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Discours dans l'hémicycle de Jean Dionis sur la proposition de loi relative aux tarifs règlementés d’électricité et de gaz naturel

Publication : 12/12/2007  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La libéralisation du marché de l’énergie est effective pour les particuliers depuis le 1er juillet 2007 dans toute l’Union européenne. Chaque citoyen peut donc théoriquement choisir son fournisseur d’électricité parmi les offres proposées par les nouveaux opérateurs du marché.

Cependant l’ouverture totale du marché n’est pas sans poser de nouvelles difficultés : je veux bien sûr parler de la perte du bénéfice des tarifs règlementés et de l’impossibilité pour les ménages ayant fait le choix de changer leur fournisseur d’électricité de bénéficier à nouveau du tarif règlementé.

Mes chers collègues, ce débat que nous avons aujourd’hui n’est pas sans rappeler celui que nous avons eu, il y a tout juste un an, à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif au secteur de l’énergie. Ce texte qui avait un objet beaucoup plus large : celui de la privatisation de Gaz de France, comportait des dispositions relatives au système tarifaire.

Cependant, le juge constitutionnel s’est saisi d’office du volet tarifaire de la loi et a censuré l’article relatif à la préservation des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz pour les logements anciens et pour tout nouveau site de consommation, jugeant que le mécanisme était d’une part, incompatible avec les directives et que d’autre part, tout consommateur d’électricité ou de gaz avait vocation, à terme, à s’alimenter exclusivement par le biais du marché libre.

Seulement, il faut le reconnaître, les conséquences de cette décision vont aboutir à des incohérences et à des injustices entre les citoyens.

Lorsqu’un occupant a exercé l’éligibilité pour un logement, les occupants suivants n’ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs règlementés et des offres de marché, et ce, quels que soient les choix qu’ils avaient effectués en tant que consommateurs.

Quant aux propriétaires, ils sont eux aussi inquiets sur les conséquences que pourrait avoir l’exercice de l’éligibilité par leur locataire. Ce choix irréversible serait clairement pénalisant pour les occupants suivants.

Et cette situation serait tout aussi pénalisante en cas de vente du bien, celui-ci risquant d’être déprécié dans la mesure où il ne bénéficie plus du tarif règlementé.

Conséquence directe de tout cela : l’apparition d’un double marché de l’immobilier : celui des logements pouvant bénéficier du tarif et celui des logements qui n’y ont plus droit. Cela créera, de fait, une inégalité majeure entre les ménages français : ceux qui auront droit au tarif réglementé et ceux qui n’y auront plus droit, bénéfice ou exclusion qui sera exclusivement lié au seul choix du logement.

Cette proposition de loi va donc dans la bonne direction. Cependant, le dispositif adopté par le Sénat n’établit qu’une réversibilité partielle : le consommateur ne pouvant revenir aux tarifs réglementés de gaz et d’électricité qu’en cas de déménagement.

Le groupe Nouveau Centre souhaite aller encore plus loin en proposant la mise en place de la réversibilité totale des droits dans l’électricité et en permettant ainsi aux consommateurs souscrivant une puissance électricité également ou inférieure à 36kVA d’aller et venir à leur guise entre le secteur règlementé et le marché concurrentiel. Nous avons donc déposé un amendement allant dans ce sens.
Honnêtement, il y a là un moyen de trouver un consensus entre nous – un consensus qui dépasse les clivages politiques car la réversibilité partielle n’est qu’une demi-mesure dont les consommateurs ne pourront se satisfaire.

La réversibilité totale sera un garde fou contre le risque de hausse de prix et permettra aux consommateurs qui le souhaitent de tester le marché sans être obligés de déménager pour revenir ensuite aux tarifs réglementés. J’ajoute que la réversibilité totale est en vigueur dans 15 pays de l’Union européenne où coexistent encore des tarifs règlementés et des prix de marché en électricité et en gaz !

Aujourd’hui, disons-le clairement, le nombre consommateurs professionnels ayant changé de fournisseur est quasiment insignifiant. Cela est bien regrettable, car il existe certainement sur le marché des offres alternatives innovantes et intéressantes.

En l’absence de décollage du marché, les entreprises qui se sont lancées dans la fourniture d’électricité pourraient être sérieusement mises en difficultés.

Reconnaissons-le, l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie ne pourra fonctionner que si elle s’accompagne d’une vraie et saine concurrence entre opérateurs, ainsi que de la mise en place de véritables garanties pour les consommateurs.

Enfin, mes chers collègues, cette proposition de loi nous amène à réfléchir sur la question plus globale de l’avenir des tarifs règlementés. Soyons clairs, en aucun cas, l’Europe n’empêche le concept de « tarif réglementé ».
Quel est l’intérêt de la France sur ce point ?
Pour l’heure, on a trois points de vue contradictoires :
1/ Les consommateurs ont tout intérêt à ce que le tarif règlementé perdure. Le contribuable français a financé le nucléaire et attend un juste de retour avec un tarif proche du prix de revient du nucléaire.
2/ L’Etat a un intérêt objectif à ce que l’on aille vers la suppression des tarifs et la libéralisation des marchés dans la mesure où il y a là un potentiel de profits extrêmement important. D’autant plus que les besoins en matière d’investissement et de renouvellement des installations sont énormes. Je vous rappelle qu’EDF a très peu investi en France entre 1996 et 2006.
En outre, l’actionnaire principal d’EDF, à savoir l’Etat, pourra utiliser les résultats d’EDF pour assainir ses finances publiques.
3. Du point de vue de l’Ecologie : on peut se demander si le fait de laisser les Français avec des habitudes de consommation élevées rendues possibles par des prix plutôt bas, est une bonne chose.

On ne tranchera pas cette question fondamentale sans un véritable arbitrage politique en la matière. Et Le groupe Nouveau Centre appelle de ses vœux ce grand débat : la prochaine loi d’orientation relative à l’environnement pourra en être l’occasion.

La France doit déterminer un axe fort en matière énergétique afin de peser au sein du débat européen. Il ne serait pas efficace de naviguer à vue en prenant des décisions ponctuelles comme celle qui a été prise avec la vente de 2,5% du capital d’EDF dont le produit (3,7 milliard d’euros) servira à financer la modernisation des universités. Il s’agit là d’une rupture avec la règle selon laquelle les recettes des privatisations devaient servir à la réduction de notre dette. Et le Groupe Nouveau centre s’en inquiète.

Pour conclure, Monsieur le Ministre, ce texte va, certes, dans le bon sens mais mériterait d’être encore plus ambitieux en franchissant le pas de la réversibilité totale. Un geste qui, j’en suis sûr, permettra une moindre frilosité des consommateurs envers les nouvelles offres et une protection contre des hausses excessives de prix.

Je vous remercie.

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