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28/03/06 : discours de Jean Dionis du Séjour lors de la discussion générale du projet de loi relative à la sécurité et transparence en matière nucléaire.

Publication : 28/03/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Madame le Ministre,
Mes chers collègues,

Le parlement a arrêté les grandes orientations de la politique énergétique de la France lors du débat sur la loi d'orientation sur l'énergie. Nous abordons maintenant le cadre législatif, et je dirai enfin, de l’une de ses composantes, certainement la plus importante au regard de la réalité du bouquet énergétique et plus spécialement électrique français, à savoir celui de la filière électronucléaire française.

L’opinion publique française est globalement, et de plus en plus, favorable au nucléaire.
Habitant à 15 km du site de la Centrale de Golfech, je garde en mémoire la profonde défiance populaire qui a marqué le début du Nucléaire français et le climat particulièrement tendu sur le site au début des années 80.
L'image du nucléaire s'est considérablement améliorée ces dernières années. Il y a des raisons objectives à cela :
1 - Une filière à ce jour très sûre.
2 - Une sensibilisation croissante du public du public aux enjeux environnementaux et aux atouts du nucléaire face au défi de l'effet de serre et du réchauffement climatique
3 - Une volonté croissante de renforcer l'indépendance énergétique du pays à laquelle contribue le nucléaire.
4 - Une réelle sensibilité au fait que le nucléaire contribue à la compétitivité de notre économie par des prix de production stables et relativement bon marché.
Tout va-t-il donc pour le mieux en France en matière de politique de développement du nucléaire ?
A l'UDF, nous ne baignons pas dans cette douce euphorie.

Lors des débats sur la loi d'orientation d'énergie, la question du nucléaire et du lancement du nouveau réacteur EPR a focalisé l’essentiel de nos débats eau détriment d’une vraie réflexion stratégique sur la maîtrise de la demande énergétique et d'une politique équilibrée et adaptée à la période que nous vivons.

Pour l’UDF, il aurait fallu commencer par le calibrage de la demande avec des objectifs très forts de réduction de l’intensité énergétique finale. Mais à partir de cette expression des besoins, nous aurions pu définir politiquement le bouquet énergétique voulu pour notre nation en distribuant les rôles entre la production électronucléaire, la place des énergies fossiles et celles à réserver aux énergies renouvelables.

C’est pourquoi si l’UDF avait approuvé la construction d’un démonstrateur EPR qui servira de solution de remplacement d’ici 2015 en cas de dysfonctionnement structurel ou d'arrêt des centrales les plus anciennes, nous pensons que la question de fond concernant la filière électronucléaire française n'a pas trouvé de réponses dans ce texte.

Combien de centrales nucléaires devrons nous reconstruire pour remplacer le parc actuel et satisfaire aux besoins énergétiques de la nation et pour quelle puissance de production ? Nous n'avons pas répondu à cette question centrale.

Pour notre part, nous reconnaissons le rôle positif et central du nucléaire dans l'offre énergétique française, mais nous sommes opposés, à priori, à un renouvellement à l’identique de notre parc nucléaire dont la production occupe aujourd'hui 78,2 % de la production brute totale d'électricité.

Pour obtenir une réelle diversification du bouquet énergétique français, il faut se fixer une règle simple : la production d'électricité nucléaire doit être recentrée sur la satisfaction de la base de notre demande énergétique, le gaz naturel et les énergies renouvelables doivent monter en puissance pour satisfaire les besoins exprimés en semi base et en pointe.
C'est avec ces convictions et cette politique de développement d'avenir pour le nucléaire en tête, que nous abordons ce débat sur les conditions pour continuer à renforcer la confiance de la nation dans cette filière stratégique.
Or, nous le savons, le point faible de la filière et de la confiance populaire reste la gestion des déchets, qui représente un véritable enjeu politique. Le Parlement s'en saisira dès demain.
Dans ce contexte, il est utile d'accroître l'adhésion - et donc la confiance - de la Nation dans cette filière centrale de notre approvisionnement énergétique.
Le groupe UDF en appelle donc à une gestion exemplaire de ce dossier, qui permette d'aboutir à deux votes unanimes - ou presque- du parlement. Sur ce dossier, ce serait vraiment un signal fort en direction de l'ensemble des citoyens. La balle pour cela est dans votre camp, au moins pour la première mi-temps Madame la Ministre.

Pour cela encore faut-il vouloir créer les conditions de ce rassemblement.

Permettre un débat sur le thème de la transparence et de la sûreté nucléaire et fixer un cadre législatif approprié pour atteindre ces objectifs est, à priori, une excellente chose.

Mais, en préambule, laissez-nous vous dire notre mécontentement quant aux conditions trop rapides de l’examen de ce texte, notamment pour nos collègues sénateurs, que ce soit le dépôt de la lettre rectificative du projet de loi ou, une nouvelle fois, la déclaration d’urgence.

Vraiment, la déclaration d'urgence pour ce gouvernement, en fin de mandat, cela devient une manie…et, entre nous, un tel texte, un tel sujet mérite-t-il vraiment tant de précipitation ? L'absence de ce texte bloque-t-il en quoique ce soit la production ou le développement de l'énergie du nucléaire en France ?la réponse est évidemment non. Madame le Ministre, nous avons été quasi-unanimes, en commission, à vous demander la levée de l'urgence. Le gouvernement serait bien inspiré d'entendre le parlement sur la méthode à suivre.

Et pourquoi, par ailleurs, séparer en deux textes distincts, des thèmes si intimement liés : la confiance de nos concitoyens dans le nucléaire, censée faire l’objet du premier texte, tient pourtant, en grande partie, au règlement du problème, à l’élaboration de solutions durables à la question centrale des déchets.

Mais me direz-vous, les choses n'ont pas si mal fonctionné jusqu’à présent, reposant sur les bonnes pratiques des uns et des autres et l’absence d’incident majeur est la preuve du bon niveau de sécurité actuel de l'ensemble de la filière nucléaire.

Mais l'exigence de transparence toujours plus grande de la part de nos citoyens, notamment dans la perspective de la nouvelle génération de centrales nucléaires - Le fameux EPR - et l'exigence de réponses plus satisfaisantes sur le traitement des déchets ainsi que la libéralisation croissante du marché de l’énergie, tout imposait bien qu’un jour ou l’autre, la France se décide à se donner, dans la loi, des règles précises en la matière. Permettez à l'UDF d'affirmer qu'il est aussi temps que l'Union Européenne en fasse de même. A quand une directive européenne en la matière ? Tchernobyl ne nous a-t-il rien appris à nous Européens ? et que faisons-nous de la perspective d'une partie croissante du territoire national situé à proximité de centrales étrangères comme les départements du Nord et du Pas de calais à proximité des centrales belges d'Electrabel ? Ce projet de loi, c’est aussi l’opportunité pour permettre à la France de conserver une place privilégiée en matière de savoir-faire pour la mise en œuvre de la technologie nucléaire dans des conditions démocratiques et ce, notamment, dans la perspective de l'arrivée des réacteurs de quatrième génération.

Pour atteindre un niveau supplémentaire de confiance de nos concitoyens, il nous faut néanmoins garder en permanence à l’esprit leurs préoccupations majeures en ce qui concerne le nucléaire :

Ces préoccupations légitimes, ce sont la santé publique et l’environnement.

Car le nucléaire est encore perçu comme une source potentielle de danger pour la santé publique et l'environnement.

.1 -La santé publique d'abord.

Nous nous sommes déjà vivement battus, lors des discussions sur le projet de loi d’orientation sur l’énergie pour que la santé publique soit inscrite parmi les grands objectifs de la politique énergétique de la France.
Le deuxième objectif de la politique énergétique de la France, telle qu'il est inscrit dans notre loi, est de "mieux préserver la santé humaine et l'environnement et, en particulier, d'améliorer la protection sanitaire de la population en réduisant les usages énergétiques responsables de pollutions atmosphériques ainsi que de lutter davantage contre l'aggravation de l'effet de serre".
La Charte de l’environnement elle-même, qui a maintenant une valeur constitutionnelle, ne mentionne-t-elle pas, dans son premier article que « chacun a le droit de vivre dans un environnement sain et favorable à sa santé » ?.

Nous sommes encore beaucoup trop timides pour établir le plus rationnellement possible et de la manière la plus transparente, le niveau de risque de pathologies graves liés au nucléaire. Trop de rumeurs sans doute infondées courent toujours, notamment à proximité des centrales, sur les risques accrus d'être atteints par tel ou.tel cancer de la tyroïde par exemple. Le nucléaire n'a rien à craindre, ni à cacher d'une véritable surveillance sanitaire à proximité de ces installations. Des enquêtes épidémiologiques très poussées, très fréquentes doivent être menées , sur le long terme de manière scientifiquement incontestable par l’Autorité et les résultats doivent être communiqués au public, toujours dans cet esprit de confiance et de transparence que nous voulons établir entre la nation et son industrie nucléaire.

2 - L'impact de la filière sur l'environnement :

Permettez au riverain de Garonne que je suis d'aborder ici un point très précis et important relatif à notre sujet : celui de l’utilisation de l’eau de nos rivières pour le fonctionnement de nos centrales.

Rappelons nous : Eté 2003, la France vit un de ses épisodes les plus violents de sécheresse en 50 ans .Brutalement, la température de nos rivières s'est approchée des 30 ° interdisant de fait les rejets d'eau chaude en provenance des centrales nucléaires et bloquant potentiellement le fonctionnement de celles-ci. Une série de dérogation fut accordée en urgence. Mais avons-nous tiré toutes les leçons de cette alerte ?

Cette question déjà problématique va devenir de plus en plus épineuse à mesure que les températures vont augmenter, ce qui est probable, si l'on en croit les climatologues, notamment en été. Il va falloir trouver de nouvelles règles d'arbitrage entre la nécessité d’utiliser de l’eau pour assurer un bon fonctionnement des centrales et les conséquences de ces rejets d’eau chaudes sur les milieux aquatiques de cours d'eau de plus en plus souvent asséchés.

L’Autorité de sûreté nucléaire devra proposer une solution satisfaisante pour tous : exploitants d’installations, citoyens, agriculteurs…C'est un problème politique très sensible et nous devons l'avoir résolu à l'issue de nos travaux, non seulement sur les projets de loi nucléaire, mais aussi sur ceux relatifs au projet de loi sur l'eau.


Ces enjeux étant rappelés, l’objectif affiché de ce texte est d'améliorer la gouvernance de notre pays en matière nucléaire en créant notamment une autorité indépendante du pouvoir politique, l'Autorité de Sureté nucléaire.

Il est prévu qu'elle dispose de missions et de moyens étendus pour contrôler le respect de grands principes tels que le principe de précaution et le principe pollueur-payeur et pour favoriser une sécurité maximum par des règles précises et informer, en toute transparence, la population en matière d’activités nucléaires.

Les débats et les inquiétudes se sont cristallisés autour de cette autorité indépendante. Que faut-il en penser vraiment ? Il est vrai qu’en matière de nucléaire, nous devons être très prudents : Une autorité indépendante, oui, une autorité irresponsable, non.

Le choix a donc été fait de créer une autorité indépendante, comme il en existe déjà plus d’une trentaine, selon le Conseil d’Etat, dans d’autres secteurs. L'UDF n'est pas opposée, par principe à ce type de statut. Celui-ci évite que l’Etat ne soit pas à la fois être juge et partie, Etat-actionnaire et Etat-régulateur dans le cadre d’activités économiques stratégiques.

Pour cette raison, nous avons vivement soutenu ce type de structure, mis en avant par le législateur européen, quant elle se sont avérées adaptées, je pense par exemple à l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dont nous ne pouvons que nous féliciter aujourd’hui de l’utilité et de l’efficacité.

Le statut d'Autorité indépendante garantit-il de manière automatique un fonctionnement à la fois efficace et indépendant ? A l'UDF, nous nous garderons de tout angélisme en la matière. Il y a effectivement un risque que ses membres, s'ils sont nommés sur leur compétence , appartiennent à l'industrie nucléaire et ne soient par forcément dans la meilleure situation pour être impartiaux et à contrario, s'ils provenaient de la société civile, leur efficacité dans un domaine hautement technique peut être questionnée? Il y aura donc là un équilibre difficile à tenir et les raisons d'une vigilance de la part du gouvernement et du parlement.

Heureusement, la sagesse de nos collègues du Sénat et de la Commission des affaires économiques a permis d’apporter une première série de garanties qui vont dans le bon sens .

Ce texte permet également d’autres avancées, notamment concernant les CLI et le Haut Comité de transparence qui sont et doivent être des acteurs de plus en plus centraux de la diffusion de l’information auprès du public, autre axe essentiel du texte et instrument d’une plus grande confiance du public dans le nucléaire.

Pour conclure, le groupe UDF aborde ce texte qui apporte un cadre législatif utile et nécessaire à une question qui reste délicate et qui s’avérera centrale dans les années à venir de manière positive.
Nous espérons que l'ensemble de nos travaux nous permette de nous rapprocher de l'objectif d'un vote unanime - ou presque- du parlement. A vous, Madame le ministre et à nous de faire preuve d'imagination, d'audace et de sens de compromis - denrée rare par les temps qui courent - pour y arriver.

La confiance forte, durable de notre peuple dans cette énergie de l'avenir mérite cet effort.

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