommé en Europe vient de Russie, 20% pour la France). Il y a urgence à faire reculer cette dépendance tout en conservant nos objectifs de baisse d’émission de gaz à effet de serre . Cela implique de repenser complètement notre politique énergétique et, notamment, pour parler clair, de relancer fortement nos investissements dans le domaine du nucléaire.
La sécurité pour continuer : nous étions préoccupés par la montée de la violence à l’intérieur de notre territoire national. La guerre va nous obliger à penser à nouveau sécurité extérieure, diplomatie Française (OTAN, quel élargissement voulons-nous ? .....) , mais aussi politique Européenne (que faisons nous des candidatures de la Moldavie, de l’Ukraine à l’Union Européenne ?) et Europe de La Défense. Enfin, la guerre va nous imposer de tourner enfin nos regards vers notre Défense nationale et de son niveau de préparation pour nous protéger dans un conflit moderne.
Défense Nationale, Politique Européenne, Affaires étrangères, autant d’angles morts, d’enjeux traditionnellement oubliés de nos campagnes électorales, autant de priorités que va nous imposer la guerre.
Enfin, l’immigration : là encore , le débat national s’était polarisé sur l’immigration nord-Africaine, arabe et subsaharienne . Mais au 11 ième jour de la guerre en Ukraine, ce sont plus de 1,7 millions de réfugiés ukrainiens qui sont sur le territoire de l’Union Européenne ( en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie et en Roumanie). L’opinion publique Française était réservée sur la poursuite d’une immigration importante sur le sol Français. Mais le dernier sondage de l’IFOP fait les 1er et 2 Mars montre que 79% des français sont favorables à l’accueil de réfugiés Ukrainiens sur notre territoire national ! Ce seul chiffre montre les forces symboliques et politiques mises en mouvement par le drame ukrainien.
La guerre, c’est toujours, que cela plaise ou non, un formidable accélérateur de la géopolitique et de l’Histoire ?
Qui aurait pensé que les 27 États adhérents à l’Union Européenne donneraient leur feu vert pour que l’Union Européenne achète des armes avec des fonds d’urgence et les livrerait à l’Ukraine?
Qui aurait pensé que l’Allemagne, notre partenaire majeur, en onze jours aurait doublé ses crédits militaires, décidé de livrer des armes à un pays en guerre, ce faisant en rupture totale avec sa politique étrangère depuis 1945, qu’elle déciderait de prolonger la durée de vie de ses centrales à charbon et nucléaires, bouleversant ainsi sa politique énergétique ?
Honnêtement, pas grand monde et en tout cas, modestement, pas moi.
Et bien , il va falloir confronter notre campagne présidentielle à ces dures réalités. Si elle ne le fait pas, elle sonnera étrangement faux et creux et les candidats qui refuseront ce choc du réel seront durement sanctionnés pour leur vacuité et leur cécité.
Soutien d’Emmanuel Macron, j’ai été rassuré de voir notre Président-candidat se confronter et nous appeler à anticiper et à nous adapter aux événements tragiques qui s’imposent à nous que ce soit Mardi à la télévision ou dans les journaux , le lendemain.
A chacun de nous de faire vivre la démocratie en participant à la campagne et en votant, les yeux ouverts sur la réalité tragique de cette période.
Démocrates, les yeux ouverts.
C’est au prix de cette double exigence que nous préserverons et la prospérité et la paix, chez nous en France.
PHOTO - AFP - LUDOVIC MARIN