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25/01/2012 - Surendettement: le Gouvernement et la gauche font marche arrière

Publication : 26/01/2012  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Suite au rejet par l’Assemblée nationale ce jour, sur avis du gouvernement, de leur proposition de loi, Jean-Christophe LAGARDE, député-maire de Drancy, vice-président de l’Assemblée nationale, et de Jean DIONIS DU SEJOUR, député-maire d’Agen, regrettent ce revirement dans le combat visant à instaurer en France un répertoire national du crédit pour lutter contre le surendettement et améliorer la distribution du crédit.
Alors que le bien-fondé du répertoire national du crédit avait été reconnu par Christine LAGARDE, ministre de l’Economie lors des débats sur le projet de loi portant réforme au crédit à la consommation, alors qu’un comité de préfiguration avait été mis en place pour statuer sur les modalités pratiques d’un tel répertoire, le gouvernement par la voix de Frédéric LEFEBVRE, secrétaire d’Etat au commerce a préféré revenir aujourd’hui sur ses engagements au risque de voir le fléau du surendettement progresser encore dans notre pays.
Depuis 2003, les députés centristes ont régulièrement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dans le cadre de leurs séances d’initiative parlementaire, la proposition de loi visant à instaurer un répertoire national du crédit. Depuis bientôt 10 ans, sous influence de l’UMP comme du PS, soutenus par deux banques françaises et certains organismes de crédit, tous les arguments ont été utilisé pour refuser le répertoire national du crédit.
Ce dispositif existe pourtant dans 24 des 27 pays de l’Union européenne, et au minimum la moitié des cas de surendettement pourrait être évitée avec ce répertoire. Le surendettement reste un fléau social majeur : 200000 familles françaises basculent chaque année dans cette situation. Ce sont 1 200 000 familles françaises qui auraient pu, depuis 2003, éviter une situation dramatique, si les centristes avaient été entendus.
Le statu quo défendu par le Gouvernement et les députés PS est d’autant plus inadmissible qu’aujourd'hui, la crise économique accentue l'urgence sociale d'adopter ce dispositif. Si une occasion a été manquée aujourd’hui, les députés du Groupe Nouveau Centre continueront résolument le combat pour l’instauration du répertoire national du crédit.
 
Vous trouverez ci-dessous le discours de Jean Dionis dans l'hémicycle, en tant que rapporteur et auteur de la proposition de loi visant à prévenir le surendettement :
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Georges Clemenceau qui en avait vu d'autres a déclaré : « Quand je veux enterrer un dossier, je crée une commission » .
Le Gouvernement et Le Sénat lors des débats sur le projet de loi de protection des consommateurs ont usé de cette vieille recette radicale en créant un nième groupe de travail sur le Répertoire national du Crédit aux particuliers.
Et, malgré la bonne volonté de toutes les parties prenantes, il y avait avant-hier quelque chose d'un peu pathétique et ridicule dans la première réunion à ce sujet......alors qu'Emmanuel Constans, mandaté par C.Lagarde, avait mobilisé pendant un an toutes les parties prenantes de ce chantier, suivant en cela les décisions de notre parlement lors des débats sur la loi réformant le crédit à la consommation. Pour ma part, j'ai voulu marquer ma désapprobation avec ces pratiques en ayant le groupe de travail buissonnier vis-à-vis de ce simulacre de volonté d'agir.

Pourquoi une nouvelle fois choisir de maintenir l'isolement de la France dans ce domaine socialement sensible ?. « Errare humanum est, perseverare diabolicum » disait le sage Sénéque. Monsieur le Ministre, vous devriez méditer cette maxime et vous poser humblement une question lorsque vous voyez la très grande majorité de nos partenaires Européens avoir adopté un dispositif voisin, en être satisfaits et n'avoir aucune envie de le remettre en cause. Cette question simple est : « et s'ils avaient raison ? » et aussi : « quelles sont les raisons profondes et cachées de ce statu quo, de cet immobilisme français? »

La création de ce répertoire que nous appelons de nos vœux ne constitue certes pas un remède miracle au fléau du surendettement, mais il s’agit à l’évidence d’un outil précieux, complémentaire des dispositifs existants permettant une meilleure connaissance de la situation financière des emprunteurs et par là même de responsabiliser les établissements de crédits et leurs filiales spécialisées dans le crédit à la consommation.

Je tiens à tout d’abord rappeler un certain nombre d’éléments nécessaires à la bonne compréhension du texte que je propose avec Jean-Christophe Lagarde et les membres du groupe Nouveau Centre. Je ne vous assommerai pas de chiffres ni de statistiques, vous les connaissez et vous connaissez surtout la réalité de la situation en recevant nos concitoyens dans vos permanences.
J’indique juste, pour bien marquer la dynamique inquiétante de ce phénomène, que le rythme annuel de dépôt des dossiers examinés auprès des commissions de surendettement est passé de 180 000 en 2004 à 230 000 aujourd’hui, soit une augmentation de 27 %, marquant bien la forte progression de ces situations de détresse avec l'installation de la crise économique dans notre pays. Retenons que plus de 700 000 ménages français font actuellement l'objet d'une procédure en matière de surendettement. Enfin, Jean-Paul Delevoye, nouveau Président du Conseil Economique Social et Environnemental, a récemment déclaré que plus 12 de ménages français ont des difficultés – à 50 euros près tous les mois – pour équilibrer leur budget familial .

J'insister également sur un point très précis : lorsqu’en 2010 nous avons discuté du projet de loi présenté par Mme Christine Lagarde réformant le crédit à la consommation, le sujet du répertoire national du Crédit avait connu une avancée marquante et, pensions nous, décisive, lorsque la Ministre avait déclaré clos le débat sur l'opportunité de la pertinence d'un tel dispositif et avait fait inscrire dans la loi la création d'un comité de préfiguration chargé d'en fixer les modalités de mises en oeuvre!

Malheureusement les préconisations exposées dans le rapport du comité n’ont pas été suivies d’effets puisque le gouvernement a choisi de s’abriter derrière un avis de la CNIL pour enterrer le dossier. Cette décision prise à la fin de l'été 2011a condamné notre pays à nouveau au statu quo et à l'immobilisme dans ce domaine et nous verrons qu'il y a un prix élevé à cette décision malheureuse et funeste.
Il est temps, et c’est le sens de cette initiative du groupe Nouveau Centre, de relancer le processus en s’appuyant sur le très bon travail du comité présidé par M. Emmanuel Constans.

Quels sont donc les objectifs poursuivis par la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers ? On peut distinguer un objectif principal, il s’agit de la prévention du surendettement, et un objectif second, l’accès d’un plus grand nombre de personnes à un crédit raisonné puisqu’on estime à 40% la proportion de nos concitoyens qui, pour diverses raisons, n’ont pas de crédit à la consommation.

En ce qui concerne la prévention du surendettement, les statistiques émanant de la Banque de France montrent que les personnes ayant recours aux commissions de surendettement ont très souvent de nombreux crédits à la consommation en cours, en moyenne près de cinq ce qui est déjà un nombre conséquent. Plus remarquable encore, une étude réalisée par l’association CRESUS sur les 47 000 dossiers qu’elle a eu à connaître en 2010-2011 montre que les ménages surendettés sont liés par plus de huit crédits dans 78% des cas !

Il est donc clairement nécessaire de responsabiliser davantage les établissements de crédit au moment de décider de l’octroi d’un prêt à la consommation. Il s’agit là d’une mesure de bon sens et je sais que nous sommes nombreux à partager cet avis sur les différents bancs de cette assemblée. A cet égard, l'amendement de nos collègues socialistes visant à réserver la consultation du répertoire national aux seuls emprunteurs, même si j'en comprends la motivation en termes de protection des libertés publiques, ne permet pas cette responsabilisation. Or celle-ci est indispensable pour fonder les sanctions visant à interdire le recouvrement des sommes correspondant au remboursements de prêts faits à des personnes en danger de surendettement, comme le prévoit l'article 1er de notre proposition. Alors pourquoi ce blocage ? Pourquoi cet isolement français en Europe sur cette question ?

Tous nos partenaires européens, à l’exception du Danemark et de la Finlande, disposent d’un Répertoire National du Crédit aux particuliers ou d'un dispositif proche. Certains, comme l'Allemagne, ont adopté cette démarche depuis 1927 !!!!!! . Aucun d'entre eux n'envisage de revenir en arrière.

Pour répondre à la question du retard et de l'isolement français, j’en arrive aux objections qui ont été avancées à l’encontre du Répertoire National du Crédit aux particuliers par ses détracteurs, au premier rang desquels se trouvent les deux banques françaises, BNP Paribas et Crédit Agricole .

Quelles sont ces objections ?

Tout d’abord la distinction entre le « surendettement actif » qui correspondrait à un recours imprudent au crédit, pour lequel le Répertoire National du Crédit aux particuliers serait utile mais qui est jugé comme étant très minoritaire parmi les dossiers déposés (25%), et le « surendettement passif » jugé très majoritaire (75%), qui découlerait des différents « accidents de la vie » que sont les problèmes de santé, la perte d’un emploi ou le divorce, pour lequel un tel répertoire serait sans intérêt puisque la difficulté survient au cours de l’exécution des contrats et non lors de la souscription.

Cette objection a été réfutée par la Cour des Comptes : elle a en effet estimé dans son rapport 2010 que la distinction établie par la Banque de France entre « l’endettement actif » et « l’endettement passif » n’est pas opérante. Selon la Cour, une majorité de dossiers comporte une situation où des « accidents de la vie », plus ou moins prévisibles, se cumulent avec des comportements de consommation imprudents (nombreuses cartes de crédit renouvelable, par exemple) ce qui rendaient le surendettement inévitable au moindre « accident ».
Ensuite nous voulons répondre à la l’objection de la CNIL qui porte sur le risque d'atteinte aux libertés individuelles et sur les risques de dérives mercantiles. Il s’agit, d’une part, des réserves de la CNIL sur l’utilisation du numéro de sécurité sociale (NIR) comme identifiant des personnes au sein du Répertoire National du Crédit aux particuliers et, d’autre part, des risques d’utilisation dévoyée du fichier à des fins de prospection commerciale ou d’extension du fichier à des données autres que les seuls crédits (charges locatives, dépenses contraintes comme l’énergie, les télécommunications).

En ce qui concerne le premier point, je pense tout d’abord que le choix de l’identifiant relève du pouvoir réglementaire, d’un décret en Conseil d’Etat plus précisément, comme le prévoit d’ailleurs l’article 27 de la loi « Informatique et Libertés »du 6 janvier 1978.

Je crois également que l’atteinte potentielle à la protection des données à caractère personnel est considérablement diminuée par les procédures de hachage et de cryptage du NIR prévues par le comité de préfiguration, et qu’en tout état de cause, la création d’un répertoire national est une démarche beaucoup moins intrusive que les technologies permettant la traçabilité et la géo-localisation des individus, que ce soit via les réseaux sociaux sur internet, les smartphones, les cartes de crédit ou les cartes de transport.

Quant aux risques de détournement de l’usage du Répertoire National du Crédit aux particuliers, il convient de souligner l’existence de nombreuses garanties dans les préconisations du rapport de préfiguration et reprises dans la proposition de loi. La centralisation des données serait confiée à la Banque de France ce qui constitue une garantie forte d’indépendance et de sécurité, la consultation des données aurait lieu sous une forme agrégée et dans l’unique but d’examiner la solvabilité du souscripteur, enfin la remise à un tiers d’une copie des informations, la demande de remise de données ou l'accès par des personnes non autorisées sont passibles de sanctions pénales.
Sous réserves d'investigations plus poussées complémentaires, la CNIL, saisie par votre serviteur, n'a d’ailleurs pas signalé d'incidents graves dans ce domaine, notamment en Belgique, pays qui a mis en place un dispositif de même nature que notre proposition. Ceci doit nous aider à ramener ce risque à sa juste proportion qui est très faible.

Enfin nous répondrons à la 3ème objection soulevée par les adversaires du Répertoire portant sur le coût et la lourdeur disproportionnés de cette procédure en regard des résultats escomptés.

Quant à la faisabilité du répertoire qui pourrait recenser 25 Millions de personnes et 100 Millions de lignes enregistrées, il est clair que ce fichier ne serait en aucun cas un première technologique, un grand nombre de répertoires de ces dimensions étant opérationnels avec des architectures diverses. Un délai de 18 mois est d’ailleurs prévu par le texte.

Le coût de constitution et de fonctionnement du Répertoire National du Crédit aux particuliers a fait l’objet d’estimations dans le rapport de préfiguration. Il convient de ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’un investissement dont le coût serait amorti en 5 ans avec la diminution des impayés bancaires et la facturation des consultations dont l'ordre de grandeur se situerait aux alentours de 50 cts € et que les bénéfices en terme de rationalisation de la distribution du crédit profiteraient aussi bien aux banques qu’aux consommateurs.

Sur la proportionnalité du répertoire en regard des objectifs poursuivis, il faut bien garder à l’esprit que la situation du surendettement ne fait que s'aggraver dans notre pays. Il apparaît donc légitime d’utiliser tous les outils pour prévenir ces situations bien souvent dramatiques dans lesquelles se retrouvent chaque année plus de 200 000 de nos concitoyens. J’ajoute que le statu quo et le combat de retardement mené par certains établissements bancaires conduit à la constitution de fichiers et de moyens d'investigation privés au sein de chacun des réseaux bancaires, fichiers qui ne peuvent être qu'occasionnellement contrôlés par la CNIL, ce qui ne favorise ni la transparence ni la concurrence, ni les respect des libertés individuelles. Il s’agit d’une forme de conservatisme qui vise à protéger les situations acquises alors que davantage de transparence et de rationalité permettrait le développement d’une plus grande concurrence au service des consommateurs, le secteur de la téléphonie mobile vient de nous en administrer la preuve !

La constitution d’un répertoire consultable selon des modalités bien définies qui viendrait compléter le service public dédié à la prévention du surendettement nous semble davantage conforme à nos valeurs.

Je vous propose donc mes chers collègues d’arrêter -enfin- le principe de la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers qui viendra au soutien des ménages en difficulté, ce qui est encore plus nécessaire et urgent en cette période de crise économique.
Encore une fois, Il est temps pour la France de faire preuve d'humilité et d'efficacité en se demandant : « Et si nos partenaires européens avaient raison? » et en osant prendre la distance nécessaire avec les intérêts particuliers de nos deux groupes bancaires (BNP Paribas et le Crédit Agricole), bref de retrouver le sens de l'intérêt général qui nous commande de compléter le service public de prévention du surendettement!

Ce débat va obliger chacun d'entre nous à trancher la question de savoir si: «  oui ou non, nous voulons agir maintenant contre les ravages du surendettement? »

C'est tout le sens de ce débat.
Je vous remercie

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