Vous trouverez ci-après la tribune du député Jean Dionis qui est chargé des questions relatives à la politique énergétique au sein du groupe UDF.
Le gouvernement s'est engagé à présenter au Parlement, après l'organisation d'un grand débat national, une loi d'orientation sur la politique énergétique de la nation avant la fin de l'année 2004. Il faut l'en féliciter. L'enjeu est de préparer notre avenir énergétique pour un développement durable de notre pays tout en assurant notre indépendance énergétique. Ce n'est pas une loi de programmation sectorielle banale, compte tenu de la dépendance de l'ensemble de nos activités par rapport à nos approvisionnements énergétiques. C’est en fait un vrai choix stratégique national.
Or le débat vient brusquement de se focaliser sur la question de l'opportunité d'un lancement urgent d'un réacteur nucléaire de type EPR. Pour l'UDF, ce débat est prématuré et nous voudrions être de ceux qui remettent les bœufs devant la charrue…
Entendons-nous bien. La France est un des leaders mondiaux de l'industrie électro-nucléaire. L’enjeu industriel est de taille pour Areva, pour EDF et pour tout secteur de notre industrie. Cet enjeu est réel, et il est bien sûr du devoir de la Ministre de l’industrie d’y être attentif.
Mais ce n’est pas la priorité. La priorité absolue, c’est le débat énergétique, c'est notre démarche collective pour prendre de bonnes décisions de long terme pour l'intérêt national.
Pour cela, il nous faut d'abord débattre de nos besoins futurs en énergie, sans démagogie, sans rêver à un peuple de France différent de ce qu'il est, mais avec une volonté farouche de limiter l'effet de serre, de faire la guerre aux gaspillages, de modifier lentement mais sûrement nos comportements pour aboutir à ces résultats.
Il y a urgence à étudier avec transparence les réels besoins de nos concitoyens, les différences entre ces besoins et les habitudes de consommation énergétiques.
Or seule l'industrie a fait des progrès considérables en matière d'économie d'énergie.
La situation est loin d'être aussi brillante en matière de chauffage résidentiel. Et dans ce domaine, l’Etat doit donner l’exemple, par des gestes concrets, pas seulement des promesses.
Le domaine du transport est aussi une terre de mission... Nous devons adopter enfin une politique forte en matière de limitation de l'usage de la voiture en ville. Ce ne sera pas facile. « Les Français aiment la bagnole », avait l'habitude de dire Georges Pompidou, fin connaisseur de notre peuple. Le changement passe par le transport urbain collectif. Le maire de Londres met en place un péage urbain. Et nous, que faisons nous? A nous d'impulser ce changement vigoureusement en mettant en place un plan global pour les transports en commun, qui combinera mesures fiscales et recettes affectées, construction d’équipements comme les parkings autour des villes, promotion du covoiturage, avec un budget de communication aussi important que celui de la prévention routière.
Alors de l'audace, encore de l'audace, en matière d'économies d'énergie!
Après et après seulement, viendra le temps de la charrue, celui de nos approvisionnements énergétiques, pour répondre à nos besoins futurs….
Nous devons avoir comme toute première priorité de réduire sur le long terme notre consommation de produits pétroliers, et ceci pour deux raisons : pour notre indépendance nationale par rapport à des pays producteurs dont le comportement est instable voir dangereux, et pour limiter l’émission des gaz à effet de serre.
Nous devons avoir comme seconde priorité de développer vigoureusement les énergies renouvelables, en donnant dans l’immédiat la priorité à l'énergie éolienne, seule énergie avec un réel potentiel de développement aujourd'hui. Mais il nous faudra être ambitieux pour l'avenir dans ce domaine. A nous de dégager dès maintenant des crédits significatifs de Recherche et Développement pour demain être en mesure de diversifier notre offre énergétique…
Le parlement devra, ensuite, se saisir en profondeur de l'arbitrage à rendre entre le gaz et le nucléaire, qui resteront à court et moyen terme les deux alternatives significatives au pétrole, chacune avec des avantages et inconvénients qu'il ne faut pas caricaturer.
Pour le gaz, sa simplicité de production et distribution, des déchets réels, mais sans commune mesure avec les problèmes posés par le pétrole et le nucléaire.
Pour le nucléaire, l'indépendance énergétique, son coût raisonnable, son absence de production de gaz à effet de serre.
Cet arbitrage, complexe, mérite un vrai débat démocratique en profondeur.
Enfin, lorsque la place du nucléaire aura été raisonnablement quantifiée en fonction d’objectifs politiques clairement identifiés, nous pourrons aborder en toute sérénité les arbitrages internes à la filière du nucléaire, et notamment celui de l'opportunité de construire un EPR.
Cette décision est, au regard de la politique énergétique, une décision importante, celle de la transition entre deux générations de réacteurs nucléaires, mais il faut impérativement la prendre à la fin de la démarche nationale.
Veillons à respecter le calendrier démocratique de ce débat. Toute attitude contraire réveillera les vieilles postures pro et anti-nucléaires, toutes deux aussi archaïques et figées. La France a besoin de tout sauf de cela. Elle a besoin d'un cap et elle a besoin d'un élan. Cela mérite bien notre patience.
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22/10/03 - Débat sur la politique énergétique :Ne pas mettre la charrue avant les bœufs !
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