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20/01/05 - Discours de Jean Dionis, porte-parole du Groupe UDF sur le projet de loi régulations postales

Publication : 20/01/2005  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Voici presque un an jour pour jour que le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
Que s’est-il passé dans cet intervalle qui explique l’ajournement de l’inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? Je n’ose imaginer que les élections de 2004 y sont pour quelque chose…

Le débat actuel sur La Poste a été très mal engagé. Et il faut bien reconnaître que la posture démagogique de la gauche y est pour beaucoup. Le débat et l’opinion publique se sont en effet focalisés sur la question de la fermeture des bureaux de poste notamment en zones rurales, alors que peu de monde ne s’est vraiment interrogé sur la situation financière et l’avenir de La Poste et de ses 300 000 personnels dans un marché de plus en plus ouvert à la concurrence. Je rappelle que La Poste a dû recruter 14 000 agents pour l’application de la réduction du temps de travail. Les charges de personnel représentent 65 % de son chiffre d'affaires, contre 35 % pour ses homologues, la poste néerlandaise TNT Post et la poste allemande Deutsche Post.

Je regrette que l’obstruction de type géographique (!) à laquelle le Groupe Socialiste se prépare ne gâche les chances d’un véritable débat sur la nature et sur l'urgence d’une véritable réorganisation et d’une modernisation de La Poste qui lui permettrait de se doter d’une véritable stratégie commerciale et industrielle.
Personnellement je suis un peu déçu par les éminents spécialistes de la chose postale comme Alain Gouriou ou François Brottes qui expliquait par exemple en 1999 à ses collègues quelque peu sceptiques de la majorité plurielle que « la notion de service universel ne peut en aucun cas être considérée comme une régression ». La construction d’une Europe politique que nous voulons tous sur ces bancs, passe aussi par la création d’un marché commun avec des règles de fonctionnement homogènes pour les acteurs économiques. Et la notion de service universel que nous allons élargir dans le secteur postal correspond bien à une exigence politique d’un service de qualité offert à tous les citoyens européens sur le modèle du service public à la française.

A ce stade, nous tenons à faire deux remarques préliminaires pour répondre à l’actualité sociale.
Premièrement : la question du sacro-saint nombre de bureaux de poste au niveau national est largement un faux problème.
Deuxièmement : les vraies questions qui intéressent les Français et que les élus doivent aborder, c’est la gamme et la qualité des services postaux et c'est celle de l'avenir de l'entreprise La Poste et donc celui de l'emploi des 300 000 postiers.

1. Le faux problème des bureaux de poste :
Je suis moi-même élu d’une circonscription rurale dont certaines communes, classées en ZRR, connaissent des signes évidents et inquiétants de déclin économique et démographique. Pour autant, je ne veux pas joindre ma voix à celle des élus qui refusent de voir la réalité en face. Aujourd'hui on compte 17 620 points de contact postaux dont 14.015 détenus en propre par La Poste, répartis sur 12.000 communes. Ce schéma date grosso modo de la première Guerre Mondiale. Si l’on y regarde de près, on constate qu’en termes d'heures quotidiennes d'activité, 6.500 des 17 600 points de contacts, soit plus d'une antenne postale sur trois, ont moins de quatre heures d'activité par jour. Parmi eux, 3.700 bureaux, soit une antenne sur cinq, ont moins de 2 heures d'activité par jour.
Derrière ces chiffres, il y a la réalité du monde rural qu’on doit prendre en compte et pour laquelle il faut une réponse durable et adaptée. Mais il serait incompréhensible que les responsables de la Poste n’en tirent aucune conséquence sur l’organisation du réseau. Plus encore il serait impensable et irresponsable que le législateur n’ouvre pas les yeux sur cette réalité.

Par contre, la question du service public et de l’aménagement postal du territoire est essentielle et j’aurai l’occasion d’y revenir au sujet du fameux fonds national de péréquation territoriale. Mais il faut d'abord avoir le courage de dire que la question du nombre des bureaux de poste agite davantage les élus que les usagers. Les vraies questions que se posent nos concitoyens concernent davantage la qualité des services postaux que la quantité des bureaux de poste.

2. La vraie question de la qualité des services postaux :
Voici une liste de services et de questions sur lesquels nous devons nous interroger :
- Le délai de distribution et l’heure de la collecte : où en sommes-nous aujourd'hui ? On nous parle de 75 % ou même de 80 % des courriers livrés à J+1 en 2004 ? Mais qu'y a-t-il derrière ce délai consolidé ? et que devient cette mesure de la performance postale dans l'Agenais ou dans l'Albret, pays ruraux de ma circonscription ? et est-il normal que les efforts pour distribuer 75% des courriers à J+1 se fassent parfois aux dépends de l’heure de la levée qui ne cesse d’être de plus en plus précoce, particulièrement dans les zones rurales ? Voilà des questions qui intéressent nos concitoyens et ces questions ont un véritable impact sur l’utilisation du réseau et sur la compétitivité de l’opérateur par rapport à la concurrence. Il faut également rappeler la part encore importante des délais dits « aberrants » (5 %), J+2 pour la lettre, J+5 pour l'Ecopli, et J+9 pour le Postimpact, qui montre l'insuffisance de l'organisation industrielle de La Poste, avec des centres de tri dispersés et peu modernes. Ces délais conduisent parfois à des situations dramatiques pour les populations les plus défavorisées en Zone urbaine sensible qui n’ont pas les moyens d’attendre indéfiniment le versement de leurs prestations sociales.
Alors, où en est La Poste dans ses efforts de modernisation de la chaîne de production ? Voilà qui intéresse aussi les Français. Voilà aussi ce qui doit être la première priorité du Groupe face à l’ouverture à 50% en 2006 et sans doute à 100% en 2009 du secteur courrier qui représente 60% de son chiffre d’affaires.
- les services financiers : le projet de loi amendé par le Sénat est très positif sur ce point et les socialistes seraient bien hypocrites de ne pas le reconnaître, eux qui n’ont cessé de plaider pour la création d’une véritable banque postale sans jamais la faire ! L’extension complète de la gamme des services financiers permettra à La Poste de ne plus être que cette « banque des pauvres ou des vieux » que l’on a trop longtemps stigmatisée. Les banques concurrentes en ont - de fait - accepté, maintenant le principe en contrepartie d'une absolue loyauté concurrentielle qui est garantie par le texte du projet de loi. Il serait absurde que les syndicats s’y opposent au motif qu’il s’agirait d’une privatisation. La réponse est dans le texte que le Groupe UDF soutient : d’une part les postiers continueront, quelle que soit leur activité au sein de l'établissement, à recevoir un bulletin de paye de La Poste et donc à relever de la maison-mère. Le Ministre aura sans doute l’occasion pendant les débats d’insister sur ce point afin de rassurer l’ensemble des personnels sur leur statut et sa pérennité. Enfin d’autre part la dimension sociale de l'activité financière de La Poste est également garantie puisque le projet de loi, comme le note le rapporteur, prescrit à La Poste de proposer des produits et services « au plus grand nombre, notamment le livret A ». Je ne vois dans ces éléments tangibles aucun signe de régression ou de privatisation.
- les services à la personne : voilà un chantier qui s’annonce prometteur et qui pourrait ouvrir des perspectives de développement et de recrutement considérables pour le Groupe. Je pense en particulier au métier de facteur, métier d’avenir, qui pourrait évoluer par exemple vers des services de médiation sociale à domicile pour les personnes âgées et isolées. De nombreuses démarches administratives pourraient être confiées à ce service de proximité, dans le cadre des maisons de service public. On peut également imaginer des partenariats entre La Poste et les collectivités locales et les CCAS pour définir les compléments de service les plus urgents et les utiles. La nomination d’un Directeur à part entière pour cette branche des services de proximité est un signe encourageant qui mérite toute la mobilisation positive des élus locaux.

- les NTIC : La Poste a toujours eu une attitude de repli ou d’attente dans le domaine des nouvelles technologies. Elle doit aller beaucoup plus loin dans le secteur clé de la dématérialisation des services et des services mixtes : envoi de lettres ou de cartes postales par Internet, envoi de recommandé avec accusé de réception par mail… Elle doit jouer un rôle d’intermédiaire et de facilitateur entre ceux qui ne servent plus que d’Internet et ceux qui sont restés au timbre poste.
La Poste doit aussi être compétitive sur le marché du e-commerce qui est en pleine expansion.

Enfin, le gouvernement doit comprendre impérativement que pour les élus locaux - et notamment pour ceux des territoires ruraux - comme pour les citoyens, les moyens de communication offerts par un territoire forment un tout qu'il ne faut plus traiter de manière segmentée, en distinguant service postal et services de télécommunications.

Et à ce niveau là de mon propos, permettez-moi deux brefs instantanés sur la téléphonie mobile et la desserte en internet haut débit en milieu rural pour nous rappeler qu'il reste beaucoup à faire….

En téléphonie mobile : le dispositif adopté pour résorber les zones dites "blanches" dans la LEN est en situation d’échec sur le terrain. M. de Saint-Sernin l’a lui-même reconnu : il faut dix-huit mois pour parvenir à ériger un pylône en état d'émettre et seulement 40 % des accords entre les collectivités et les opérateurs sont réellement engagés. Au final nous avons déjà plus de 2 ans de retard sur la phase I ce qui donne, souvent, un bon argument aux opérateurs, responsables de la phase II, pour laisser pourrir la situation.

En Internet haut-débit : il faut saluer les efforts de France Télécom pour développer le maillage territorial ADSL. Mais on sait que le dégroupage a ses limites. Le gouvernement doit prendre la main sur la technologie sans fil (wifi, wimax…) qui permettra de toucher beaucoup plus de futurs Internautes ruraux.

Ces questions essentielles sur l'offre de communication d'un territoire sont liées à l’avenir de la Poste car il faut bien comprendre qu’on ne peut restructurer un service existant sans en proposer un nouveau, et, dans bien des cas, les nouveaux services qu’attendent les populations et en particulier les jeunes qui veulent rester, ce sont les nouvelles technologies de l’information.

Voilà les véritables sujets qui méritent que la représentation nationale stimule et La Poste et la politique gouvernementale.

Pour conclure, j’en viens aux principales contributions que le Groupe UDF souhaite apporter à ce texte :

1. Présence territoriale et aménagement du territoire
Nous allons aborder la question de la création du fonds national de péréquation territoriale qui a été introduite dans le projet de loi par le Sénat. Je tiens tout d’abord à vous faire part de ma perplexité sur la manière quelque peu improvisée avec laquelle ce sujet pourtant absolument majeur a été traité. Et je crains d’ailleurs que malgré toute la compétence et la bonne volonté de notre rapporteur nous ne parvenions pas à une solution convenable pour tous sur la base de l’amendement adopté par la commission.
Plusieurs questions se posent :
- qui va gérer le fonds ? Le Groupe UDF pose la question solennelle de la gouvernance de ce fonds de 150 millions d’euros. Je ne pense pas que La Poste soit la mieux placée pour en être le gestionnaire, car elle serait alors juge et partie. Le Groupe de travail de la CSSPPCE a en effet soulevé la question de la non consommation des ressources du fonds à hauteur de l’allègement fiscal de La Poste. Il est crucial que cet argent soit réservé au réseau des agences postales communales et des points Poste et ne serve pas au financement du cœur de réseau. C’est pourquoi je pense aussi qu’une gestion collégiale et déconcentrée de ce fonds pourrait être confiée au préfet dans le cadre d’une répartition départementale après avis de la commission départementale de présence postale territoriale. Mais, nous ne détenons pas la vérité et nous sommes donc ouverts au débat en la matière, l'important étant de mettre en place une gouvernance neutre et tripartite -Etat, Poste et collectivités locales - de ce fonds.
- Qui va l’abonder ? Au-delà de l’exonération de TP dont on peut douter de la pérennité en raison de la réforme en cours, il faut que les collectivités territoriales puissent abonder ce fonds dans un vrai esprit de solidarité et de péréquation. Pour cela il faut définir un système beaucoup plus encadré que celui-ci qui n’encourage pas le volontariat et qui ne contraint personne.
- Que va-t-il financer ? Le fonds ne doit financer que les services qui relèvent de la mission d’aménagement du territoire de La Poste. A ce titre je suis favorable au financement, par ce fonds des agences postales communales et des points-poste qui malheureusement peinent à se développer à la fois pour des raisons financières et administratives. Je proposerai d’ailleurs un amendement sur ce sujet majeur pour les élus ruraux. Mais on doit pouvoir également prendre en compte les aspects sociaux de sa mission ce qui pourrait justifier une partie du financement des aides à la personne…


2. Clarification du régime de responsabilité de La Poste et des opérateurs postaux
Grâce à l’article 6 de la loi sur la confiance dans l'économie numérique, les entreprises de vente en ligne peuvent voir leur responsabilité pleinement engagée. Il est donc anormal que celles-ci ne puissent exercer d'action récursoire contre une entreprise de service postal dont la carence ou la faute aurait été à l'origine du dommage. Nous avons déjà discuté de ce point en commission et je remercie le rapporteur de son esprit d’ouverture en ce qui concerne la suppression de toute particularité au régime de responsabilité de La Poste par rapport à celui des autres opérateurs postaux. Il faut également à mon sens distinguer les offres de services basés sur des objectifs de résultat explicite, pour lesquels la responsabilité de l'entreprise pourrait être engagée de manière pleine et entière dans la limite d'un plafond égal à mille fois le prix payé pour le résultat qui n'a pas été obtenu et les autres services pour lesquels elle serait responsable à concurrence d'une somme forfaitaire au moins égale au montant de l'affranchissement.

3. Clarification du contrôle tarifaire
Enfin j’ai déposé quelques amendements qui concernent la procédure de fixation des tarifs. Je propose de mettre en place une procédure de régulation économique qui préserve les intérêts des petits consommateurs (à travers le courrier égrené par exemple) tout en laissant à La Poste la possibilité de faire rapidement évoluer ses tarifs sur les envois en nombre afin de lui donner une capacité de réaction rapide en matière tarifaire.

En conclusion, le Groupe UDF qui pourra avoir une approche contrastée en fonction de ses membres soutient globalement ce texte qui va dans le sens de la construction d'un véritable marché européenne mais aussi du renforcement des missions que La Poste et ses personnels ont su accomplir avec une grande compétence. Avec ce texte nous avons la chance historique de consolider ses compétences et de donner à La Poste les atouts de sa compétitivité face à une concurrence accrue. La Poste les a, maintenant, ces atouts pour donner un avenir à nos 300 000 postier… Rien ne serait pire que de caricaturer ce débat à force d’obstruction et d’hypocrisie. Le Groupe UDF prendra résolument le parti de la lucidité et de la réforme… mais aussi, celui des services rendus à nos concitoyens et si nous arrivons sur ce texte avec un priori positif, nous nous déterminerons en final sur le niveau de services apportés
Je vous remercie,

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